Il n’y a pas si longtemps, la démocratie semblait l’aboutissement logique de l’Histoire, en Occident, et en France en particulier. Au pays de Descartes, celui aussi du siècle des Lumières, on pensait que « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée », et qu’il suffit donc de conduire sa pensée avec ordre et méthode, plutôt que d’obéir à ses passions et préjugés, pour parvenir à une vision « claire et distincte » des choses et faire des choix sensés. Et puisque la raison était à la portée de tous les hommes, il suffisait d’une éducation donnée à tous pour faire d’eux les citoyens exemplaires d’une démocratie idéale. Descartes plus Jules Ferry, c’est la démocratie ! Quand on scrute l’actualité, en y cherchant vainement de la cohérence, on se dit que quelque chose n’a pas dû marcher.
L’affaire de Dijon jette en effet un voile sur notre bonne vieille pensée cartésienne. Jusqu’au sommet de l’Etat ! Notre génial conducteur s’est fendu d’une confidence à des proches qui se sont empressés de la répandre. Emmanuel Macron a mis en garde contre les “amalgames entre les questions d’immigration, de radicalisation, de communautarisme et de laïcité qui nous conduiraient à la guerre civile ». Bref, il a dit qu’il ne fallait pas tout mélanger, ce qui est cartésien. Mais, il est plus cartésien encore de sortir de l’amalgame, de la confusion, en conduisant par ordre ses pensées, en constituant de « longues chaînes de raisons », et manifestement « notre chef à tous » semble l’avoir oublié. Le voile, pas le simple fichu de nos grands-mères, l’autre qui ne cache pas les cheveux mais affiche une différence, refuse l’assimilation à la nation qui accueille et lui jette ce refus à la figure, c’est bien du communautarisme, religieux, islamique ! Est-ce un phénomène national, endogène ? Non, la France n’a jamais été un pays musulman, et la « communauté » musulmane, contrairement à la catholique, étroitement liée à son histoire, ou à la protestante ou à la juive, enracinées depuis longtemps, est bien un produit de l’immigration, en partie en provenance de nos anciennes colonies. Il y a donc bien un lien entre le communautarisme et l’immigration. Sauf dans les pays du Golfe comme l’Arabie Saoudite ou le Qatar, où le voile s’était maintenu, son retour dans d’autres pays musulmans qui avaient subi davantage l’influence occidentale, est relativement récent. En ce moment même, des manifestations de femmes voulant se libérer du voile ont lieu en Iran. Le voile, surtout intégral, qui n’est même pas imposé par le coran est bien un signe de radicalisation, radicalisation galopante dans notre pays puisqu’un récent sondage indique que 37% des musulmans en France souhaitent que la laïcité française s’adapte à l’islam, et que ce pourcentage est en augmentation, ainsi que le port du voile d’ailleurs. Or la laïcité, pour ses partisans, n’est pas la simple tolérance, c’est le refus que les appartenances religieuses prennent le pas dans l’espace public sur la communauté nationale, ou aujourd’hui malheureusement, l’humanité indistincte. On peut contester ce laïcisme, mais il est globalement accepté par les religions à l’exception de l’islam qui veut faire reconnaître ses spécificités vestimentaires, alimentaires, rituelles et chronologiques. La religion musulmane ne distingue pas le temporel et le spirituel, le rite et la foi, et n’abandonne en fait aucun espace à la laïcité. Une telle religion, à moins d’être vécue avec un certain relâchement, n’est guère compatible avec notre société. Or, loin de s’adoucir, et appuyée par des moyens financiers considérables, elle se durcit, vit un retour aux sources, qu’on appelle le salafisme, l’idéologie des terroristes. La radicalisation n’est donc pas une pathologie de certains esprits dérangés, mais une onde de choc qui parcourt le monde musulman depuis les zones de guerre jusque dans notre pays. Le lien entre immigration, radicalisation, communautarisme et laïcité est donc patent : ce n’est pas un amalgame, mais de la lucidité, qui nous évitera une guerre qui n’aurait rien de civil d’ailleurs, quand l’aveuglement présidentiel nous y conduit tout droit !
Malheureusement, cette perte des repères par les enfants de Descartes ne touche pas que notre président. C’est un mal qui répand la terreur chez nos politiques et nos médiatiques qu’on n’ose plus appeler « journalistes », un mal dont se jouent les islamistes. Et là, on est en plein amalgame, comme si ce mot ne fonctionnait qu’en sens unique ! La dame voilée de Dijon a déposé deux plaintes pour « violences à caractère racial » et « provocation à la haine raciale ». L’amalgame entre la religion et la race, ça passe, mais pas celui entre l’islam et l’immigration ! Pourtant, Descartes nous dirait qu’il faut « diviser les difficultés ». Reprocher à quelqu’un ce qu’il est, indépendamment de sa volonté, la couleur de sa peau, par exemple est inacceptable. En revanche, critiquer une idéologie ou une religion, affirmer qu’elles sont incompatibles avec notre culture ou notre société, ce sont des opinions, comme le sont l’idéologie ou la religion visées. L’interdire ou le condamner est une atteinte à la liberté d’expression et donc à la démocratie. De même, on peut critiquer, interdire, condamner certains comportements, comme le fait d’afficher une tenue qui dissimule l’identité ou affirme une appartenance, une différence provocatrice. La sécurité ou la décence commune n’ont pas le même degré d’exigence, mais elles sont légitimes. Il n’y a donc aucun racisme dans l’affaire du voile, mais seulement un problème de liberté publique, liberté de la porteuse du voile et liberté d’une démocratie d’instaurer des lois et de les faire respecter. Les tribunaux n’ont rien à y faire ! Parler de violence ou de haine à propos d’un incident verbal est une outrance d’autant plus insupportable qu’elle survient après un attentat commis au nom de la haine fomentée par l’islamisme. Devant cette logique de la provocation, dont des nullités médiatiques se sont faites les complices en glissant de la question rationnelle à la sensibilité touchée par la mise en scène d’un enfant en pleurs, c’est encore l’esprit cartésien qui doit l’emporter. Zineb El Rhazaoui rappelait que « depuis 2012, 263 personnes ont été tuées dans des attentats islamistes en France. Ce que les islamistes appellent l’islamophobie a fait 0 mort ». Cette réflexion lucide nous indique la priorité.
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