L’association AJL (Association des Journalistes LGBT) a produit un « kit » à l’intention des journalistes qu’elle souhaite aider à « traiter de façon juste » les sujets en rapport avec la communauté et les personnes LGBT. Ce document de 28 pages aborde plusieurs thèmes, en commençant par les expressions à utiliser pour ne pas heurter les personnes ayant une autre orientation sexuelle. Se gardant de toute volonté de censure et prétendant respecter la liberté d’expression, les auteurs du kit donnent des conseils sémantiques sur quelques mots. Nous nous y sommes intéressés.
Mariage gay
Ainsi il conviendrait de ne plus dire « mariage gay » mais « mariage » tout court pour l’union de deux personnes de même sexe. Un mariage comme un autre, quoi ! Or c’est oublier qu’un mariage, par définition, est l’union d’un homme et d’une femme. L’ajout de l’adjectif « gay » souligne et précise l’emploi inapproprié du mot mariage qui le précède, afin de le différencier du vrai mariage.
Avouer son homosexualité
De même qu’il ne faudrait plus dire « avouer son homosexualité » mais « révéler son homosexualité ». Pour les auteurs, on avoue un crime, pas son orientation homosexuelle, laissant entendre bien évidemment que celle-ci est tout aussi normale, comme l’autre.
Il est même proposé d’utiliser l’expression « annoncer son homosexualité » comme on annonce ses fiançailles ou son mariage. Une bonne nouvelle en somme.
Et puisqu’il ne faut plus le cacher, il est conseillé (demandé) de ne plus taire par des circonlocutions et allusions (compréhensibles que par peu de monde) l’orientation actuelle ou passée d’une personne, mais de l’écrire clairement ; car ne pas le dire clairement reviendrait, selon les auteurs, à laisser croire que « ces amours-là n’existaient pas tant qu’elles ne sont pas vraiment nommées » voire à « invisibiliser » ces personnes et puis, après tout, « ce n’est pas si grave vous savez ».
Dans un encadré, le kit aborde la question de l’outing, qui est entendu comme le fait de révéler l’homosexualité d’une personne sans son consentement, ce qui peut constituer une atteinte à la vie privée. Et de citer des exemples, ayant donnés lieu à condamnation ou pas. Le plus intéressant concerne le cas de Steeve Briois dont un livre a révélé l’orientation. Un jugement de la cour d’appel de Paris a estimé que compte tenu de son rôle politique, de responsable FN, cela pouvait être dit. Les auteurs commentent ainsi ce fait : « N’est-ce pas en effet une information valable que de souligner les incohérences d’un homme politique ? ». Comme on le voit, Steeve Briois est présumé appartenir à la communauté homosexuelle et se trouver en porte à faux avec la politique du FN. On reconnaît ici la mentalité communautariste et la pensée gauchiste de l’assertion. On peut être homo sans – forcément – vouloir faire la promotion de cette façon d’être et de vivre ainsi que tout ce qui peut aller avec. Bizarrement, on ne s’offusque pas que la révélation vienne d’un tiers et non de Steeve lui-même, le seul à savoir ce qu’il en est vraiment de ses penchants. Mais c’est qu’il est au FN, le brave, alors…
Famille je vous aime
Après le “mariage”, il convient aussi de parler de la famille. Mais pas de « famille normale » qui dans l’esprit des rédacteurs ne doit pas exister, car « qui peut se targuer d’en avoir une ? » Il conviendrait donc de ne pas opposer « famille normale » à « famille homoparentale » autant que « famille classique» à « famille atypique ». Plus simplement, il faut dire « famille hétéroparentale » et « famille homoparentale ». La norme a disparu, place aux nouveautés. Il est étonnant que dans ce cas, il ne soit pas demandé de s’en tenir qu’à « famille ». Un mariage, une famille. Mais non, un mariage, deux familles. Allez comprendre.
De même les « parents » (avec guillemets) sont des parents (sans guillemets) et rien ne doit les distinguer des autres. Sauf peut-être le numéro : parent 1, parent 2…
Amour sans exclusive
Et pour en parler, il n’est pas bien de faire comme si tous ses lecteurs étaient normaux, pardon hétéros. Il conviendra de questionner tout le monde sans exclusive. Et de veiller à rapporter avec distinction sans généralisation ; toutes les femmes ne rêvent pas « forcément » d’un homme, et tous les hommes ne cherchent pas « à savoir la combler ».
Psy pas partout
Homoparentalité et transidentité n’étant pas une maladie, le kit invite à ne pas avoir recours à l’avis d’un psy, lorsque le sujet est abordé sous l’angle social ou juridique. Cela reviendrait à « pathologiser » les LGBT. C’est eux qui le disent.
SIDA
Et puisque l’homosexualité expose à la contamination du SIDA, il convient là aussi d’utiliser les bons mots et les bonnes formules. Dans la même veine le kit recommande de proscrire certaines formulations au sujet du SIDA et de la façon de désigner les contaminés.
Malade du sida doit être, dans un contexte médical, préféré à sidéen ou sidéenne. Ne dites surtout pas de cette personne qu’elle est sidaïque, un mot affreux « forgé par l’extrême droite » (Jean Marie Le Pen, pour ne pas le nommer). Au mépris de la langue française, mais peu importe. Volta, voltaïque, Sida, sidéen (merci Fabius).
Pour ne pas « alimenter la stigmatisation », il convient de ne plus dire « groupe à risque » mais « population exposée », laquelle comprend « les homosexuels masculins et les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes ». On soulignera la différenciation.
Les seuls deux points positifs concernent le fait qu’il faut s’abstenir d’avoir un jugement de valeur culpabilisant vis-à-vis de la personne malade, et d’annoncer la « fin du SIDA » par gros titres et effets d’annonce ce qui conduit à donner de faux espoirs et au relâchement quant à la prévention.
Voilà de quoi bien s’exprimer dans la novlangue pour ne froisser personne.
Le document aborde d’autres sujets connexes : Le lobby gay et la « théorie du genre » (remarquez les guillemets), « En finir avec l’invisibilité des lesbiennes » (on doit être aveugle), « Les représentations stéréotypées des homosexuels masculins », « Affirmer l’existence des bisexuel-le-s » (ça devait manquer), « Respecter les personnes trans » (quel respect ?).
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