Jeudi 22 mars, la France a connu une journée noire. « Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console » disait Talleyrand. Notre pays ne peut guère reprendre cette formule à son compte. Il y en a peu qui soient comparables et qui offrent une pareille image, détestable par quelque perspective qu’on la regarde. Historiquement, le 22 Mars est la date qui a donné son nom au mouvement le plus connu de 1968. Le rappel, la célébration parfois de cette année marquée par le mouvement « révolutionnaire » le plus stupide qui ait marqué la vie de la France, pourtant déjà tellement riche en journées d’agitation qui lui ont fait perdre son statut de plus grande puissance européenne, a une dimension grotesque. En 1968, le pays se redressait à grande vitesse et affichait des records insolents de croissance. Un mouvement gauchiste dénué de tout horizon vraiment politique a réussi à faire plier des responsables qui lui ont accordé une importance démesurée. L’expulsion immédiate du territoire de l’histrion allemand Cohn-Bendit et l’exclusion de l’Université des fauteurs de troubles aurait pu régler la question. Mais on a préféré recevoir, dialoguer, négocier. Les revendications sociales ont rebondi sur cet édredon d’impuissance gouvernementale et il a fallu attendre le 30 Mai pour que les Français exaspérés par la chienlit redonnent au pouvoir la conscience de ses devoirs et des moyens de les accomplir. Penser que Cohn-Bendit ait pu revenir en France, et être fait « docteur honoris causa de l’Université de Nanterre », qu’il ait pu représenter la France au parlement européen en 2009, et obtenir la nationalité française en 2015, après avoir fait carrière en Allemagne donne une idée vertigineuse de la bêtise dont notre pays est capable. Ecolo, amateur de football, et libéral-libertaire allant jusqu’à se montrer plein de complaisance pour la pédophilie, Cohn-Bendit est un homme de spectacle qui plaît aux médias puisqu’il n’a pour règle que d’embrasser les idées à la mode. Un pays qui se respecte aurait du définitivement bannir ce triste sire et l’époque qu’il symbolise.
Mais, au contraire, le 22 mars 2018 a doublement récidivé. La journée a connu deux événements qui n’ont qu’un seul point commun : celui d’offrir au monde et aux Français eux-mêmes le spectacle d’un pays vérolé. Un ancien Chef d’Etat est venu longuement s’expliquer à la télévision sur sa mise en examen. Ses partisans sont choqués par le traitement humiliant qu’il a subi en étant placé en garde à vue. Ses adversaires sont évidemment ravis de cette punition morale. Les premiers ont été convaincus par les explications. Les seconds ont davantage écouté le réquisitoire de Médiapart. Toutes les hypothèses sont aujourd’hui possibles, depuis le complot visant à instrumentaliser la justice pour affaiblir Les Républicains et poursuivre l’OPA gouvernementale sur la droite jusqu’à la forfaiture d’un pouvoir qui se serait laissé acheter par une dictature, en passant par une manoeuvre du clan Kadhafi pour se venger de celui qui a fait tomber le régime. Les faits subsistent néanmoins qui abîment notre pays. Un dictateur reçu avec faste en 2007 par la France a été renversé et tué grâce à l’intervention de celle-ci en 2011. Le Président qui est l’auteur de ces actions contradictoires est aujourd’hui suspecté de les avoir entreprises toutes deux pour des motifs intéressés et peu glorieux. Il faut espérer que Sarkozy fasse triompher sa bonne foi éventuelle car la France ne sort pas grandie de sa politique libyenne et serait gravement salie si cette politique avait été liée à des intérêts sordides.
Dans l’ensemble, les affaires judiciaires qui encombrent la politique n’invitent pas au respect pour celle-ci. On rêve d’une France en bon ordre derrière des responsables dont l’honnêteté et le dévouement à la cause publique inspireraient la confiance. Le vaste mouvement de protestation qui s’est répandu à Paris et dans plusieurs villes de province, accompagné ici et là par des casseurs d’extrême-gauche dont on se demande pourquoi leur existence est tolérée, a donné de la France la triste et récurrente image d’un pays incapable de mener un dialogue serein pour le bien commun. Il est paradoxal que chez une nation obsédée par l’égalité dans les discours, les manifestations et les revendications les plus dures aient pour motif le maintien des statuts et de leur avantages, qui sont, qu’on le veuille ou non, sources d’inégalités. Mais, le mépris affiché par notre donneur de leçons présidentiel suscite à juste titre l’envie de la rébellion. Aussi, même ceux qui sont les plus convaincus de la nécessité des réformes, et sont peu sensibles aux exigences des cheminots ou des fonctionnaires territoriaux, comprennent davantage la lassitude de la fonction hospitalière ou la grogne des retraités.
Le changement dans la continuité représenté par le pouvoir actuel qui réunit les opportunistes issus de la gauche et de la droite ne peut déjà plus inspirer la confiance d’un pays qui n’en peut plus de descendre sans cesse. Il lui faut une vraie révolution, un réveil national qui ne peut venir que de la Droite, et le plus tôt serait le mieux.