Voici des extraits des biographies évangéliques de Monseigneur Gaume (1802,1879) qui nous parle de ces heureux témoins qui ont vu l’Enfant-Dieu :
« Et après que les anges se furent retirés dans le ciel, les bergers dirent entre eux : Allons jusqu’à Bethléem, et voyons ce qui est arrivé, et que le Seigneur nous a fait connaître. Et ils vinrent en hâte, et ils trouvèrent Marie, Joseph, et l’Enfant couché dans une crèche ; ayant vu, ils connurent la vérité de ce qui leur avait été dit de cet enfant » S. Luc, II, 15-17.
Heureux bergers ! Est-il un chrétien qui, bien des fois, n’ait envié votre sort ? En est-il un qui ne serait charmé de vous connaître? (…)
Au jour de la naissance de Notre-Seigneur les campagnes de Bethléem n’avaient rien perdu de leur fertilité. Des troupeaux y paissaient en grand nombre. Pour les protéger soit contre les bêtes féroces, ours et lions, (…), des bergers étaient préposés à leur garde. Des tours plus ou moins fortes et plus ou moins hautes s’élevaient de distance en distance. Elles servaient (…) d’observatoires du haut desquels on pouvait embrasser d’un coup d’œil tout le mouvement des troupeaux.(…) C’est aux heureux bergers de garde vers minuit, près ou dans la tour d’Ader, comme aux mages en observation au sommet du mont de la Victoire, que l’archange Gabriel, descendant du ciel, (…), vint dire la parole si ardemment désirée, depuis quatre mille ans, par l’humanité tout entière : Le Sauveur du monde vient de naître . (…) (C’est) un petit enfant, pauvrement couché dans une crèche et réchauffé au souffle de deux animaux. (…). Étable, crèche, animaux, bergers : comme toutes ces circonstances de la vie pastorale annoncent bien le nouvel ordre de choses qui va s’établir! Celui qui s’appellera le bon Pasteur naît au lieu même où un grand berger, son aïeul et sa figure, l’antique Jacob, paissait ses troupeaux. Non seulement Jacob, mais David, Isaac, Abraham, Abel avaient été bergers. Jésus, leur fils, vient rappeler le monde à la vie simple et détachée des patriarches, et comme prémices du monde nouveau, il choisit des bergers.
A-t-on suffisamment réfléchi que ce fait, si simple en apparence, est une révolution radicale dans l’ordre politique? A nos yeux jamais leçon plus éloquente ne fut donnée à l’homme au pouvoir. Pasteurs des peuples! Rois, princes, supérieurs, qui que vous soyez, voilà ce que vous êtes par votre institution et ce que vous devez être par vos actes. Pasteurs des peuples ! un devoir vous est imposé auquel se rapportent tous les autres : veiller nuit et jour à la garde de vos troupeaux; les conduire dans les pâturages, où ils trouvent la saine nourriture de la Vérité, (…)
Combien de bergers (…) furent appelés au berceau de l’Enfant Dieu? Même avant la réponse de la tradition, les analogies de la foi en fixent le nombre. Le Verbe incarné venait accomplir la Rédemption des anges et des hommes : Rédemption des anges, qu’il avait préservés de la chute; Rédemption des hommes, qu’il en avait relevés. Déjà, tout le monde angélique environnait son berceau et chantait sa naissance. Restait l’humanité : or, trois races, et trois seulement, descendues des trois fils de Noé, couvraient la face du globe. Pour compléter le rendez-vous, et traduire la pensée divine dans toute son étendue, chacune des trois races devait être représentée dans un mystère qui s’accomplissait pour toutes ; et, dans la personne de son représentant, offrir au Rédempteur l’hommage de sa foi et de son amour ; même signification dans le nombre sacré des mages : ainsi trois bergers. (Jacob, Isaac et Joseph…) « D’après ces témoignages et d’autres encore, nous affirmons avec assurance, dit Benoît XIV, qu’il y eut trois bergers adorateurs, et qu’il n’y en eut que trois » (…)
Les bergers adorateurs sont-ils saints ? Ils le sont en effet. D’abord, ne serait-il pas étonnant que Notre-Seigneur si bon, si libéral, n’eût pas couronné de la seule récompense qui soit digne de Dieu l’empressement naïf avec lequel ses premiers adorateurs étaient accourus à sa crèche; leur empressement non moins grand à proclamer dans toute la contrée le mystère dont ils avaient été témoins et à chanter partout leur reconnaissance? Il faut ajouter leur fidélité inébranlable au divin Enfant (…)
Le nouveau-né vivait au milieu de ces familles de bergers, inaperçu du monde et protégé par la pauvreté. Cependant, les prodiges qui avaient signalé sa naissance ne pouvaient demeurer longtemps ignorés. L’arrivée des Mages à Jérusalem vint bientôt en donner la certitude et exciter les craintes sanguinaires du cruel Hérode. Les Bergers ne furent pas les derniers à soupçonner le danger qui menaçait l’enfant Jésus. À leur éternelle louange, il ne se trouva parmi eux ni un espion ni un traître. Loin de là, ils cachèrent avec soin la Sainte Famille, en attendant que le Père éternel lui-même pourvût à la sûreté de son Fils.(…) A la preuve de la sainteté des trois bergers prise de la bonté de Notre-Seigneur, se joignent les témoignages de la tradition.(…)
Un grand nombre de saints et de savants de l’Église Latine proclament la sainteté des heureux bergers. Mais ce qui tranche la difficulté, s’il y en avait une, c’est la magnifique église bâtie par sainte Hélène sur remplacement de la tour d’Ader, en l’honneur des saints anges et des trois bergers. Leurs corps y reposèrent jusqu’au milieu du neuvième siècle, époque vers laquelle l’église tomba en ruine. (…)
Après la chute de l’église, les corps des saints Bergers furent transportés à Jérusalem, où ils restèrent jusque vers l’an 960. Les historiens Espagnols, à la tête desquels paraît le savant archevêque de Tarragone, Antonio Pérez, affirment qu’à cette époque les précieux corps furent apportés en Espagne par un chevalier espagnol, et déposés dans la ville de Ledesma, (…), voisine de Salamanque. Une chose est hors de doute : nulle ville au monde n’honore avec autant d’amour les premiers adorateurs du Dieu nouveau-né. (…) L’Espagne, qui tient à grand honneur d’avoir reçu l’Evangile de l’Apôtre saint Jacques, dont le corps repose à Compostelle , croit aussi posséder les corps des heureux bergers de Bethléem(…) La tradition espagnole a pour elle non seulement l’antiquité, mais encore le témoignage d’un grand nombre de savants et d’historiens qui l’acceptent et la défendent. (…). Le 16 juillet de l’année 1864, l’évêque de Salamanque fit transporter les reliques des bergers, de l’église de Saint Pierre dans celle des Saints-Pierre et Ferdinand de la même ville. Déposées dans l’intérieur du maître-autel, ces reliques sont renfermées dans une châsse en forme de tombeau (…)
Les bergers de Bethléem méritent bien le culte qui leur est rendu. Les vertus que pratiquèrent ces premiers adorateurs de l’enfant de Bethléem, les prérogatives dont ils furent honorés, tout nous dit qu’ils occupent une place très élevée dans la bienheureuse Jérusalem.
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