Laurent Waucquiez a-t-il ou non prémédité ses « dérapages » ? Peu importe. C’est son « parler vrai » qui a bousculé le microcosme politico-médiatique. Et ce fait-divers politique, cette anecdote lyonnaise, ces deux épisodes de cours enregistrés à l’insu du professeur, mais peut-être pas contre son plein gré, sont devenus des révélateurs de la situation alarmante de la démocratie dans notre pays. Ils ont permis de mieux prendre conscience du tribunal inquisitorial qui règne en France avec les faiseurs d’opinion qui sévissent sur les chaines de désinformation et plus généralement dans les médias. La surexposition en longueur et en intensité de ces paroles libérées a été justement dénoncée par Laurent Waucquiez devant une figure de cette « autorité » dénuée de la moindre légitimité, Ruth El Krief, dont chacun garde en mémoire la poignée de main complice, juste en dehors du champ de la caméra, avec le candidat Macron. Calmer le jeu, botter en touche sont des manoeuvres habituelles de la vie politique. Quand les « communicants » le font à la place et au profit des politiciens, c’est encore mieux. Pendant quatre jours, les « dérapages » surexploités du Président LR ont détourné l’attention de l’essaim de difficultés qui entourait le Président chéri des médias : baisse dans les sondages, plainte en abus de faiblesse contre un ministre bien en cour, multiplication des annonces de réformes à l’évidence mal préparées et qui soulèvent de légitimes inquiétudes, et, par dessus tout, découverte du décalage entre de multiples hausses qui diminuent le pouvoir d’achat et son éventuelle augmentation qui reste à venir à Pâques ou à la Trinité. Les règlements de comptes entre Républicains ne pouvaient que redorer le blason de celui qui est en marche au-dessus des partis, comme on marche sur les eaux. Mais, c’est le terme même de « dérapage » qui est un aveu. Lorsque quelqu’un dit la vérité et que celle-ci est en phase avec ses convictions, la ligne est droite, et le dérapage n’existe qu’aux yeux de ceux qui entendent imposer leur ligne à l’expression, les commissaires politiques qui se prétendent journalistes. J’ai connu cette expérience à mes dépens lorsque j’avais simplement évoqué la « légende de la déportation homosexuelle en France non annexée durant l’occupation ». Elisabeth Lévy le rappelle dans « La gauche contre le réel » : une « vérité qui n’en est pas une » peut s’imposer dans l’opinion publique. L’idéologie, la préférence politique, peuvent cibler des « dérapages » lorsqu’on dit la vérité et qu’on est fidèle à ses convictions.
Pour le second point, j’espère que Laurent Waucquiez le respecte, mais pour le premier, on peut le vérifier. Ce qu’il dit du pouvoir législatif en France est terriblement exact, et il est bon que ce soit dit. C’est l’exécutif qui décide de tout. Le Parlement ne fait qu’enregistrer plus ou moins vite, avec plus ou moins de discipline, les chances d’être réélu étant proportionnelles à celle-ci. Là-encore, mon expérience en témoigne. Les Lois sont des projets gouvernementaux, les propositions parlementaires sont majoritairement classées sans suite ou rejetées, ou ne sont parfois que les vecteurs de volontés gouvernementales qui se veulent discrètes. Les amendements ont le même rôle. Simplement, ils viennent en discussion, au moins en Commission. Sans soutien affiché ou discret du gouvernement, ils n’ont aucune chance d’être votés. Et gare au membre de la majorité qui voterait mal ou même esquisserait une opinion différente. La prochaine investiture le laissera en cale sèche. Pour éviter ces désagréments, le retard ou l’affichage d’une fronde, la voie des ordonnances est le dernier clou qu’on enfonce sur le cercueil de la démocratie parlementaire, et il n’y a rien d’étonnant à ce que le Garde-chiourme des nombreux rameurs embarqués à la va-vite sur la galère jupitérienne, M. Castaner, en ait brandi la menace. Pour le reste, Laurent Waucquiez a égratigné quelques caciques « républicains », ceux qui ont trahi, ceux qui sont en passe de le faire, ceux qui font carrière sans la moindre conviction, et qui ont ruiné la dynamique qui animait le RPR. Le coup de balai n’est pas un dérapage mais un nettoyage salutaire.
A des milliers de kilomètres, Marion Maréchal Le Pen a parlé devant une assemblée de conservateurs américains. Puisse-t-elle annoncer une nouvelle étape de sa famille politique vers un retour à ses racines authentiques, nationales et conservatrices, pragmatiques et donc libérales en économie, libérées des provocations verbales d’antan ! Peut-on imaginer qu’un jour la droite de Laurent Waucquiez et celle de Marion Maréchal se retrouvent ? Voilà une hypothèse qui glace d’horreur nos inquisiteurs médiatiques et les passagers clandestins du pouvoir. Ce serait une bonne nouvelle pour la démocratie française.