Ce 23 octobre à Budapest, le chef du gouvernement présidait une cérémonie à haute valeur symbolique. Il s’agissait de célébrer le souvenir, à l’occasion de son 60e anniversaire, de la révolution hongroise anticommuniste de 1956.
Ceci est considéré dans ce beau pays, le plus romantique d’Europe, comme une fête nationale. Et si cette commémoration a été marquée par des affrontements entre Magyars, ce qu’on peut évidemment regretter, comme on peut s’interroger sur le contexte général d’un pays si symbolique de l’actuelle situation ambiguë, et à certains égards explosive, de l’Europe centrale on doit avant tout déplorer que cet événement ne soit pas envisagé du point de vue du destin de l’Europe dans son ensemble
Seul le chef de l’État polonais Andrzej Duda était venu rendre hommage aux insurgés de 1956. Il les a logiquement comparés aux grévistes de Gdansk de 1980.
Il est donc devenu hautement nécessaire désormais de rappeler, à une opinion qui l’a oublié, ce qu’a signifié l’événement d’ensemble.
On l’évoque aujourd’hui comme une sorte d’accident architectural puisqu’on appelle “chute du mur”.
Mais c’est bien en effet la lutte de Solidarnosc en Pologne, considérablement encouragée par le pape Jean-Paul II élu le 16 octobre 1978, lequel, le 22 octobre 1978, place Saint-Pierre, lancera son fameux “N’ayez pas peur”, qui permit de balayer les accords de Yalta de 1945.
Ronald Reagan, premier président des États-Unis à remettre explicitement en cause le système de condominium américano-soviétique contribuera plus tard puissamment au processus.
Militant anticommuniste depuis ma jeunesse, ayant moi-même été profondément bouleversé, à ma petite échelle, lors d’un voyage en Hongrie, en 1966, par le rejet, par tout un peuple, du régime et de l’occupant qui l’opprimaient, je puis témoigner de ce que cela signifiait pour toute une partie de ma génération.
Dans le “stade du peuple” de Budapest le premier stade de 100 000 places construit en Europe j’éprouvai l’émotion d’assister à l’entrée d’une délégation soviétique saluée, si l’on peut dire, par le silence unanime, glacial, méprisant, immense, de 100 000 personnes, venues, elles, de toute la partie de l’Europe sous diktat moscovite.
Que des commémorations officielles puissent aujourd’hui diviser l’opinion hongroise, on peut le regretter. Ces débats ne sont pas nouveaux, et le fond de la controverse existait déjà en 2006, il y a dix ans jour pour jour, lorsque le gouvernement, alors de gauche, avait violemment réprimé les manifestations commémoratives jugées trop à droite pour le goût des bien-pensants et des gouvernants.
Très démocratiquement l’alternance s’est produite lors des élections législatives de 2010, les deux-tiers des sièges à l’Assemblée étant acquis au parti conservateur.
Ce 23 octobre 2016, Gyula Molnár, chef du parti socialiste a certes pu rassembler quelque 3 000 ou 4 000 partisans. Il a pu leur dire du premier ministre actuel qu’il “n’est pas l’héritier d’Imre Nagy”, héroïque chef du gouvernement hongrois de 1956 qui fut liquidé par les Soviétiques auquel il avait osé tenir tête.
Voilà une contre manifestation qui a sans doute rempli de joie la diplomatie luxembourgeoise, qui demande des sanctions contre la Hongrie, et quelques autres politiciens.
Mais qu’un tel pays-symbole soit aujourd’hui mis au ban du continent, qu’il puisse faire l’objet de véritables menaces venant du grand-duché du Luxembourg, on ne doit pas seulement le déplorer on peut s’en indigner et, en tout état de cause, on devrait s’en préoccuper.
Les insurgés de Budapest de l’automne 1956 et leurs trois mille martyrs tinrent tête avec tant d’héroïsme aux tanks soviétiques, ces patriotes européens, qui lancèrent un appel aux autres peuples d’Europe, et qui furent hélas abandonnés, voila ce dont nous avons le devoir de nous souvenir.
> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog L’Insolent.
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