Jésus, ce libéral

par Didier Maréchal*

Jésus est le premier libéral ! Cette affirmation m’aurait outré en 2005, comme tous les chrétiens de gauche. Ce très cher Charles Gave, dans son ouvrage Un libéral nommé Jésus m’a alors bouleversé. Je reprends ici certains de ses arguments et en développe d’autres.

Comme lui, Jésus nous veut libres. Jésus montre le chemin, à nous qui sommes créés à l’image de Dieu, mais ne nous impose rien. Dans notre vie terrestre, nous sommes libres de faire le bien ou le mal. Par exemple, il nous demande de partager volontairement avec nos frères, de bon cœur, mais jamais d’instituer des organismes collecteurs (URSSAF, fisc,…) chargés de redistribuer ce qu’ils ont prélevé par la contrainte (« Tu ne voleras point. »). D’une manière générale, Jésus n’édicte aucun précepte ou aucune règle, écrite ou orale, hormis le respect des dix Commandements et le fameux « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». Il nous demande de nous efforcer à suivre son exemple, même si cette perfection est pour la plupart d’entre nous inaccessible. Et nous ne pouvons jamais nous dire que nous remplissons toutes les conditions pour être considérés comme de « bons chrétiens » (Mais ce n’est pas grave, car la miséricorde de Dieu est posée comme infinie.). Au total, le véritable amour de Dieu ou de son prochain n’existe que s’il est librement consenti.

Jésus considère chacun d’entre nous, pris individuellement et non collectivement. Plusieurs paraboles font référence au contrat individuel et à son respect : le maître et les ouvriers de sa vigne, le propriétaire et les fermiers de sa vigne… Les dix Commandements sont aussi une sorte de contrat avec chaque homme, lequel, s’il le respecte, aura droit à la vie éternelle. L’Amour est un sentiment qui relie deux êtres, pas un individu avec l’Humanité. Dieu, paraît-il, ne sait compter que jusqu’à deux.

Dieu nous a fait tous différents, avec plus ou moins de talents, donc inégaux. C’est un scandale pour les envieux et les jaloux, mais pas pour Dieu. En effet, à ceux qui auront beaucoup reçu, il leur sera beaucoup demandé. En conséquence, c’est une chance pour les moins pourvus de talents « négociables » que de bénéficier du produit de la créativité et du goût d’entreprendre des « génies » (les Léonard de Vinci, Einstein, Bill Gates,…). Cette « tension créatrice » a notamment conduit à produire le progrès scientifique, artistique et technologique observé en Occident depuis des siècles. Par contre, le serviteur paresseux, qui a enfoui son talent dans la terre, sans même le faire fructifier à la banque, est jeté dans les ténèbres.

Comme lui, Jésus nous veut responsable individuellement. La responsabilité individuelle est à la fois consubstantielle à la liberté individuelle et nécessaire à sa pratique harmonieuse dans le respect du prochain (qui est non seulement l’autre, mais aussi le suivant). Nous sommes libres d’agir à notre guise, mais dans ce Monde ou au plus tard dans l’Autre, nous serons jugés selon nos actes.

En nous confiant sa Création (alliance avec Noé), Dieu nous témoigne son Amour et sa confiance. Le propriétaire qui transmet à ses enfants ses biens et son entreprise agit selon les mêmes ressorts. À l’inverse, l’irresponsable, qui doit son poste « à vie » dans un monopole étatique à un concours ou à une faveur, ne risque rien (ou si peu), et en tout cas, pas la sanction (ou la récompense) du client (seulement celles souvent limitées du chef ou du syndicat). Mais la reconnaissance qu’il reçoit des « usagers » (la plus gratifiante) est d’un niveau tel que sa motivation et son assiduité en souffrent le plus souvent.

Mais la responsabilité, sous un angle différent, a un autre aspect positif. Elle donne la crédibilité, la valeur et la noblesse à nos actes. Et si nous avons failli, même involontairement, nous devons reconnaître notre erreur et réparer le tort que nous avons causé. Ce processus nous permet d’une part, de nous réconcilier et d’autre part de progresser (dans le domaine professionnel par exemple) vers la perfection chère à Jésus (même et surtout si on est licencié ou si on perd son client).

Plus précisément, Jésus nous jugera en fonction du résultat de nos actes, et pas au regard de nos intentions ou de nos paroles (« Chaque arbre se reconnaît à ses fruits. »). Les intentions partageuses et égalitaristes des dirigeants socialistes du bloc de l’Est et des tenants à l’Ouest de l’État-providence pouvaient paraître (à première vue) louables. Les effondrements vécus (à l’Est) et à venir (à l’Ouest) de ces deux systèmes, tant au plan économique que moral, les condamnent au vu de leurs résultats.

Jésus et son commandement de l’amour de l’autre est en contradiction totale avec la théorie marxiste de la lutte des classes, qui oppose et divise les Hommes et les pousse à se spolier haineusement par la coercition légitimée.
L’État, même s’il est représenté par un « clergé » tout puissant, n’est pas Dieu, mais ressemble plutôt au Malin. Ses règles (lois, décrets, règlements) n’ont pas été révélées au sommet de l’homologue étatique du Mont Sinaï. Au contraire, elles sont élaborées, jour après jour, dans une frénésie textuelle dévastatrice, par une oligarchie (exécutif, élus, hauts fonctionnaires, lobbies, syndicalistes…) de quelques milliers d’individus. Et elle ne défend (bien qu’elle se drape dans le beau manteau de l’intérêt général) que ses seuls intérêts. Ce qui est somme toute normal, chacun de ses membres n’étant a priori ni meilleur, ni pire que chacun d’entre nous.

Jésus nous dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. » Le Malin pourrait dire : « Je suis l’Impasse, le Mensonge et la Mort. » Les systèmes communistes ont amplement démontré (et démontrent encore à Cuba et en Corée du Nord) qu’ils correspondent parfaitement aux caractéristiques du Malin. La social-démocratie, d’inspiration keynésienne, et l’État-providence en sont des rejetons dont le poison est plus lent, mais tout aussi mortel.

« Demandez et l’on vous donnera » : bien qu’égoïste, l’Homme est souvent généreux, et sur le long terme, on obtient plus en demandant, gentiment, qu’en dérobant son prochain.

*Didier Maréchal est le trésorier d’Alternative Libérale. Ce texte est d’abord paru dans Libres !, un recueil du collectif La Main invisible.

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20 Comments

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  • JG , 24 décembre 2012 @ 10 h 36 min

    Ouarf ! Jésus est bien entendu celui qui fait l’apologie de la propriété, ce qui résonne bien évidemment avec le fait que “le Fils de l’homme n’a rien pour reposer sa tête”. Ce qui résonne aussi avec ce qu’il demande au jeune homme riche, “qui avait de grands biens”. Ce qui résonne bien entendu avec la bourse commune de ses apôtres destinée aux pauvres. Ce qui résonne avec la liberté de glaner qu’il défend pour ses disciples face aux pharisiens. Ce qui résonne bine entendu aussi avec la description des premières communautés chrétienne que donnent les Actes des Apôtres.

  • Sébastien , 24 décembre 2012 @ 11 h 18 min

    Jésus était libéral (on y croit tous à fond) mais Adam Smith pas tant que ça :

    “La hausse des salaires opère sur le prix d’une marchandise, comme l’intérêt simple dans l’accumulation d’une dette. La hausse des profits opère comme l’intérêt composé. Nos marchands et nos maîtres manufacturiers se plaignent beaucoup des mauvais effets des hauts salaires, en ce que l’élévation des salaires renchérit leurs marchandises, et par là en diminue le débit, tant à l’intérieur qu’à l’étranger : ils ne parlent pas des mauvais effets des hauts profits; ils gardent le silence sur les conséquences fâcheuses de leurs propres gains; ils ne se plaignent que de celles du gain des autres.”

    http://alternatives-economiques.fr/blogs/chavagneux/2012/09/26/competitivite-les-conseils-d%E2%80%99adam-smith/

  • isidore , 24 décembre 2012 @ 12 h 36 min

    Selon cette communication, la thèse de Smith parait incontournable !
    Cependant,je pense qu’il oublie quelque chose : le mécanisme de la formation des prix.
    Celui-ci basé sur un premier principe nécessaire,logique,et inévitable : que chacun sur terre,et particulièrement les producteurs et les entreprises,espère,désire,recevoir le maximum possible en récompense de son travail et de son initiative.
    Le maximum “””possible””” !
    Pour l’entreprise,sa production n’est pas vendue d’avance.Même malgré quelque étude de marché que ce soit,qui n’est que probabilité,sans laquelle,il faut avouer sans doute que l’on ne se serait pas lancé,mais le risque objectif subsiste.
    Alors qu’est-ce qui détermine les prix de vente, sinon,in fine,le comportement du client acheteur consommateur ?
    S’il ne trouve ni mieux,ni moins cher,pour un produit qui lui est proposé et qui suscite son désire,il acceptera le prix proposé par le producteur-vendeur,que celui-ci aura d’abord calculé moitié au pifomètre,moitié selon une vague étude de marché,cad des capacités et du désirs d’une clientèle la plus étendue possible. Ce qui donne une limite supérieure,même vague,au montant de ses prix.

    S’il a calculé,ou s’il est tombé juste,même un peu en-dessous,les acheteurs se précipiteront sans discuter(ce qui pourra l’inciter en fait à augmenter ses prix,pour voir jusqu’où il peut aller trop loin).
    Dans le cas contraire,il baissera ses prétentions,jusqu’à atteindre un équilibre entre la tendance du marché des acteurs et son propre projet initial,si le désir des acheteurs ne va pas jusqu’à payer sans discuter,mais commence à renâcler.

    Un autre facteur,dont on n’ a pas encore parlé,vient aussi s’interposer devant les prétentions ou les illusions du vendeur : c’est la concurrence,à quoi Smith ne fait pas allusion dans ce texte.
    En supposant qu’un premier producteur-vendeur ait râflé le marché dès le début,à des prix sans concurrence, voilà qu’arrive un autre qui a calculé qu’en prenant un bénéfice moindre,compte tenu
    des charges du moment, il pourrait,en vendant moins cher que le premier,lui tailler commercialement des croupières ? Peut-être éventuellement,lui prendre la totalité de la clientèle.

    Que va-t-il se passer ? Sinon que,pour ne pas risquer la faillite par mévente soudaine après de gros investissements,même modérés, devenant insuffisants devant le second,le premier sera d’abord amené à baisser ses prix de vente. Plus tard à s’outiller mieux pour baisser ses coûts de fabrication.
    Les prix de vente,sur le marché vont donc,quasi automatiquement,baisser sur le marché.Ainsi que le pourcentage de plus-value ou de bénéfices des entreprises.
    Tout producteur étant pris entre ces deux extrêmités,ou entre ces deux extrêmes souhaitables ou plus exactement réalistes que sont d’un côté,son coût de production,de l’autre la capacité et le désir du marché selon la concurrence.
    Le tout encore selon deux critères,dont l’un sera le coût minimal de production compatible avec le maximum de qualité,l’autre le meilleur rapport qualité-prix de vente.

    On voit que la réflexion d’Adam Smith sur ce sujet ne dépasse pas le niveau primaire,et manque d’analyse approfondie sur le fonctionnement de l’économie.

  • isidore , 24 décembre 2012 @ 13 h 17 min

    On voit donc bien que le juste prix,ou le juste niveau de prix,ne se définit pas,du point de vue technique, autrement que par ce que l’acheteur veut bien payer pour satisfaire son désir et son besoin.
    Mais que,par ailleurs,si la visée financière du producteur est bien un facteur du niveau des prix,il est loin,donc,d’être le seul.
    Reste,dans ce texte,l’intuition libérale que pour satisfaire à un niveau acceptable de pouvoir d’achat, la condition essentielle,qui elle-même dépend de quelques autres,est la baisse des prix de vente,certainement !
    Pour cela,une certainement,une certaine modération de la volonté de profit est nécessaire.Sauf qu’on perdrait son temps à vouloir l’exiger,à moins de l’imposer par la force étatique,mais on est plus dans le libéralisme:le texte de A.S. est à ce sujet très équivoque.
    D’autres conditions que le quotient du profit entrent en jeu,qui toutes portent sur le résultat du coût objectif matériel de la production,même en réduisant le profit de l’entreprise à rien,si c’était possible,qui sont toutes celles qui entrent dans le coût de fabrication,à commencer par ce qu’on appelle les matières premières,(et qui n’on de premières que le nom,puisqu’il y entre un coût de leur obtention ou de leur extraction.Puis,le niveau de l’outillage permettant la qualité optimum du produit fini.
    Ainsi que les frais des locaux de production.Plus les taxes de l’Etat. Et enfin,les salaires qui,à chaque étape,sont nécessaires pour l’organisation de la production,y compris les supposés improductifs dont on ne peut se passer,les bureaux,la comptabilité etc…Sans oublier les provisions pour dévelopements et aléas
    éventuels,dits pour investissements, futurs !
    L’Entreprise est donc le seul niveau du marché où les profits,donc les revenus, ne puissent être déterminés au préalable,mais qui est loin d’être libre,ni,encore moins prévisibles.

  • Philippe Régniez , 24 décembre 2012 @ 13 h 33 min

    Il s’agit avant toute chose de racheter nos âmes. La seule liberté que nous ayons est celle d’obéir ou non à la volonté du Seigneur. Le reste est littérature.

  • isidore , 24 décembre 2012 @ 13 h 37 min

    Jésus était pour le libéralisme,économiquement parlant,bien sûr !
    Simplement parce qu’il n’avait rien à faire de l’économie et que là n’était pas son problème,ce qui fait que la question d’une économie collective ou individuelle n’entrait pas dans ses préoccupations,mais seulement le salut spirituel de chacun, à la seule responsabilité de chacun en la question.

  • isidore , 24 décembre 2012 @ 13 h 40 min

    @ Philippe Régniez:

    Donc,je pense,parfaitement d’accord avec vous.

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