François Fillon largement vainqueur du premier tour des primaires de la droite et du centre. Excellente surprise, même si la tendance des sondeurs à se tromper en faveur des choix les plus conformes à la permanence du système et des politiques qu’il privilégie aurait pu nous faire deviner la victoire du candidat le plus « transgressif ».
En 1981, les Américains et les Britanniques entamaient une révolution conservatrice fondée sur les piliers idéologiques de la droite : réduction de la sphère publique et des dépenses fédérales sauf en matière de défense où elles sont augmentées, diminution de la fiscalité notamment sur les entreprises, politique économique de l’offre, patriotisme affirmé par un Etat retrouvant son autorité à mesure qu’il recentrait son action sur ses missions régaliennes. C’est alors que les Français avec un total aveuglement élisent François Mitterrand. C’était aussi intelligent que de prendre une autoroute à contre-sens. Cela dura deux ans et lors du virage imposé de 1983, le microcosme médiatique, enthousiaste à l’arrivée théâtralisée de l’homme à la rose, salua l’intervention d’une de ses icônes en carton-pâte : Delors, chez qui le génie consistait non à prévoir mais seulement à reconnaître parfois ses erreurs. Mais la France, après la courte parenthèse de 1986, vite refermée par peur de la rue par le velléitaire Chirac, survécut à l’ombre de son modèle tellement exceptionnel que personne ne l’a imité. Championne de la dépense publique, des emplois publics, des déficits en tous genres, elle a descendu les marches de la croissance, du plein-emploi et de la puissance économique. Mais ni la droite, ni bien sûr la gauche, la première par couardise, la seconde par idéologie n’ont osé la révolution inéluctable qui remettrait le pays dans la bonne voie. La bataille de l’emploi menée à coups de « contrats aidés », c’est-à-dire une fois encore par l’élargissement subreptice de l’intervention publique, aurait dû être une bataille du travail. Sarkozy l’avait annoncée mais a limité son offensive à des mesurettes comme la défiscalisation des heures supplémentaires. Cette mesure a été stupidement annulée par la gauche qui, elle, n’hésite jamais à effacer les réalisations d’une politique qu’elle a combattue avec âpreté dans l’opposition.
La gauche veut aujourd’hui faire du Blair sans qu’il y ait eu Thatcher. La droite, en désignant François Fillon comme son probable candidat lors de la future présidentielle, a désigné le seul candidat qui correspond avec près de quarante ans de retard à la révolution conservatrice menée par les anglo-saxons des deux côtés de l’Atlantique. Diminution drastique de la dépense publique et du nombre des fonctionnaires, allongement du temps de travail, recul de l’âge de la retraite, baisse des impôts directs sur les ménages et les entreprises, suppression de l’ISF, mais hausse de la TVA composent une véritable purge qui est dans la logique de la pensée d’un homme politique qui, Premier Ministre, se disait à la tête d’un Etat en faillite. Une large majorité des votants de ce premier tour des primaires a salué la lucidité du diagnostic et a approuvé la rigueur de la thérapeutique, celle que ni Chirac, ni Juppé, ni Sarkozy, ni même Fillon à Matignon, n’ont voulu ou pu mettre en oeuvre. Ces réformes arriveront bien tard dans un pays qui n’y est pas mentalement préparé par des décennies de démagogie à gauche et de lâcheté à droite. Il faut évidemment donner sa chance à François Fillon qui présente par ailleurs quatre avantages. Il a le physique, l’attitude et le comportement capables de redonner la dignité et le prestige nécessaires à la fonction présidentielle. Il est gaulliste et a voté non à Maastricht : patriotisme et souverainisme ne lui sont pas étrangers, même s’il a fait preuve d’une grande souplesse sur les questions européennes. Il a reçu le soutien de Sens Commun, c’est-à-dire de nombreux militants de la « Manif pour Tous » parce qu’il propose de revenir sur le mariage unisexe en ce qui concerne la filiation. Enfin, il fait preuve d’un réalisme en politique étrangère qui renoue avec la tradition gaulliste. Au moment où Poutine et Trump vont sans doute se rapprocher pour mettre fin au désastre provoqué par la politique d’Obama dans le monde arabe, la France pourra se trouver en phase avec cette évolution. Fillon était sans doute le candidat le plus proche de Vladimir Poutine.
L’ensemble de ces perspectives novatrices soulèvera de solides oppositions. Juppé va lui opposer, avec certains soutiens, les idées habituelles de cette deuxième gauche qu’on appelle la droite. Ses critiques porteront sans doute sur la rigueur excessive des propositions de Fillon. Il fera appel à ce sens de l’équilibre et de la modération qui paralyse notre pays depuis trop longtemps. Une fois Fillon intronisé comme candidat, il se heurtera à une gauche remontée contre un candidat « ultra-libéral », « hyper-conservateur » etc, et surtout à un adversaire plus redoutable, le Front National, qui pourra capter cette partie considérable de la population qui demande avant tout qu’on la protège, contre le terrorisme, l’insécurité, l’immigration excessive, la perte d’identité, mais sans accroître ses difficultés d’existence. Le bilan de « Maggie » a été très positif pour le Royaume-Uni, mais les deux premières années ont été très pénibles. A moins que suivant notre tradition droitière François Fillon ne renonce à la politique promise, la France va vivre avec retard une transformation décisive et difficile. A la sortie d’un quinquennat unique, le risque d’un nouveau changement apparaîtra : retour à une gauche plus libérale ? Rupture plus nette avec un Front National qui aura enfin percé le plafond de verre ? Le brexit comme la victoire de Trump sont les signes de cette seconde étape, celle du populisme, c’est-à-dire du retour des peuples. Le futur Président doit en prendre conscience.
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