Tribune libre de Christian Vanneste*
Au grand jeu des impostures auquel tend avec de plus en plus de brio notre démocratie, les « Verts » récoltent aisément le titre. Champion de la manipulation sémantique, le parti le plus idéologique qui soit, celui qui s’appuie davantage sur les peurs irrationnelles que sur des raisonnements cohérents, qui s’adonne le plus aux manœuvres politiciennes, qui se fait élire plus facilement à Paris que dans le Larzac est le seul qui ose s’affubler d’un nom à la résonance scientifique : écoLOGIE, la science de l’environnement. Ceux que l’on désigne familièrement comme des « pastèques », verts à l’extérieur, mais rouges dedans, rejoignent leurs prédécesseurs « radicaux », ces radis qui cachaient sous le rouge d’un mot fort la blancheur d’un opportunisme plus soucieux des places que des idées. Pas étonnant qu’ils se soient rejoints pour le Grenelle de l’environnement. Pas étonnant non plus qu’au lendemain de celui de la gauche, baptisé Conférence environnementale, Cécile Duflot y aille de sa petite larme, trop émue de pouvoir justifier son maintien au ministère. Elle n’a pas hésité à parler de « choix de société » à la fin de ce qui n’était qu’une séance de rattrapage de la majorité destinée à sauvegarder la dignité des « Verts » présents en son sein et malmenés, entre autres, par de polluants dégagements sur l’avenir du nucléaire.
Concrètement, la satisfaction, voire le plaisir exprimés par les politiques et une partie des associatifs après le lancement « historique » de la Transition écologique par François Hollande et sa « feuille de route » détaillée par le Premier ministre, donnent à sourire : en 2007, annoncé dès le mois de mai, immédiatement après l’élection de Nicolas Sarkozy, le Grenelle de l’environnement, avait défini une « feuille de route » le 21 juillet, organisé un débat public et mis en place six groupes de travail. Des conclusions établissant 268 engagements avaient été rendues les 24 et 25 octobre et deux lois comprenant plus de 300 articles votées en août 2009 et juillet 2010, malgré le surgissement d’une crise mondiale durant ce parcours. Pour l’instant la gauche est en retard sur le calendrier et sa gesticulation médiatique ne doit pas faire oublier qu’elle se contente d’un nouvel emballage pour un produit déjà lancé. Le Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement devient Conseil de la transition écologique. Les mots changent, la chose demeure : voilà un indice intéressant du processus orwellien qui consiste à imposer les mots de Hollande plutôt que ceux de Sarkozy afin de faire passer ses idées, avec ce bémol, qu’ici, l’absence de réelle nouveauté réduit la propagande idéologique à n’être que de la publicité politique.
En résumé : beaucoup de continuité, sur l’habitat ou le transport ; quelques signaux, qui font de plus en plus ressembler les politiques à des sémaphores, plutôt qu’à des bâtisseurs d’avenir, comme la fermeture de Fessenheim ; un parc d’éoliennes en plus et un seul, celui dont Philippe de Villiers ne voulait pas ; quelques mesures typiquement socialistes, mais dont la « droite » a montré qu’elle était aussi capable, des taxations nouvelles ou accrues, un guichet unique qui sera inévitablement un guichet de plus, une Agence de la biodiversité, nouveau « machin » destiné à augmenter le nombre des agents de l’État, leurs contrôles et la dépense publique, bien sûr ; un cadeau de 10% de subventions supplémentaires aux associations, histoire de les remercier de leurs applaudissements ; une tarification progressive des fluides pour accentuer le malaise de ceux qui travaillent, versent leurs impôts, et doivent aussi payer plus cher le droit de vivre ; et enfin dans un pays vaste, sous-peuplé et pour lequel l’agriculture a toujours été essentielle, le rejet du gaz de schiste comme des OGM, sans vrai débat, sans véritable réflexion scientifique, pour satisfaire les a priori de l’idéologie verte, et faire oublier à ses porte-parole, l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes, si cher à Jean-Marc Ayrault.
Car l’imposture trouve ici son épicentre : cette posture politique qui se décore d’un nom apparemment scientifique est une idéologie, c’est-à-dire une vision du monde non scientifique, sans rapport avec le raisonnement ou l’expérience, mais énonçant des jugement de valeur et des choix politiques, portés par un discours qui possède sa propre langue et tend à satisfaire les intérêts d’une partie de la population. Reconnaissons à l’atelier sémantique « écolo » un savoir-faire sans pareil : qui oserait aujourd’hui ne pas faire suivre le substantif « développement » de l’adjectif « durable » ? La démocratie sera, désormais, nécessairement « participative ». Pour la « décroissance », ce sera plus difficile, d’autant plus que le fétichisme lexical vert se heurtera aux incantations présidentielles . Cette maîtrise verbale est une régression du langage : contrairement à la géniale définition cartésienne de Chomsky, le langage « vert » est univoque avec des mots positifs, comme « diversité » et d’autres négatifs, les « crime-pensée » d’Orwell destinés à stimuler les réflexes, et le plus utile politiquement, la peur ! Pollution, contamination, nucléaire… OGM, ADN, les mots et les acronymes transmettent magiquement de proche en proche un danger d’autant plus redoutable qu’il est mal défini.
L’excès nuisant en tout, on pourra toutefois déceler les failles : l’idée de « pollution lumineuse » est un exemple. La lumière est une source de sécurité, elle n’entraîne pas de dégradation chimique, ni ne se transmet avec les effets d’un virus. Plus profondément, la protection de l’environnement naturel, qui a poussé Chirac à l’absurde constitutionnalisation du « principe de précaution » s’associe chez les verts à une totale absence de précaution quant au respect de la nature humaine. Comme par un lapsus révélateur, les « Verts » trahissent leur idéologie en défendant la théorie incohérente du gender suivant laquelle le sexe est une construction sociale et non une donnée biologique, et ce pour soutenir ardemment les revendications, ô combien « naturelles », du lobby homosexuel ! La préservation de la nature cesse étrangement à la frontière de l’Humanité, là où le révolutionnaire impénitent arrache son masque pour laisser libre cours à la transgression des valeurs conservatrices. C’est ainsi que le Vice-Président « vert » du Conseil municipal de Paris qualifiait l’ouverture de salles de shot, qu’il réclame, de « débat majeur de société ». Par un surprenant paradoxe, l’écologie qui devrait être du côté de la vie se trouve être le représentant le plus complet de ce que le Saint-Père appelle la « culture de mort » à laquelle il oppose avec justesse l’écologie humaine.
L’idéologie verte n’a pour l’instant connu qu’un seul succès en matière de recyclage : la conversion de gauchistes en élus des bobos parisiens hyperurbains et amoureux de la nature… à distance.
*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.
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