En ce mardi 21 avril, Emmanuel Macron, en compagnie de Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur et des cultes a reçu les différents responsables des religions et des loges maçonniques représentées en France.
Les responsables de l’épiscopat français ont proposé différentes mesures. Une reprise progressive de la célébration de la messe, avec un taux de remplissage des églises de 30 ou 50%. La possibilité de célébrer baptêmes et mariages, célébration aujourd’hui interdite par l’autorité ecclésiastique, en réduisant l’assistance aux proches, géographiquement, des familles. Maintien de l’interdiction de la distribution de la communion directement sur la langue. Enfin les pèlerinages nationaux ne pourraient avoir lieu, n’étant tolérés que des pèlerinages locaux.
Une curieuse impression
Il faut bien avouer que tout cela dégage une impression un peu curieuse. Dans un ouvrage à paraître aux éditions Contretemps, Christus Vincit, Mgr Schneider, évêque auxiliaire d’Astana au Kazakhstan, dénonce le naturalisme dont serait imprégnée une bonne part du corps épiscopal contemporain ayant fait sienne l’attitude que dénonçait saint Grégoire de Nazianze au IVe siècle : « Nous servons le siècle et les exigences de la foule ». Ce constat semble d’une grande actualité. On ne sache pas que les supermarchés soient astreints à ne pas recevoir plus de vingt personnes à la fois. Quant à la question des sacrements ils semblent plus être considérés comme des rites sociaux de la communauté chrétienne que comme les canaux ordinaires de la grâce. La légèreté avec laquelle a été suspendue la célébration de plusieurs sacrements (messe, baptême, et mariage) invite d’ailleurs à se demander si nos évêques pensent vraiment que la réception des sacrements est nécessaire au salut. Qui croit encore ce qu’enseignait le catéchisme de Saint Pie X : « Les sacrements les plus nécessaires pour notre salut sont le baptême et la pénitence : le baptême est nécessaire à tous absolument et la pénitence est nécessaire à tous ceux qui ont péché mortellement » ? Que signifient ces enterrements sans messe et sans assistance ? Mais qui croit encore à la valeur de la célébration de la messe pour hâter l’accès des âmes au paradis ? Tout cela est terrifiant. Le simple laïc du bout du banc a la douloureuse impression que les réalités surnaturelles sont escamotées au bénéfice de considération purement naturelles pour ne pas dire naturalistes. Des prêtres sont dénoncés par leur évêque aux autorités civiles lorsqu’ils continuent à recevoir des fidèles dans leur église ou se déplacent de maison en maison pour célébrer la messe. Une messe confinée à saint André de l’Europe, à Paris, est interrompue par des policiers en armes. Des communautés religieuses féminines refusent qu’un prêtre vienne leur célébrer la messe. Des prêtres disent quelques mots de compassion à des familles réduites, esseulées et en larmes dans des églises désertes devant un cercueil, sans fleurs ni couronnes certes mais aussi sans office liturgique digne de ce nom. Rupture civilisationnelle majeure que ces morts et ces enterrements solitaires, sous le gouvernement de la peur.
Voilà où nous en sommes alors que nos ancêtres risquaient la mort pour assister à la messe de bons prêtres lors de la Révolution et que les supermarchés sont ouverts…Ces temps d’épreuve sont, comme toujours, un révélateur de la vérité des âmes et des cœurs :
« Ce n’est que dans les temps d’épreuve qu’on peut distinguer parfaitement le pasteur du mercenaire. Dans les temps de paix, le mercenaire veille ordinairement à la garde du troupeau comme le véritable Pasteur. Mais lorsque le loup survient, on découvre les vrais motifs qui ont inspiré cette vigilance. Celui qui n’avait que l’extérieur du pasteur et ne l’était pas en réalité, laisse les brebis et s’enfuit à l’approche du loup, parce que le danger qu’il redoute pour lui le rend incapable de résister à l’injustice. Et il s’enfuit, non pas en changeant de lieu, mais en privant ses brebis de son appui. À la vue des dangers que court son troupeau, le mercenaire n’est enflammé d’aucun sentiment de zèle, et il supporte avec indifférence les maux qui viennent fondre sur ses brebis, parce qu’il n’est préoccupé que de ses intérêts personnels. Le mercenaire s’enfuit, il n’assume pas ses responsabilités face au danger qui menace les brebis, il redoute de l’affronter, parce qu’il craint de perdre ce qu’il aime ». (Saint Grégoire le Grand)
Avant des considérations sur l’accueil des étrangers ou les causes du réchauffement climatique le peuple chrétien attend de ses pasteurs les sacrements qui sauvent !
Quelles priorités ?
En raison de la crise que nous vivons l’État se trouve dans la situation de devoir faire des choix et de décider ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas. Ces priorités varient selon les pays. En France l’ouverture des bureaux de tabac est considérée comme une activité essentielle mais pas l’exercice du culte. Choix bien révélateur des priorités des pouvoirs publics, non mis en cause, fondamentalement, par les autorités religieuses. Signalons à ce sujet la pétition mise en ligne par le Salon beige : Nous voulons la messe.
La prière du vendredi pour les musulmans et l’office du shabbat pour les Juifs ont en commun d’être une succession de chants, de lectures et d’enseignements. La messe catholique est d’une autre nature. Elle est une action sacrée car elle est le renouvellement non sanglant du sacrifice du calvaire. S’il est possible de faire des lectures chez soi, il n’est pas possible de s’associer de la même manière à l’action sacrificielle, fut-ce par internet. Il sera intéressant d’observer, après ces temps de confinement et le retour à la normale combien, surtout parmi les plus âgés, reprendront le chemin de l’église alors que c’est quand même plus simple à la télé…
Ce qui est historique c’est que cette quasi suspension du culte est le fait de l’Église elle-même et non la conséquence d’une persécution politique. Au Mexique en 1926 les évêques mexicains avaient voté la suspension du culte public en opposition aux lois anticatholiques décidées par le gouvernement Calles. La reprise du culte sonna le glas de l’insurrection cristera. A cet égard les représentants de l’Église de France semblent être allés encore plus loin que ne le demandaient les autorités civiles, en particulier sur la question des pèlerinages. Tout cela a abouti à de curieuses considérations sur le fait que l’on pourrait remplacer le sacrement par le désir du sacrement, appuyé sur des retransmissions télévisées. Cela a commencé par la communion de désir, puis la confession de désir, on a maintenant le baptême de désir- qui est une réalité mais qui doit être le désir du futur baptisé-, puisqu’il paraît qu’on peut rassurer les parents en leur disant qu’il suffit de désirer le baptême pour leur enfant pour que celui-ci soit baptisé, peut-être aura-t-on d’ici l’été les mariages et les ordinations de désir !
Après le Gaulois réfractaire, Macron trouvera-t-il, enfin, sur son chemin une Église réfractaire ?
> Jean-Pierre Maugendre préside l’association Renaissance Catholique.