Innover en politique est-ce possible ?

Le monde politique semble en panne. Il fait l’objet de toutes les critiques, de tous les rejets. Bouc émissaire facile de populations mécontentes, il est vrai le personnel politique n’est pas exempt de reproches…. Loin s’en faut. Comment l’interrogation « innover en politique » peut-elle alors paraître légitime à qui voudrait relancer la machine ?

Il me semble, cependant, que deux questions préalables sont nécessaires. Pourquoi innover ? Est-ce, du reste d’innovation dont la politique a besoin ? Entrer dans la dialectique de l’innovation suppose déjà d’admettre que le système politique tel qu’il est fonctionne et qu’il suffirait d’un peu de nouveauté dans la continuité pour que tout redémarre. La problématique de fond concernant la politique est donc déjà de savoir si « elle fonctionne ». Autrement dit, faut-il innover ou rénover ? Faut-il partir de l’existant à améliorer, toiletter, ou faut-il faire table rase, sachant qu’on ne fait pas du neuf avec du vieux. Proposer l’innovation suppose d’admettre que la politique (système et idées) dans les grandes lignes de son fonctionnement actuel nous convient. S’attacher à la rénover s’entend pour qui voudrait une modification substantielle de la politique. Deux écoles qui ne sont pas nécessairement incompatibles, mais dont le mariage peut s’avérer délicat s’il n’est pas précédé, d’une vision de la politique et, au-delà, d’une vision politique.

Deux questions sont donc indispensables en préambule, qu’est-ce que la politique et pourquoi la politique ? La réponse à cette double interrogation dépend des valeurs qui sous-tendent la réflexion, c’est-à-dire de notre conception de l’Homme et de la cité. Car on ne fera pas de la politique de la même façon selon que l’Homme est un pion au service de la société ou que la société est le Bien Commun de l’Homme libre et responsable. Dans le premier cas, la politique organise les besoins de la société en instrumentalisant l’Homme, dans l’autre la société s’organise autour des besoins fondamentaux nécessaires à la dignité de l’Homme. Encore faut-il être d’accord sur cette notion de dignité. Pour les socialistes, les libéraux ou les personnalistes ce même mot ne recouvre pas les mêmes définitions. Innover en politique suppose donc de donner crédit à la forme actuelle de la politique pour mettre en place la conception que l’on a de l’Homme et de la société.

Posée clairement, pour celui qui voit en l’Homme un être libre et responsable, épanoui au cœur d’une société conçue comme le Bien Commun, la question se résume ainsi. La politique telle qu’elle est aujourd’hui est-elle ce service rendu à l’Homme pour son plein épanouissement, dans le respect et la promotion du Bien commun ? Y a-t-il adéquation entre la politique et la vérité ontologique de l’Homme ? J’ai parlé ailleurs de cette anthropologie et a un autre endroit de ce que pouvait être la politique. En deux mots la politique se comprend comme système politique (aspect pratique de l’exercice politique) au service d’une politique. Si nous prenons la politique comme le gouvernement de la cité, il existe plusieurs systèmes de gouvernement possibles. Si nous prenons la politique comme service du Bien Commun dans l’organisation de la cité, le mode de gouvernement n’est plus qu’un aspect de la politique.

Or aujourd’hui la conception de la politique est double. C’est un lieu de pouvoir pour gouverner la cité et ce pouvoir est un enjeu pour imposer sa vision du monde. La politique à l’heure actuelle se retrouve à l’opposé de sa vocation première, servir l’Homme dans le Bien commun de la cité. Parce que servir l’Homme suppose d’en faire l’étalon de mesure de toute action politique. Or cet étalon de mesure, critère ultime de toute vision politique, inclut de façon intrinsèque la liberté et la responsabilité.

Il est un fait que dans cette arène politique, l’Homme est devenu un enjeu que l’on travestit d’idéologie. Le but étant alors non pas d’œuvrer pour lui, mais de faire triompher sa vision de l’Homme. Tant que la politique ne fera pas deux révolutions essentielles elle suscitera, à juste titre, la défiance et la crainte. Tant que la politique ne sera pas un service réel pour l’Homme et le Bien commun, les citoyens se méfieront et se protégeront d’un pouvoir qui les tyrannise et les brime. Tant que la politique ne retrouvera pas la vérité profonde de l’Homme, la fracture ira grandissant entre le peuple et les politiques.

Il faut donc bien plus rénover qu’innover. Rénover la conception de la politique comme service de la vérité anthropologique vécue dans la perspective du Bien commun et rénover la vision que les politiques ont de l’Homme en les rappelant au réalisme de cette vérité anthropologique.
Concrètement deux alternatives s’offrent à nous : faire sauter le système, c’est-à-dire l’ensemble des cadres et du personnel politique pour retrouver une authenticité politique ou œuvrer en profondeur dans la durée avec un objectif clair et unique, remettre l’Homme au cœur de la vie politique, comme étalon de mesure de l’action politique et comme objet privilégié de la charité politique.

Si vous n’êtes pas prêts à la révolution, il va alors falloir vous retrousser les manches pour renouveler la politique, dans la durée. Mais avant de chercher des programmes ou des méthodes pour infiltrer ou gagner le système, il faut au préalable avoir une vision claire de l’Homme et du service que la politique peut et doit lui rendre. Rénover en politique serait donc penser l’Homme pour lui-même et le servir dans le cadre du bien Commun. M’est avis que tout autre « innovation » servirait au mieux à feutrer le débat au pire à nourrir l’hydre.

> Cyril Brun anime le site Cyrano.net.

Related Articles

6 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Marino , 26 mai 2015 @ 20 h 53 min

    L’appel de citoyens et d’élus pour la levée des sanctions contre la Russie et pour la livraison des Mistral

    Appel. Alors que Moscou aurait accepté de rompre le contrat avec la France de livraison du Mistral, un collectif de citoyens et d’élus lance une pétition pour inviter le gouvernement français à lever les sanctions contre la Russie et surtout à livrer les Mistral.

    L’absence de François Hollande à Moscou le 9 mai 2015 est une insulte à l’histoire, 70 ans après la victoire des alliés sur la barbarie nazie. Contre le nazisme, le combat du peuple russe fut décisif. Les peuples de France et de Russie furent alliés, frères d’armes, frères de sang, à l’image des hommes du régiment Normandie-Niemen. Vladimir Poutine était présent, lui, sur les plages de Normandie en juin 2014 et n’a pas omis de rendre hommage aux combattants des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de France.

    Cette absence du président français à Moscou est symptomatique de la politique actuelle de la France sans vision ni stratégie à l’égard de la Russie.

    La France peut et doit reprendre l’initiative diplomatique. Elle doit d’abord dire que la levée des sanctions contre la Russie ne peut être liée au respect des accords de Minsk car le gouvernement Ukrainien ne les applique pas et que certains pays de l’OTAN jouent les boutefeux. La loi votée par la Rada est contradictoire aux accords en ce qu’elle ne prévoit ni amnistie générale, ni vote indépendant ni autonomie pour le Donbass déclaré au contraire « zone occupée ». L’envoi de troupes en Ukraine par des pays de l’OTAN est contraire à l’esprit des accords. Lier les sanctions au respect des accords de Minsk, c’est se faire l’otage de la politique intérieure ukrainienne

    […]

    Pour ces raisons, fidèles au génie diplomatique de la France, soucieux du respect de la parole donnée, conscients de la défense des intérêts de notre pays et de ceux de l’Europe, nous appelons le gouvernement français à lever les sanctions contre la Russie et à livrer les Mistral.

    Premiers signataires : Nicolas Dupont-Aignan, Thierry Mariani, Nicolas Dhuicq, Jean-Pierre Decool, Patrick Balkany, Veronique Besse, Claude Goasguen, Michel Terrot, Patrice Verchere, Lionel Luca, Jacques Sapir, Jean Paul Brighelli.

    Signer la pétition.

    http://www.valeursactuelles.com/monde/lappel-de-citoyens-et-delus-pour-la-levee-des-sanctions-et-pour-la-livraison-des-mistral-a-la

  • rorol , 27 mai 2015 @ 8 h 24 min

    moi je !!!!!!

  • Cap2006 , 27 mai 2015 @ 11 h 09 min

    Mais que vient faire la Russie ici ?

    Sans doute une illustration de la politique politicienne…

  • Cap2006 , 27 mai 2015 @ 11 h 16 min

    Notre république est malade d’une inversion d’objectif.

    Aujourd’hui, ce sont les citoyens infantilisés qui se retrouvent au service d’un appareil d’état qui décide de tout, sur tous les sujets; au service de ses sbires au zèle déconnecté des réalités.

    Rénover, innover, peut importe finalement. L’état doit être au service d’un peuple responsabilisé individuellement et collectivement.

    Il n’y a aucune offre électorale à ce jour, qui n’aurait comme programme que de viser à réduire au maximum le poids de l’état, défini comme légitime dès lors qu’aucune autre solution n’est plus efficace.

  • flammande , 27 mai 2015 @ 17 h 44 min

    Innover en politique serait maintenant de revenir à servir son Peuple et son Pays… Mais ça, depuis que nous sommes passés à la délégation pure et simple de notre souveraineté et sous les fourches caudines atlantistes, ça sent un peu le moisi… Nos marionnettes du grand guignol ne font plus que de la communication et de la commémoration…

  • L.P. , 27 mai 2015 @ 18 h 03 min

    Rénover en expliquant la Vérité de la situation et en proposant des remèdes de bon sens pour tranquilliser non apeurer.A l’heure actuelle nous sommes soumis par l’actualité aux seuls sentiments provoquant une réaction spontanée(téléguidée très souvent) La réflexion est tuée par les médias qui imposent des réponses par oui ou non à des questions complexes.
    Un peu de courage et de pédagogie voila ce qu’il faut pour rénover.
    Définir ce que l’on entend par politique : bien commun ou recherche personnelle ? .
    r

Comments are closed.