« Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. »
La fameuse devise de Guillaume d’Orange apporte toujours un réconfort moral à ceux qui sont en souffrance. La France est en souffrance, elle n’est pas la seule. C’est le moment d’entreprendre et de persévérer.
Ce n’est pas le moment de se lamenter ni de baisser les bras. Certes, la plupart des Français se sentent impuissants, ils se comportent aujourd’hui en spectateurs critiques et désabusés, et c’est sans doute ce qui explique qu’un citoyen sur deux n’ait pas participé au vote de dimanche dernier. Mais l’impuissance ne signifie ni la résignation ni l’aveuglement.
Je redoute l’aveuglement de la classe politique et j’observe avec effroi que les premières réactions, une fois la défaite reconnue, consistent à ouvrir en moins d’une semaine la guerre des chefs au sein de l’UMP : derrière la course pour la présidence du groupe parlementaire à l’Assemblée se profile le combat pour la direction du parti avec trois protagonistes déclarés : Jean François Copé, François Fillon et Alain Juppé. Mais, encore plus impensable, il existe au moins un consensus au sein de cette formation pour se donner rendez-vous… en novembre.
Ce qui veut dire que pendant les fameux 100 jours, qui seront ainsi presque 150, les socialistes n’auront en face d’eux qu’une opposition systématique, incapable d’assortir ses critiques des mesures prises par le gouvernement Ayrault de quelque proposition constructive. Devra-t-on se contenter de dire : « les socialistes nous mènent à la ruine » ? C’est d’une banalité à pleurer, puisque l’on sait que toujours et partout le socialisme a mené à la ruine. Il aurait peut-être fallu y penser avant que le PS ne prenne le pouvoir, à la belle époque chiraquienne et sarkozienne où la droite s’est complue dans le socialisme. Dans les 150 jours, notre pays aura à aborder la crise de l’euro et de l’Europe, l’aggravation de la dette publique et la sanction des marchés financiers, la croissance du chômage, les affres de la rentrée scolaire (et peut-être de la rentrée sociale) : voilà ce que sera la conjoncture. Quelle réponse, l’opposition va-t-elle donner, quelles solutions crédibles va-t-elle offrir aux Français ? Je crains que ce ne soit « silence, on attend la catastrophe », je crains l’esprit de division et de haine.
Je pense donc que la classe politique a mieux à faire, et qu’elle ne doit pas se résigner. Elle doit prouver au contraire sa capacité à innover. Les erreurs socialistes doivent apparaître comme le négatif qui révèle l’image claire. Mais l’image doit exister, et être claire.
Quand je dis « la classe politique », je fais un amalgame optimiste. En fait combien allons-nous trouver de volontaires pour s’adapter à la nouvelle conjoncture ? Parmi les élus et les battus de l’UMP, voire de la Nouvelle Démocratie Indépendante (un bien joli nom pour une formation présidée par Jean-Louis Borloo), il y a sans doute quelques libéraux potentiels, et j’espère bien qu’ils ne seront pas écrasés par la défaite globale; mais visiblement une large majorité n’a pas encore fait son aggiornamento. Un renouvellement de ceux qui prétendent nous représenter est nécessaire.
Le mal, en fait, est très profond. Voilà des années que nos politiciens ont cessé de se donner une doctrine et de s’intéresser au débat d’idées. Ils croient s’en sortir en se référant aux « valeurs de la République », véritable boîte de Pandore ; manipulée avec autant de talent et d’insistance par la gauche que par la droite.
Dans la conjoncture actuelle, se référer à « l’empirisme », ou au « consensus » n’a aucune utilité et ne peut convaincre personne. On finit par sombrer dans la pensée unique et le politiquement correct.
Ce que les Français attendent, c’est une « nouvelle offre politique », comme dit Philippe Nemo. Ce n’est pas un redécoupage des partis ou un jeu de chaises musicales. C’est un corps de pensée, dominé par quelques principes simples : liberté, responsabilité, dignité. C’est un régime politique où l’Etat est limité et subsidiaire, où les administrations publiques sont réduites aux seules fonctions régaliennes strictement définies. C’est en conséquence toute une série de réformes structurelles dont les libéraux ont non seulement établi la liste, mais démontré par expérience et logique la totale efficacité. Il ne s’agit pas de propositions utopistes, même si elles font rêver.
Oui, les Français ont besoin de rêver. Et ce n’est possible que si un souffle anime notre vie publique. Ce qui manque à nos grands hommes aujourd’hui, c’est la foi. Incapables de croire aux principes, naviguant à vue, proposant tout et son contraire, ils ont perdu la confiance de ce « peuple » qu’ils aiment tellement. Si maintenant ils veulent convaincre, ils doivent retrouver la foi. Le credo libéral est à leur disposition : qu’ils en retrouvent ou qu’ils en découvrent la beauté et la richesse. Et, comme je l’ai déjà dit, c’est maintenant ou jamais.
*Jacques Garello est un économiste libéral français, professeur émérite à l’Université Paul Cézanne Aix-Marseille III. Il est fondateur du groupe des Nouveaux Economistes en 1978 et président de l’Association pour la liberté économique et le progrès social (ALEPS) depuis 1982. Il est également membre du Conseil d’administration de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales (IREF).
> Cet article est publié en partenariat avec l’ALEPS.
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