Pour comprendre la valeur du dépassement de soi, du patriotisme et de la foi chrétienne, il faut voir l’exemple d’hommes qui en ont vécu. Pour notre siècle, la vie de Louis Zamperini constitue l’un des témoignages les plus puissants.
Jack O’Connell joue le rôle de Louis Zamperini (en noir et blanc) dans le film d’Angelina Jolie.
L’histoire vraie de cet athlète américain a fait l’objet d’un film réalisé par Angelina Jolie : « Unbroken », traduit très approximativement par « Invincible » en français. La réalisatrice a même été au Vatican le 8 janvier pour présenter son œuvre au Pape. Durant la projection dans la Casina Pio IV, le fils de Louis Zamperini, Luke Zamperini, était présent. Louis Zamperini est décédé il y a quelques mois à l’âge de 97 ans. Le film se base sur sa biographie écrite par Laura Hillenbrand, traduite en français sous le titre « Invincible, une histoire de survie et de rédemption ».
La bande-annonce du film en français
De délinquant à champion d’athlétisme
Louis Zamperini est né le 26 janvier 1917 aux Etats-Unis dans une famille d’immigrés italiens. Il a une enfance de délinquant, au désespoir de ses parents. Néanmoins, son grand-frère Pete lui découvre à 15 ans un talent pour courir, et décide de l’entraîner. Louis, bien que réticent au début, se soumet aux entraînements et participe à des courses officielles, quittant du même coup la délinquance. Grâce à ses efforts et son talent, il gagne des courses et bat de nombreux records. En 1934, il bat en 4 minutes et 21 secondes le record national lycéen du mile, un record qui tiendra 18 ans. Cette performance exceptionnelle lui permet de participer, à seulement 19 ans, aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936. Il court le 5000 mètres, finit 8e mais en terminant le dernier tour en seulement 56 secondes, il explose la marque précédente de 69 secondes. Il rencontre Adolf Hitler : « Ah, vous êtes le garçon qui finit vite », lui dit-il. De retour aux Etats-Unis, il continue sa progression. Dans une course durant laquelle des concurrents lui donnent des coups avec leurs coudes et leurs chaussures cloutées, il finit premier en battant le record national étudiant du mile en 4 minutes et 8 secondes (qui tiendra 15 ans), les tibias et les orteils ensanglantés et une côte fêlée. C’est le 5e mile le plus rapide de l’histoire. Il se prépare pour les Jeux Olympiques de Tokyo de 1940, il est grand favori pour la victoire olympique.
D’officier d’aviation à naufragé sur le Pacifique
Malheureusement, la 2e Guerre Mondiale éclate et les Jeux Olympiques sont annulés. Louis Zamperini s’engage en novembre 1941 dans le corps d’aviation et est formé comme bombardier sur l’avion B-24. Il combat dans une unité du Pacifique, sur le « Super-Man », avec comme pilote le lieutenant Russell Allen Phillips, dit « Phil ». Lors d’une de ses nombreuses missions à risques, en avril 1943, le bombardier est attaqué par 9 avions de chasse « Zero » japonais. Par chance, Louis n’est pas blessé, justifiant son surnom de « Louis le chanceux ». Les avions japonais sont abattus. Après un atterrissage en catastrophe, on dénombre au sol 594 impacts de balles sur le véhicule, rendu inutilisable, la moitié de l’équipage est sévèrement blessée. Le 23 mai 1943, ils embarquent sur le peu sûr avion « Green Hornet » (« Frelon Vert »), en mission pour rechercher un B-24 disparu. En raison de problèmes mécaniques, c’est leur avion qui se crashe en plein milieu du Pacifique. Le choc est violent. Sur les 11 membres de l’équipage, seuls trois survivent : le sergent Francis « Mac » McNamara, le lieutenant Phillips (le pilote) et Louis Zamperini. Ils réussissent à installer deux canots de sauvetage. Ils dérivent des jours durant, quasiment sans eau ni nourriture. Une fois, ils aperçoivent tout proche un avion de leur escadron, mais celui-ci ne voit pas les trois naufragés. Une autre fois, un avion les repère, mais c’est un avion japonais, qui bombarde le radeau, laissant 46 impacts de balles et détruisant un canot. Pour se nourrir, ils capturent et dépècent un albatros qui s’est posé sur leur radeau, nourriture infecte et pestilentielle. « Certaines choses ne font pas partie de notre chaîne alimentaire mais quand vous mourrez de faim, alors vous les mangez !», commente plus tard Zamperini (1). Ils se servent aussi des oiseaux dont ils s’emparent comme hameçon pour pêcher du poisson. L’océan est infesté de requins. Les trois hommes sont attaqués par des requins mako et des requins de récifs. Une fois, c’est un grand requin blanc qui terrorise l’équipage pendant près d’une heure, qui semblera durer toute une nuit pour Zamperini.
Pour ne pas sombrer dans la folie, ils passent le temps en se racontant des histoires, leurs souvenirs et leurs projets. Zamperini met en place des questionnaires sur tous les sujets possibles pour exercer leur mémoire. Mais surtout, ils se tournent vers la prière. Le pilote Phil, très croyant, chante des hymnes d’église. Phil prie beaucoup sur le radeau, ce que remarque Louis. Bien qu’éduqué comme catholique, Louis n’a jamais beaucoup prié, et puisqu’il ne sait pas comment s’y prendre, il récite des bribes de prières qu’il a entendu dans des films. « On dit qu’il n’y a pas d’athées dans les tranchées. Eh bien sur un radeau, c’est ça puissance 10 », résume-t-il. Prier, matin, midi et soir, tous les jours. Louis et Phil mènent alternativement les prières chaque nuit. La soif se fait alors sentir. Il n’a plus plu depuis 6 jours. Louis se met à prier pour qu’il pleuve. Le lendemain, la pluie tombe à verses, permettant aux survivants de refaire leurs réserves d’eau. Louis fait une promesse à Dieu : « Si Tu me sors de là, je Te chercherai et Te servirai pour le reste de ma vie ».
Le 33e jour de dérive, « Mac » meurt. Phil et Louis lui réservent un éloge funéraire et des prières avant de déposer son corps dans l’océan.
Le 47e jour, les deux survivants, Phil et Louis, décharnés, ont perdu environ 45 kilos chacun. Nous sommes le 13 juillet. Ils ont dérivés sur 3000 kilomètres. Un bateau arrive, ils sont sauvés. Malheureusement, ce sont des Japonais qui les repêchent.
Prisonnier des Japonais
Phil et Louis sont conduits à Kwajalein, connue comme « l’île des exécutions ». Ils sont placés dans de minuscules cellules séparées. Dans la cellule de Louis, 9 Marines ont inscrit leur nom. Ils ont été décapités. Louis grave le sien également et mémorise le nom de ces neuf camarades oubliés. Pour la première fois, il craque et pleure amèrement.
Ils subissent interrogatoires, coups et humiliations. Ils sont utilisés comme cobayes pour des expérimentations médicales douteuses.
Après 43 jours, ils sont transférés à Yokohama, dans un camp de prisonniers de guerre secret et illégal : Ofuna. Les conditions sont indignes, sans respect de la Convention de Genève, avec interrogatoires et travaux forcés. Les prisonniers, battus chaque jour, n’ont pas le droit de se parler ou même de se croiser du regard. On force un Louis complètement décharné à courir contre des civils japonais.
Au bout d’un an, Louis Zamperini est conduit dans un autre camp de prisonnier, Omori, où les prisonniers meurent fréquemment de malnutrition, d’abus et de négligence. En septembre 1944, il rencontre le chef de camp Mutsuhiro Watanabe, surnommé « L’oiseau » par les prisonniers. Cet homme est particulièrement sadique avec les prisonniers, sans doute pour se venger de n’avoir pas réussi à devenir officier. Louis devient son bouc-émissaire, en tant qu’ex athlète. Par exemple, il le frappe avec une ceinture jusqu’à le rendre temporairement sourd.
Louis comprend alors pourquoi il n’a pas été décapité sur « l’île des exécutions » comme nombre de soldats américains avant lui : c’est un prisonnier spécial, les Japonais savent qu’il est champion olympique. Les Japonais lui font annoncer à la radio qu’il n’est pas mort, contrairement à ce qu’avaient annoncé les autorités américaines (en raison de sa disparition depuis plus d’un an). Les Japonais veulent continuer à lui faire lire des déclarations à la radio comme outil de propagande antiaméricaine. Il refuse. Malgré les menaces de représailles.
Il est renvoyé dans un autre camp de prisonniers, Naoetsu, où la vermine et la chaleur accablent les prisonniers de guerre.
Malheureusement pour Louis, « L’oiseau » est aussi transféré dans ce même camp. Le tortionnaire continue son œuvre sur sa cible favorite. Le calvaire de Louis reprend.
Un jour, il est condamné à être frappé dans la tête par tous les prisonniers du camp. Si les prisonniers ne frappent pas assez fort, « l’Oiseau » les cogne avec sa crosse. Louis se voit ainsi infliger environ 220 coups de poing par ses camarades. Battu fréquemment par l’Oiseau, il est incapable d’accomplir les lourds travaux imposés aux prisonniers. On l’oblige alors à nettoyer la porcherie… seulement avec ses mains. Un autre jour, on le force à porter une planche de bois au-dessus de sa tête. S’il la lâche, le garde a l’ordre de le tuer. Un prisonnier calcule : il la tient durant 37 minutes. A la fin, de rage, « l’Oiseau » fait lui-même tomber Louis en lui donnant un coup de poing dans le ventre.
La défaite japonaise se profile. L’exécution de tous les prisonniers est prévue le 22 août. La fin de la guerre se précipite avec les bombardements atomiques à Hiroshima et Nagasaki. Le 20 août, juste à temps, les prisonniers sont informés de la cessation de la guerre et sont libérés. « L’oiseau » arrive à disparaître à temps : il échappe aux poursuites pour crimes de guerre.
Le 9 septembre, Louis peut retourner chez lui auprès des siens. Phil aussi rentre vivant et peut se marier avec sa fiancée Cecy.
Conversion au Christ
Aux Etats-Unis, il rencontre la belle Cynthia Applewhite. Ils se marient le 25 mai 1946. Entre temps, il a oublié ses promesses répétées à Dieu. Il devient une petite célébrité à son retour. Mais il souffre de syndromes de stress post-traumatique, hanté par ses souvenirs de guerre. Il revoit « l’Oiseau » à chaque fois qu’il essaie de dormir. Il se réfugie dans la boisson. Il décide de s’entraîner pour les Jeux Olympiques de 1948. Mais il doit abandonner car il se blesse à la cheville: c’est celle sur laquelle s’est acharné « l’Oiseau ». Son rêve de disputer les prochains Jeux s’écroule. Son désir de vengeance l’obnubile. Il planifie de repartir au Japon pour tuer son bourreau « l’Oiseau ». L’obsession grandit et il boit de plus en plus. Lors d’un de ses cauchemars, il se retrouve à étrangler sa femme, croyant étrangler « l’Oiseau ». Pire, après la naissance de sa fille, Cynthia trouve Louis en train de secouer leur bébé. Elle décide alors de remplir les papiers de divorce.
Louis, devenu alcoolique, a même interdit à sa femme d’aller à l’église le dimanche. Cependant, en septembre 1949, le jeune prédicateur Billy Graham plante sa tente à Los Angeles pour ses « Croisades » pour le Christ. Cynthia se rend à un de ses rassemblements. Elle en ressort convertie, et décide finalement de ne pas divorcer. Elle supplie son mari d’aller lui aussi écouter Billy Graham. Après de longues heures, il accepte de s’y rendre, mais compte partir avant la fin. Mais ce soir-là, les mots de Billy Graham l’interpellent : « Quelle type de vie vivez-vous ? Etes-vous satisfait de votre vie ? ». Il se souvient alors de la promesse qu’il avait faite à Dieu sur le canot : « Si Tu me sauve, je Te servirai pour toujours ». Il choisit d’honorer la deuxième partie de sa promesse. Ce jour-là, il expérimente une conversion du cœur, se sentant comme « une création nouvelle ». A partir de ce jour, il se débarrasse de son alcoolisme, et ses cauchemars de prisonnier de guerre cessent pour toujours. Il n’éprouve plus de haine pour ceux qui l’ont torturé, et perd son désir de tuer « l’Oiseau ».
Louis Zamperini et Billy Graham en 1949
A son retour aux Etats-Unis, il avait déclaré au magazine « Time » : « Je préfère mourir plutôt que retourner au Japon ». Plus que les tortures physiques, les pratiques humiliantes auxquelles il a été soumis le hantaient.
Pourtant, sa conversion le pousse à retourner au Japon en 1950. Il va voir ses anciens bourreaux qui sont pour beaucoup en prison pour crimes de guerre (avant l’amnistie générale de 1952) et leur annonce qu’il leur pardonne à cause de Jésus. Avec ce pardon, pour Louis, la « guerre est finie », enfin. Le seul qu’il ne revoit pas est Watanabe. Louis lui a pardonné et cherche à le revoir pour le lui dire. Mais « l’Oiseau », qui s’est marié et a eu deux enfants, refusera toute sa vie de rencontrer Louis.
Louis continue le sport, se met même au skateboard à 70 ans !
Durant les Jeux Olympiques d’hiver à Nagano en 1998, il porte la flamme olympique devant une foule qui l’applaudit, tout près de Naoetsu où il a été torturé.
Durant le reste de sa vie, Louis Zamperini témoigne de sa foi en Dieu et s’occupe de jeunes en difficulté (une mission qu’a récemment reprise son petit-fils Clay Zamperini (2)).
Louis Zamperini s’est éteint à 97 ans le 2 juillet 2014 d’une pneumonie, entouré de sa famille, peu avant la sortie du film. Angelina Jolie l’a vu plusieurs fois pour la réalisation de son film.
Une adaptation fidèle
Angelina Jolie auprès de Louis Zamperini, vers 2014
Le film d’Angelina Jolie reprend fidèlement la vie de Louis, et insiste sur la vie du champion, sa débrouille et son courage de prisonnier. Il ne fait qu’évoquer à la fin l’élément essentiel de la vie de Louis : sa conversion à Jésus Christ après son retour au pays. Sans doute pour brasser un public plus large. Cependant, ce parti pris n’empêche pas la foi d’être mise à l’honneur dans le film. « Si vous cherchez des symboles et des miracles dans le film, vous les trouverez» a dit Angelina Jolie. Les deux enfants de Louis se sont dits satisfaits de cette approche.
En effet, les symboles et allusions à la religion chrétienne sont nombreux. La foi catholique de ses parents et de certains de ses frères d’armes est mise à l’honneur. En particulier, la prière est le fil conducteur de l’œuvre. Prière fervente de sa mère, prière confiante du pilote, prière déchirante de Louis sur son rafiot… Plus original, la réalisation choisit d’expliciter la dimension christique des souffrances qu’endurent Louis dans les camps.
Le film exalte aussi le courage des prisonniers et leur dignité qui irradie dans les conditions les plus viles. Une quintessence de l’homme occidental patriote. Un modèle pour aujourd’hui.
Le clip de la musique Miracles composée par Coldplay pour la bande originale du film
Notes :
1. Interview sur la chaîne chrétienne CBN : http://www.cbn.com/700club/Guests/Interviews/Louis_Zamperini032106.aspx
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