Tribune libre de Pascal Dray*
Nos politiciens menant une politique de l’autruche, un schéma directeur doit être proposé en vue de développer, en France, un nouveau modèle économique succédant au modèle keynésien actuel. Ce nouveau modèle économique favoriserait richesse et prospérité à un horizon de 5 à 10 ans.
Pour comprendre les étapes de cette stratégie de développement, rappelons au préalable ce que nous entendons par “modèle économique” en revenant brièvement sur ses quatre points clés.
Qu’est-ce qu’un modèle économique ?
Un modèle économique pour une entreprise repose sur quatre points :
> Une équation de valeur
L’entreprise doit proposer un bien ou un service au client dont la valeur perçue est supérieure au coût pour l’entreprise. Pour répondre à cette équation, l’entreprise s’efforce de répondre aux questions suivantes :
– Quelle est sa cible de clientèle ?
– Quel problème cherche-t-elle à résoudre ?
– Quels sont ses besoins non satisfaits ?
– Que peut-on proposer pour résoudre son problème ou combler son besoin ?
– Comment a-t-elle accès à sa proposition de valeur ?
– Quels seront le prix et les modalités de paiement ?
Dans une entreprise, il est la plupart du temps facile de répondre à ces questions. En revanche cela est plus problématique pour une organisation étatique.
> Une équation de profit
Elle est à l’origine de toute entreprise. Le seuil de rentabilité doit être mesuré, en tenant compte des frais variables en fonction du chiffre d’affaires (CA) réalisé et des frais de structure dit fixes. On s’efforcera alors de calculer une marge unitaire, une productivité, des délais de livraison, de rotation des ressources…
> Les processus clés
Le modèle économique d’une entreprise repose aussi sur des processus clés. L’État, comme l’entreprise, utilise déjà quotidiennement ce concept de processus. Pour l’entreprise, on identifie généralement comme processus la conception des produits et services, le développement, la fabrication, les approvisionnements, le marketing, la gestion des ressources humaines et le système d’information.
> Les ressources clés
Un modèle économique ce sont enfin des ressources clés. Nous touchons ici le cœur de l’organisation, car l’entreprise doit allouer des hommes, des technologies, des équipements, de l’information, des canaux de distribution, des partenariats, des alliances, des marques… en fonction des besoins auxquels elle répond.
Un nouveau modèle économique pour l’État : l’équilibre strict des finances publiques
> Au regard de l’équation de valeur
Une piste pour adapter la proposition de valeur du modèle serait de faire l’état des lieux des offres et/ou des activités réalisées par l’État puis de voir comment ces activités pourraient être réalisées par la société civile. Il suffirait alors de retirer à ces organismes le privilège issu de la gestion publique et de les mettre en concurrence avec des organismes privés.
La sécurité sociale, par exemple, demeurerait, mais des sociétés privées seraient autorisées à proposer le même service. Les individus souhaitant demeurer dans “l’ancien régime” y resteraient et ceux qui souhaiteraient le quitter utiliseraient les services privés équivalents. Sur cinq ans, un bilan serait établi et des conclusions en seraient tirées. Mais tant qu’une expérience de ce type n’a pas été réalisée, on ne peut pas en tirer la conclusion hâtive que la sécurité sociale est le meilleur des systèmes en matière de couverture santé.
> Au regard de l’équation de profit
Si les éléments de l’équation de profit s’appliquent parfaitement à une entreprise, c’est beaucoup plus difficile à transposer au niveau de l’État. En fait dans le cadre de l’État, c’est une équation d’équilibre que nous proposons. Ce sera ici notre deuxième piste : l’État se devrait de couvrir ses charges par ses seules ressources légitimes que sont les impôts et les taxes. Le recours à l’inflation ou à l’endettement dans ce cadre ne devrait pas être évoqué puisque ceci signifierait que l’État sort de son domaine et n’est pas capable d’allouer ses ressources (les impôts et les taxes) aux activités qu’il prétendrait gérer.
Tout déficit devrait être banni, et ceci quelle que soit la conjoncture. Les fonctions régaliennes seraient alors la seule limite pour éventuellement faire exceptionnellement appel à l’endettement. Toute fonction supplémentaire, même justifiée, serait rejetée par les garants de l’équilibre des finances publiques. Un seul mot d’ordre : les impôts et les taxes actuels doivent strictement faire face aux dépenses publiques actuelles. Le déficit serait interdit et les éventuels excédents seraient capitalisés pour faire face à des périodes de vaches maigres. Prétendre qu’il ne peut y avoir d’excédent, c’est avouer l’incompétence des gestionnaires en place.
> Au regard des processus clés
Au niveau de l’État existent déjà des processus, mais ceux-ci ne sont malheureusement pas suivis. On retrouve, par exemple, des référentiels budgétaires et comptables, des nomenclatures précises et surtout le cadre de loi organique sur les lois de finances (LOFL). La LOFL est sensée “réformer en profondeur la gestion publique qu’elle oriente vers les résultats, en responsabilisant les gestionnaires de chaque administration, en éclairant les choix budgétaires par les résultats des politiques publiques”. On peut se référer au site très complet qui existe sur internet à ce sujet.
L’État sait donc précisément mettre en place des procédures pour gérer un budget, mais il devrait être ensuite capable de faire respecter ces règles. Dans une entreprise, c’est le contrôle de gestion qui remplit ce rôle. Dans notre modèle, l’État étant sous la contrainte forte de l’équilibre sans recours à l’inflation ni à l’endettement devrait mettre en place l’organisation nécessaire à la réalisation de cet objectif. Dans notre modèle, les processus de l’État ne différeraient pas de ceux d’une entreprise privée (conception, approvisionnements, etc.). Par exemple, si l’État ou le gouvernement souhaite instaurer une nouvelle taxe, ils devraient justifier véritablement l’utilité de celle-ci et son affectation en amont du processus avant de la mettre en place. De même, si l’État souhaite réduire des dépenses, il doit pouvoir le faire en amont après avoir audité la dépense et ses conséquences relativement aux organisations et aux ressources utilisées.
> Au regard des ressources clés
Il devrait être possible d’appliquer ce qui se fait dans toute organisation. Si l’État s’en tient aux dépenses publiques actuelles et futures finançables par les impôts et les taxes dont il dispose à cet effet alors il suffit de mettre en place le bon Système d’Information, d’en simplifier l’usage interne et externe au maximum afin d’en limiter le coût et de permettre au citoyen d’être en permanence en phase avec les activités et les services de l’État. L’État doit allouer ces ressources en fonction des besoins les plus urgents, comme dans l’économie réelle.
Une stratégie de développement pour la France
N’oublions pas l’origine de la création de valeur dans une économie. Il faut rappeler, en effet, que seule une entité répondant efficacement à un besoin clairement exprimé peut créer de la valeur. Au-delà de l’aspect financier à générer des cash-flows positifs afin de pérenniser l’activité, l’entreprise doit répondre à un besoin et satisfaire ce besoin avec un objectif : la valeur perçue par le “client-consommateur” doit toujours être supérieure aux coûts générés par la réponse de l’organisation à cette demande de satisfaction. À ce jour, tous les modèles économiques en entreprise répondent à ce critère basique et fondamental. Quelle que soit l’entreprise, sur internet ou dans l’économie réelle, son avenir est fortement compromis si l’activité génère des recettes durablement inférieures au coût.
L’État, lui, en tant que garant du respect des droits de propriété, au sens large, à l’intérieur d’un territoire donné ne crée pas de valeur intrinsèquement, mais devrait empêcher la destruction de valeur. Or progressivement, l’État est devenu interventionniste en “monopolisant” des activités et/ou en inventant sous le prétexte de l’intérêt général ou de la justice sociale pour tenter de satisfaire des besoins non identifiés ou plutôt en singeant l’entreprise privée (SNCF, EDF, Hôpitaux, Écoles, facultés…). Nous le constatons aujourd’hui la plupart de ces organismes, malheureusement, génèrent plus de coûts que de recettes. Dans l’économie réelle non administrée, de tels organismes disparaîtraient ou seraient rachetés par des entrepreneurs pouvant effectivement en faire des activités “rentables”.
Pour la France, la situation est claire : l’entreprise privée crée des richesses quand elle n’est pas complice du capitalisme de connivence, l’entité publique, elle, détruit des richesses puisque les coûts sont structurellement et durablement supérieurs aux recettes.
Comment résoudre ce dilemme ?
Nous avons vu qu’une première piste pour bâtir un nouveau modèle économique viable et durable est la création de valeur. Afin de répondre à ce défi, un État comme la France devrait procéder à un état des lieux et supprimer au sein de l’administration toutes les activités qui ne créent pas de valeur. À titre de premier exemple et de manière anecdotique on pourrait imaginer à l’heure des nouvelles technologies et du zéro papier, commencer par définir un document d’identité électronique unique et qui contiendrait de manière cryptée toutes les informations demandées à chaque fois que nous avons à faire à l’administration. Cette carte, à la manière d’une carte “vitale” aujourd’hui, une fois insérée dans un lecteur approprié et après authentification unique permettrait d’accéder aux données. Il est facile d’imaginer le gain de temps et donc les ressources libérées pour d’autres usages.
Autre exemple : les États-Unis comptent 300 millions d’habitants et de 535 représentants dans leur parlement (100 sénateurs et 435 représentants). La France, elle, compte 60 millions d’habitants et de 927 représentants (Assemblée 577 députés + Sénat 350 sénateurs). Une simple proportion permet de calculer une réduction du nombre de représentants qui ne nuirait pas à notre démocratie. De plus, les économies réalisées seraient visibles immédiatement et constitueraient un signe fort de réforme.
Au-delà de ces exemples, on peut imaginer que toutes les ressources aujourd’hui gaspillées pourraient être en l’espace d’une ou deux années réallouées de manière plus efficace vers d’autres tâches plus utiles. Ce déplacement de ressources constituerait à lui seul une création de richesse. Puisque des besoins non couverts dans l’état actuel de l’économie le seraient. De l’emploi serait créé, le chômage diminuerait, la prospérité pourrait se diffuser…
Il est donc possible et sans difficulté majeure de mettre en place en France le premier modèle économique d’État basé sur un équilibre budgétaire authentique : les impôts et taxes actuels correspondraient strictement aux dépenses publiques.
Les dettes et les déficits pour l’État ne seraient plus d’actualité, ce qui aurait pour mérite, au moins en France, de mettre fin à la crise. La France serait le premier État à appliquer une orthodoxie financière parfaite qui permettrait aux ressources libérées dans ce processus salutaire de se répandre au sein de la société civile. Cette dernière retrouverait de l’emploi et une richesse relative plus élevée que dans les États n’ayant pas adopté cette règle.
*Pascal Dray est chef d’entreprise et docteur en économie
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