Afin de faire accepter les 50 milliards d’économies sur trois ans à l’aile gauche de sa majorité, Manuel Valls propose d’atténuer le gel des retraites les plus modestes, ou de revoir celui du point d’indice des fonctionnaires en fonction de la croissance. En somme, il ajoute des mesurettes comptables aux mesurettes comptables qui constituent le plan de stabilité français annoncé sous la pression de Bruxelles. Dans cette annonce assez marginale et liée au vote prochain de l’Assemblée, le mal français apparaît cependant de manière éclatante.
Il y a d’abord la situation de notre pays par rapport à ses partenaires et concurrents européens. Depuis 2003, et le report du plan de stabilité destiné à ramener les déficits des pays européens aux 3% exigés par les critères de convergence, la France est progressivement passée dans le groupe des mauvais élèves. Les deux dernières années ont accentué le phénomène en présentant le second poids lourd de la zone euro, non pas encore comme le pays le plus en difficulté, mais comme celui qui fait le moins d’efforts. Aujourd’hui, nos résultats font baisser la moyenne de la classe. La France apparaît comme un Etat socialiste indécrottable avec 57% du PIB pour les dépenses publiques, quand la moyenne est à 49%. La fonction publique a continué de croître quand elle baissait ailleurs. 5,5 millions de fonctionnaires et 3,4 millions de chômeurs. Le Royaume-Uni a, lui, supprimé plusieurs centaines de milliers d’emplois publics et fait baisser le chômage ! Notre déficit public est à 4,3% quand la moyenne de la zone euro est à 3%, l’Allemagne à 0% et l’Italie à 3%.
La seconde caractéristique du mal français est la faiblesse de sa gouvernance. Ses gouvernants manquent de discernement et de courage, ceci expliquant cela. Parce qu’ils n’ont toujours pas le courage des réformes structurelles que tous les autres pays européens ont mis en oeuvre, sans même appartenir à la zone euro, comme la Suède, nos dirigeants ont continuellement, et surtout depuis deux ans, refusé de choisir clairement les priorités : emploi ? pouvoir d’achat ? compétitivité ? La création d’emplois publics artificiels affaiblit notre compétitivité et fait reculer l’emploi. Le pouvoir d’achat sans création de richesses et sans amélioration de notre compétitivité accentue le déficit de nos échanges. Dans ce domaine aussi, nous pesons de manière négative sur les performances européennes. La nécessité d’assainir nos finances n’est pas une punition arbitraire de Bruxelles. Avec ou sans l’Euro, un pays ne peut vivre à crédit en permanence. L’ emprunt doit avoir pour but d’investir et non d’assurer les fins de mois d’un Etat qui a du mal à payer ses fonctionnaires. Que l’Euro se révèle une bonne affaire pour l’Allemagne et une mauvaise pour la France, comme l’avoue Monsieur Sapin, n’est pas une fatalité, mais la conséquence d’une mauvaise politique. Même sans l’Euro, la priorité doit être la compétitivité. La résorption du chômage et le pouvoir d’achat ne peuvent être qu’une conséquence de celle-ci. La Suède et le Royaume-Uni l’ont montré hors zone euro, l’Allemagne dedans.
La comparaison politique avec ces trois pays est révélatrice d’un troisième aspect du mal français. Dans chacun d’eux, la gauche social-démocrate est revenue sur son culte de la dépense publique. Soit elle a, elle-même, procédé aux réformes structurelles indispensables, soit elle n’a pas remis en cause celles que la droite avait effectuées. En France, c’est l’inverse. La gauche refuse obstinément de telles réformes, pour les retraites ou le temps de travail par exemple, et renâcle même devant des mesurettes comptables, mais la droite n’ose pas non plus les faire. Ni sous Chirac, ni sous Sarkozy, elle n’a créé le choc indispensable au redressement. Objectivement, d’ailleurs, le centre a eu des positions plus intelligentes que l’UMP. Cette dernière votera contre le plan de stabilisation et le pacte de responsabilité, à l’exception de quelques individualités plus préoccupées par leur carrière que par le redressement du pays. L’UDI dit : « chiche », mais à la condition de réformes structurelles que la gauche ne fera évidemment pas. De même ce sont des centristes qui avaient le plus soutenu la TVA sociale, la règle d’or budgétaire ou la retraite par points. J’ai toujours été à leurs côtés sur ces sujets. Mais la tête de la France penche à gauche d’une manière qui devient tragique. 50 milliards sur trois ans quand il faudrait 150 milliards par an, pour le coup irréalistes : on voit quel retard nous avons accumulé.
La visite du Président dans la terre de Jaurès est symbolique du mal français. La gauche encense sans vergogne ses idoles que la « droite » se croit obligée aussi de vénérer. Or, le plus souvent, il s’agit d’images saintes dont on chercherait en vain les miracles accomplis. Jaurès a parlé, certes, mais il n’a pas exercé le pouvoir. Dreyfusard tardif, il s’est opposé à la Loi de Trois Ans destinée à renforcer notre capacité de résistance face à l’Allemagne. Les bons sentiments et les beaux discours en général à contre-temps des exigences du temps, c’est en quelque sorte la signature du socialisme français. Merci à François Hollande de l’avoir rappelé par sa présence à Carmaux.
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