Sur les trois partis politiques français qui se partagent les voix des électeurs, souffle le même vent. Il faut impérativement changer de nom et de sigle ! Pendant des décennies, les électeurs imaginaient que dans le ciel des idées politiques, il y avait une conviction réelle que désignait le nom du parti. La préférence nationale était l’essence du FN. La justice sociale résumait le parti socialiste. Le premier chez qui s’est dissipée cette illusion a été l’UMP. Les gaullistes attachés à l’Etat-Nation cohabitaient avec les centristes pro-européens et avec les libéraux. Le nom ne voulait rien dire, car on ne voit pas bien ce qu’est une union pour un mouvement. Il ne qualifiait le-dit mouvement que de « populaire », comme si cela pouvait définir une orientation politique, et qui séduit plutôt les classes moyennes ! On avait déjà complètement séparé le signifiant du signifié. L’UMP, c’est la marque d’une entreprise électorale qui née de l’association des gaullistes, des démocrates-chrétiens, des centristes, des radicaux et des libéraux, au lieu d’additionner ces différences parfois peu conciliables sur des questions comme la souveraineté ou les évolutions sociétales, les a gommées pour devenir un conglomérat opportuniste favorable à l’Europe supranationale, hypocritement ouvert, mais pas trop, au bouleversement des moeurs. Nous avions créé au sein de l’UMP une droite populaire qui redonnait du sens à l’adjectif. Il s’agissait de souligner le désir, chez une partie importante du peuple français, d’une politique réellement conservatrice, de la Nation, de ses valeurs et ses intérêts. Le succès du livre de Zemmour, « Le Suicide Français », démontre la force de ce désir. Désormais, le problème ne se pose plus. L’UMP n’a plus besoin d »idées. Il suffit qu’elle s’oppose à la gauche désastreuse en promettant une fois encore de faire ce qu’elle a été incapable de faire, durant 10 ans de pouvoir continu et absolu. Il lui reste à trouver un homme suivant cette habitude stupide de la « droite » française de se référer à un homme plutôt qu’à des idées, et malgré l’expérience répétée de la trahison de cet homme à l’égard des idées qu’on lui prêtait. Il faudra cependant qu’elle change, une fois encore, le nom et le logo de la firme, l’image de celle-ci ayant beaucoup dégringolé. Alain Juppé, qui renaît de ses cendres, avait proposé en 2002 « La Maison Bleue »… sans doute pour tenir compte à la fois de la montée de l’illettrisme et pour laisser la porte ouverte à toutes les évolutions possibles.
Les deux autres partis subissent une tendance comparable. Pour le Front National, plusieurs facteurs y concourent. En premier lieu, le changement de génération. Marine Le Pen ne veut plus être associée au halo qui entourait le parti à sa création, son antigaullisme stratifié par la libération et la décolonisation, l’opprobre systématique subi à la suite des propos contestés du père. Cela conduit le parti à devenir, selon elle, non plus un refuge et un épouvantail condamné à l’opposition non parlementaire, mais un parti de gouvernement. Vaste programme ! Enfin, dans ce but, elle doit rassembler au-delà des thèmes et des affidés initiaux, si elle veut obtenir un jour la majorité des voix. Le risque est bien sûr la dilution. Si le FN adoucit ses positions sur l’immigration ou le risque islamiste, il va décevoir son noyau dur. Si pour tenir compte de son électorat populaire parfois en provenance de la gauche et des orientations de certains de ses cadres, le FN se colore d’un socialisme rétrograde, il peut accentuer le doute de beaucoup d’électeurs de droite soucieux de sérieux dans le domaine économique et social, et déjà perplexes sur les solutions souverainistes à la crise européenne. En somme, le changement de nom ne serait que la traduction du changement de la chose et le risque d’une perte d’électeurs que séduisait le produit initial. Bleu marine est une nuance du bleu, encore lui ! Dans Front national, il y avait l’idée de résister pour la Nation, une des valeurs et des réalités les plus menacées aujourd’hui.
Et voilà que sous la houlette de Manuel Valls, le PS s’y met à son tour. Il y avait dans ce parti, des courants et un affichage de contenus politiques différents. D’un congrès l’autre, avec bien des déchirements, le parti organisait, de façon apparemment démocratique, le débat et le dosage des orientations diverses. Les ambitions personnelles se glissaient dans le vêtement de l’idéologie, mais elles restaient en second rang alors qu’elles occupent sans scrupule le premier dans le camp d’en face. Cette fois la situation est plus grave et plus dangereuse. Après deux ans de pouvoir, avec un Président décrédibilisé, une politique brinquebalant d’échec en échec, l’exécutif est au bord du gouffre. Les solutions socialistes se sont brisées sur le mur du réel. Le Parti Socialiste est à la veille d’une fracture majeure non entre des courants mais entre les anciens qui pensent que le réel se trompe et que leurs idées sont justes, et les modernes qui veulent une social-démocratie blairiste ou schröderienne, réunie autour de la notion de progrès, acceptant le marché et l’Europe, ne répondant plus à son souci de justice sociale qu’à partir d’une croissance de la richesse nationale, et prenant sa revanche dans la libération des moeurs et le sociétal. Cette gauche-là est apte à se rapprocher du centre mais elle est certaine de perdre le carré des vieux croyants au risque d’éclater et de quitter brutalement le pouvoir. Le nom de la rose peut-il subsister alors que celle-ci s’est fanée ?
Dans le fond, le nominalisme en politique est le signe de son absorption par le marché. Les partis se rattachaient plus ou moins à des idées dont on pensait qu’elles existaient avant et en dehors d’eux. Désormais, on ne vend plus qu’un sigle comme on vend des vêtements uniquement pour la marque qu’ils portent et qui est leur seule originalité. Ce désir de noms nouveaux par les partis politiques français n’est donc pas seulement une évolution superficielle mais une révolution qui fait du parti une firme commerciale dont le produit importe peu en dehors de la publicité que le talent des communicants sait lui faire et à laquelle les clients s’intéresseront en consommateurs le jour de l’élection. Avec la rose et son nom, c’est la conviction et le militant qui auront disparu.
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