La neutralisation du groupe islamiste de 12 membres à l’origine des attentats de Barcelone et de Combrils apparaît comme une bonne nouvelle. Nous aurions tort d’en tirer un quelconque soulagement. La maladresse et l’amateurisme des terroristes ont permis d’éviter un épouvantable carnage. On imagine avec horreur quel massacre deux camionnettes bourrées de bonbonnes de gaz et munies d’une charge explosive auraient pu déclencher au milieu de la foule des promeneurs des Ramblas après sans doute avoir fauché nombre d’entre eux. L’explosion providentielle d’Alcanar a empêché peut-être l’attentat le plus meurtrier et le plus dévastateur en Europe. Le risque de pareilles catastrophes demeure, lui, bien présent, et les failles des auteurs ne peuvent que l’accentuer, si on y réfléchit. On se rappelle les réseaux terroristes des années 1970-1980, et le personnage principal qui reste dans toutes les mémoires, « Carlos », toujours emprisonné en France depuis 1994 quand Charles Pasqua l’avait « récupéré » au Soudan. Cet aventurier, même s’il s’est converti à l’islam en prison au début des années 2000, par admiration pour Ben Laden, était un « professionnel », formé dans les écoles, les camps, au sein des réseaux soviétiques qui mêlaient les causes communiste et nationaliste arabe, notamment à travers des organisations palestiniennes comme le FPLP, ou des cellules révolutionnaires « rouges » en Allemagne ou au Japon. Les Etats jouaient un rôle de premier plan dans le terrorisme international. Les acteurs étaient donc dotés d’armes, de couvertures et de moyens financiers importants. Les actes commis étaient ciblés pour obtenir des décisions par le chantage, ou pour affaiblir des ennemis, comme Israël, l’Arabie saoudite ou l’Iran ou faire pression sur des pays comme la France. Même si nombre de ces extrémistes de gauche faisaient preuve d’un fanatisme peu compatible avec l’équilibre mental, leur « chef » tenait à la vie, qu’on lui a laissée, on se demande pourquoi… Amateur d’alcool et de femmes, Illich Ramirez Sanchez, dit « Carlos », ce vénézuélien, fils d’un bourgeois communiste et désigné comme un héros révolutionnaire par Hugo Chavez, n’est en France qu’un assassin condamné à la réclusion à perpétuité. Organisateur d’opérations spectaculaires comme la prise en otage à Vienne de 66 participants à une réunion de l’OPEP, il préféra empocher 20 millions de dollars plutôt que d’exécuter les représentants iranien et saoudien, et de finir en martyr.
La France avait subi des attentats, des policiers notamment avaient été assassinés, la communauté juive avait déjà eu à souffrir de ces actions. Mais, il y avait dans l’ensemble une logique et des limites qui étaient définies par des Etats, l’URSS, les Etats nationalistes arabes, et par les organisations palestiniennes qui se « proclamaient » antisionistes et non antisémites, dont les plus dures étaient dirigées par des chrétiens, comme Habache ou Haddad. L’effondrement de l’Empire soviétique et de ses satellites a complètement changé le paysage. Les islamistes ont remplacé les nationalistes arabes. Les Etats autrefois impliqués sont pour la plupart opposés au terrorisme religieux. Plusieurs d’entre-eux assurent leur survie ou leur renaissance en le combattant. L’argent et les armes qui circulent viennent le plus souvent des monarchies pétrolières, auparavant la cible des nationalistes arabes, qui encouragent l’expansion de l’islam. Cette aide est beaucoup plus diffuse qu’autrefois. Les réseaux ne sont sans doute pas liés directement aux structures étatiques, mais la connivence idéologique et l’importance colossale des flux d’argent expliquent ce phénomène dont l’ampleur ne cesse de croître. Le salafisme se développe dans tout l’islam où on observe un retour à des pratiques qu’en dehors de l’Arabie proprement dite les musulmans avaient abandonnées. Ce prosélytisme touche également l’immigration musulmane en Europe, et l’on voit avec effroi grossir le nombre des « radicalisés » estimé à 18 000 et en croissance de 60% en deux ans tandis que la sympathie pour le djihadisme grandit notamment chez les jeunes. On a pu souligner à plusieurs reprises l’inefficacité du classement « s » de plusieurs auteurs d’attentat, mais deux leçons de Barcelone sont beaucoup plus inquiétantes. D’une part, les auteurs n’avaient pas été repérés du tout. D’autre part, ce noyau s’était constitué autour d’une petite mosquée et de son imam dans une modeste bourgade au pied des Pyrénées. Bref, même si l’on pense que les effectifs potentiels demeurent faibles, ils ne le sont que par rapport à une masse considérable de personnes, dans le rayonnement à signaux faibles de centaines de lieux de culte, jusque dans les plus petites communes. Lunel et son contingent de djihadistes avaient déjà semé l’émoi. On voit donc que le danger ne peut être rationnellement circonscrit et que toute négociation avec de jeunes fanatiques est exclue, alors qu’elle était possible avec les terroristes « professionnels » des générations précédentes. La police catalane n’a souvent eu pour seule solution que de les abattre. La menace atteint donc un niveau sans précédent, totalement inconnu. N’importe qui, n’importe où, peut devenir une victime, isolée, ou parmi d’autres, visée par un individu ou un groupe, et quelquefois même par un déséquilibré qui aura copié le mode d’action qui l’aura fasciné. Faut-il donc s’y habituer, comme le pensent des Valls ou des Macron ? Evidemment non !
Il faut au minimum tirer quatre conclusions de cette situation qui n’a pas de solution politique à court terme. La première consiste à prendre conscience du problème posé par l’immigration musulmane. La seconde conduit à interdire toute propagation d’un enseignement qui menace notre société dans son existence même. La démocratie libérale peut tolérer le pluralisme des idées sauf celle qui a pour but de la détruire et en a aussi les moyens. L’extrémisme de droite, qui est toujours l’obsession des bobos qui sévissent dans les rédactions parisiennes, peut être critiqué et combattu. Il n’a nullement les moyens, les troupes, ni même la volonté de renverser notre système politique. Il ne faut pas brandir l’épouvantail pour cacher le prédateur. Le terrorisme islamiste veut clairement nous détruire. L’islamisme pèse de plus en plus sur notre société et joue déjà un rôle dominant en certains lieux. On ne peut le combattre que résolument en affirmant sans complexe notre identité culturelle. Tout signe de faiblesse est un encouragement au mal. C’est pourquoi, en troisième lieu, il faut une mobilisation civique contre le fléau terroriste. Le fait que le renseignement ait bien fonctionné pour repérer Younès Abouyacoub est le point le plus positif des derniers événements. Enfin, il faut un changement radical de nos alliances. On ne peut chérir les Etats dont les idées sont celles que nous devons combattre sur notre sol. La tolérance à l’intolérable, comme l’amitié intéressée avec celui qui nourrit l’intolérable, sont des contradictions mortelles.