Peut-on parler de « raz-de-marée » populiste aux élections présidentielles autrichiennes ? De prime abord, le score de 36 % paraît impressionnant. Mais il l’est beaucoup moins si l’on se souvient qu’avait déjà été atteint 27 % vingt ans auparavant. En second lieu, plusieurs conditions propices à un succès se trouvaient réunies. Si bien qu’un gain de neuf points en vingt ans ne paraît pas foudroyant.
Au sujet du FPÖ, le parti de la liberté autrichien, un article universitaire évoquait, dès 1991, une « impressionnante ascension électorale ». En effet, dans la roue du FN français en 1986, avec un score de 10 % aux législatives, le FPÖ se détachait en 1990, en atteignant 17 %. Il poursuivait son ascension avec 27,5 % aux élections européennes de 1996 et 27 % aux législatives de 1999.
Il marquait le pas, par la suite, en raison de plusieurs facteurs : déception consécutive à sa participation gouvernementale, essoufflement, critique de la personnalité de Jörg Haider, décès dudit leader et scission interne. Aujourd’hui, compte-tenu du contexte européen (chômage, faible croissance, fragilisation de l’Etat-providence) et des événements (épisode marquant des migrants), on aurait pu s’attendre à une vague de succès sans précédent des partis de coloration populiste.
“En Autriche, la personnalité de Norbert Hofer, qui vient d’émerger, est presque aux antipodes de celle d’Haider. Il n’est pas l’équivalent de Marine Le Pen mais, directement, l’équivalent de Marion Le Pen.”
En fait, on est loin de la lame de fond tant pronostiquée. Progression significative en Autriche, après la Suède. Progression presque en trompe-l’œil du FN, aux dernières élections, en France. Progression surtout des partis les plus modérés, ou les plus « dés-extrême-droitisés », tel le parti des vrais Finlandais (proche d’une tradition de populisme centriste) ou l’UKIP britannique. Le parti du peuple danois n’est pas spécialement haut par rapport à son étiage historique. Se trouvent même en baisse le Jobbik hongrois, et en chute la ligue du Nord italienne (4%) et le Vlaams Belang belge (3,7%). La progression des partis populistes européens est donc contrastée, moins forte que prévue et indexée sur leur distanciation avec l’extrême-droite.
En Autriche, la personnalité de Norbert Hofer, qui vient d’émerger, est presque aux antipodes de celle d’Haider. Il n’est pas l’équivalent de Marine Le Pen mais, directement, l’équivalent de Marion Le Pen. Il contraste, en effet, avec les rodomontades d’Haider, par sa personnalité souriante et posée. Il se signale par sa courtoisie, qui tranche avec le sans-gêne de ses prédécesseurs à la tête du parti. Il rappelle aussi la personnalité de Gianfranco Fini, qui réalisa l’aggiornamento de l’extrême-droite italienne.
Agé de 45 ans, Hofer incarnait la fraîcheur et le renouveau face à des concurrents dont la moyenne d’âge est de 72 ans ! Pris au cœur de la tourmente migratoire, une notable proportion d’Autrichiens s’est, non sans logique, portée sur le candidat qui incarnait le mieux l’espoir de se raccrocher à quelque chose de protecteur. Une fois de plus, on constate les effets contre-productifs des leçons de morale dispensées par les puissants de la planète (du pape à Barack Obama). La perspective de visas automatiques en faveur de la Turquie a également contribué à cette défiance à l’endroit des élites.
> Marc Crapez est politologue. Il vient de publier Eloge de la pensée de droite et autres arguments pour contrer la gauche,
aux éditions Jean-Cyrille Godefroy. Sa page Facebook.
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