L’inégalité entre les êtres humains est une évidence dans les faits. Elle existe naturellement et physiquement. L’héritage génétique des individus et le tri qui dote l’un d’entre eux d’un phénotype différent de celui de son frère, sont source d’avantages ou d’inconvénients dont les conséquences sont par exemple la longévité ou les performances, y compris cérébrales. Nier son importance comme la surévaluer sont deux erreurs idéologiques qui ont souvent pour but de mêler deux questions, celles de l’inégalité en général, et celle de l’inégalité sociale. Que cette dernière soit beaucoup plus importante que la première a été souligné par Rousseau qui a critiqué la justification des hiérarchies sociales par une causalité naturelle présentée à tort comme déterminante. C’est l’origine souvent revendiquée de l’égalitarisme qui voudrait que tous les enfants soient des pages blanches à la naissance, possédant une égalité de chances. L’inégalité des textes qui s’y écrivent, plus longs, plus riches, mieux rédigés serait uniquement le fruit du contexte social et de l’éducation. A l’inverse, le racisme qui voudrait que tous les membres d’un groupe défini par une hérédité commune soient supérieurs à ceux d’un autre groupe est une théorie condamnée de toutes parts. D’abord, elle met l’accent sur des aspects physiques superficiels comme la pigmentation de la peau ou la forme du crane. Ensuite, elle ignore le fait que l’identité génétique concerne les individus plus que les groupes. Si les vrais jumeaux, « monozygotes » sont des copies rigoureuses, la différence peut être grande entre deux frères nés en même temps, et plus grande encore entre les membres d’une nation ou d’une race, aux contours génétiques mal définis. Mais l’argument détruit aussi bien l’égalitarisme, de Rousseau à Bourdieu. L’inégalité des individus est une réalité que les discours idéologiques tentent en vain d’effacer. A partir d’un certain patrimoine génétique, l’individu deviendra une personne en fonction de son environnement social et selon un rapport chronologique idoine entre son programme de développement génétique et les apports fournis par le milieu. A moins d’imaginer un monde totalitaire où les enfants seraient séparés de leurs géniteurs à la naissance et élevés de façon identique, l’idée de mettre en valeur l’inégalité génétique de base comme celle de réaliser l’égalité parfaite, sont des vues de l’esprit dénuées d’un véritable intérêt et surtout extrêmement dangereuses. L’égalitarisme total comme la sélection rigoureusement organisée à travers l’eugénisme en amont et un encadrement pédagogique élitiste en aval sont porteurs de deux formes de totalitarisme symétriques.
L’égalité est un préjugé aussi néfaste que la légitimité de certaines inégalités a pu l’être dans le passé. Certaines situations sociales avantageuses demeurent des héritages sociaux qui nuisent à l’intérêt général. D’autres inégalités, qu’elles soient héritées ou acquises, sont parfaitement justifiées et bénéfiques à l’ensemble d’une société. Que les citoyens aient dans une démocratie les mêmes droits politiques, et dans la société civile correspondante les mêmes droits de penser et d’agir est une conquête libérale qui est profitable car elle est source de dynamisme. En revanche, la volonté de passer de cette égalité formelle à une égalité réelle qui est au coeur du socialisme, notamment marxiste, est une dérive absurde dans ses objectifs et suicidaire dans ses effets. Car elle tend à priver les individus dont le potentiel est le plus élevé de la possibilité de donner le meilleur d’eux-mêmes. Les classes hétérogènes du collège unique sont une réforme démagogique et aveugle, conduite par un Ministre de droite, René Haby, pour prouver le progressisme de M. Giscard d’Estaing. Le Collège est ainsi devenu le maillon faible de l’Education Nationale. De même, le tirage au sort pour l’entrée à l’Université des bacheliers, là où les étudiants jouissent de la plus grande autonomie, est un non-sens meurtrier qui entraîne un scandaleux gâchis. La sélection rigoureuse et l’orientation souple permettraient au contraire d’équilibrer la liberté des individus et l’intérêt collectif. L’abaissement des critères, le nivellement des formations, l’élagage des programmes privent la France d’une élite intelligente, méritante et dotée d’une solide culture générale. Sans elle notre pays perd son identité et son rayonnement, et ce suicide se déroule depuis des décennies !
Le comble de la stupidité a été atteint avec deux dérives fondées sur le même principe. C’est sur le plan politique et social dans les pays développés la même injustice que celle qui a poussé les Hutus à couper les jambes des Tutsis parce que ceux-ci les regardaient de trop haut. Ce principe consiste non plus à donner les mêmes chances, mais à ôter à ceux qui ont plus ce qui manque à ceux qui ont moins, sans se soucier de l’iniquité de ces mesures pour les premiers. Cette dérive a deux visages essentiels : la redistribution excessive, et la discrimination positive. Dans les deux cas, on multiplie les situations où celui qui se trouvait juste au-dessus d’un seuil, finit par être moins bien traité que celui qui se situait au-dessous de la barre. L’impôt juste, fondé sur l’équité, doit être proportionnel et non progressif. La progressivité assortie de toute une série de niches fiscales, d’une imposition du patrimoine et des successions, conduit à une spoliation du mérite, de l’investissement et de l’épargne qui peuvent décourager bien des vocations, sauf celle de conseiller fiscal, bien entendu. De même la discrimination dite positive remplace l’encouragement des uns par la punition des autres. Elle contient un germe mortel de revanche sociale. Mugabe s’est vengé de la domination blanche en Rhodésie du Sud en chassant les fermiers blancs, et c’est ainsi que le Zimbabwé fut ruiné ! De même, chaque fois que l’on donne à quelqu’un la place de celui dont les performances et le mérite sont supérieurs, on mesure mal l’injustice commise envers le « remplacé », et le contre-sens qui réjouit l’idéologie au détriment du Bien Commun.
La préférence donnée aux habitants de certains quartiers pour les « Emplois francs » ou l’exonération de la Taxe d’Habitation pour 80% des Français, évidemment au détriment des autres dans les deux cas, constituent les plus récentes de ces deux dérives qui soulignent à quel point le pouvoir actuel persévère dans les erreurs du précédent. Faut-il ajouter que, pour l’instant, dans notre pays, seule l’hypocrisie du système compense son absurdité sans en accroître l’équité ?
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