Les policiers manifestent dans de nombreuses villes. Une fois encore l’exécutif acculé comprend, mais un peu tard, que le reste d’idéologie auquel il se rattache, a amené notre pays dans une impasse tragique. Certes, on sait bien que le pouvoir et ses avantages comptent plus pour nos gouvernants que les valeurs qu’ils proclament et auxquelles ils doivent les palais dans lesquels ils se vautrent, mais il est plus que temps de dire que les idées qui ont durant des décennies ébranlé nos institutions et renversé avec le bon sens les priorités qui devraient être celles d’une société saine doivent être jetées au panier. Notre pays vit cul par-dessus tête. Ceux qui doivent le défendre à l’extérieur comme ceux qui doivent maintenir l’ordre à l’intérieur sont maintenant traités comme des citoyens de second ordre alors qu’ils remplissent une fonction régalienne qui devrait sinon leur accorder des privilèges, au moins assurer le respect de tous leurs concitoyens.
Les policiers aujourd’hui, comme les militaires de tout temps, risquent leur vie. On vient les assassiner chez eux. On les achève lorsqu’ils sont blessés. On leur lance des cocktails molotov quand on ne leur tire pas dessus. Des manifestants violents les prennent directement pour cibles. Des slogans meurtriers sont lancés à leur encontre. Des magistrats semblent plus enclins à les poursuivre et à les condamner qu’à donner suite rapidement et efficacement aux procédures qui leur ont demandé beaucoup de travail. Leur hiérarchie et le pouvoir politique prétendent interdire aux policiers d’exprimer leur sentiment de révolte lorsqu’un des leurs lutte entre la vie et la mort après une agression d’une rare violence. Nos politiciens dont le bilan n’est pas glorieux, n’ont pas compris, avec leur suffisance infondée habituelle, qu’ils avaient fait déborder la coupe des humiliations et des frustrations. Le langage lénifiant du Ministre de l’Intérieur Cazeneuve trahit l’incompréhension du problème : il annonce des moyens supplémentaires pour les policiers « en souffrance » devant les « sauvageons », comme si la question était quantitative. Elle est qualitative : il faut que les policiers aient la possibilité d’agir et de réagir, et que les juges les soutiennent. L’autisme idéologique du « Syndicat de la Magistrature » laissant croire à la sévérité des peines, à leur exécution et à l’efficacité des sanctions alternatives à la prison témoigne au contraire d’un total aveuglement. L’ex-gauchiste Cambadélis a, de façon scandaleuse, prétendu ramener ce mouvement des policiers à une manipulation politicienne : belle projection d’un spécialiste qui ne peut penser qu’avec les idées courtes du monde médiocre où il vit depuis toujours, à l’abri du besoin et du danger ! Le mouvement actuel est celui de professionnels qui aiment leur métier et ne supportent plus de ne pouvoir l’accomplir comme ils le souhaitent. Il a lieu en dehors même des syndicats : ce n’est pas une demande de moyens supplémentaires mais un appel au soutien et à la reconnaissance.
On se souvient de la phrase de Charles Pasqua : la peur doit changer de camp. De nos jours, le paysage effarant dessiné par nos dirigeants politiques montre au contraire des policiers qui ont peur plus que jamais. Ils ont peur des délinquants qui règnent sur de nombreux quartiers auxquels ils imposent leur loi par la violence. Les armes y sont nombreuses depuis que les guerres déployées dans l’ex-Yougoslavie les ont répandues dans toute l’Europe. Elles sont souvent plus performantes que celles des policiers ou des gendarmes et leurs détenteurs n’hésitent pas à les utiliser quand les forces de l’ordre craignent de le faire parce qu’ils ont reçu des consignes contraires et que la crainte de poursuites administratives ou judiciaire les inhibe. Le passage de la délinquance au terrorisme a accru encore le risque puisque les terroristes semblent ignorer la mort, la leur comme celle des autres. Et pourtant, la question de la légitime défense n’a pas évolué. Parce qu’en 1986, un manifestant dialysé est mort à la suite d’une intervention policière, il semble désormais interdit à un policier de tuer ou de blesser gravement un agresseur qui ne l’attaque pas avec une arme à feu. La police des polices, les magistrats, les autorités politiques loin de couvrir l’action de la police vont au contraire s’acharner sur celui qui aura fait usage de son arme ou aura procédé à une arrestation un peu musclée. C’est évidemment le monde à l’envers où celui qui détient l’usage légitime de la force répugne à l’employer face à la violence.
Peu à peu, chez les magistrats et chez beaucoup de politiques, une dérive s’est produite. Lorsqu’on parle de l’Etat de Droit, comme si on brandissait un fétiche, on met l’accent sur le droit, et on oublie l’Etat. Le droit n’est pas une fin en soi, c’est un moyen pour assurer la cohésion sociale, la paix civile, le bien commun des citoyens, la dignité des personnes et la protection de leurs intérêts légitimes. Quand ces buts ne sont pas atteints par respect vétilleux pour la lettre du droit, celui-ci et ceux qui prétendent le servir trahissent évidemment leurs missions. Il est frappant de constater à les entendre que certains magistrats ont tendance à confondre le droit avec la règle d’un jeu dont les joueurs devraient être traités à égalité. La proportion exigée dans la reconnaissance de la légitime défense appartient à cette étonnante dérive. Un cocktail Molotov n’est pas nécessairement mortel. La balle d’une arme à feu risque davantage de l’être. Le policier ne doit donc pas tirer sur celui qui menace de le blesser ou de le brûler grièvement. Ce raisonnement est pitoyable car il réduit curieusement la proportion à l’égalité. Il n’y a aucune égalité entre un représentant de l’ordre et un voyou violent. La justice est, dans ce cas, non l’égalité, mais la proportion, l’équité qui donnent au détenteur de l’autorité légitime un droit plus grand qu’à un malfaisant. La société n’est pas un jeu entre gendarmes et voleurs. Sa police doit avoir directement ou après la réponse judiciaire l’avantage sur les comportement illégaux parce que précisément policiers et magistrats ont avant tout pour but de maintenir l’ordre légitime. Ceux qui pensent autrement, chez les magistrats notamment, sont évidemment ceux qui contestent sa légitimité et ne devraient pas être admis à le défendre.
Peur des voyous, peur des barbares, peur des chefs, peur des juges… La peur doit effectivement changer de camp !
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