Nouvelles de France a finalement pu rencontrer Max, le chef d’entreprise auteur de Ne vous indignez pas, nous l’avons tous cherché ! Entretien sans langue de bois :
Pourquoi avoir choisi l’anonymat ? Affirmer des choses de bon sens est-il devenu trop risqué ? Max pourra-t-il, un jour, apparaître publiquement à la faveur d’un débat ?
J’ai pris la précaution de l’anonymat car je ne souhaitais pas cultiver mon ego ou parler de moi mais seulement passer un message. Et puis, il est devenu risqué, désormais, de communiquer sur le bon sens. Étant chef d’entreprise, aller à contre-courant de la majorité comportait au final un risque de sous-performance pour elle. Je n’exclus toutefois pas de changer d’avis…
Pourquoi avoir choisi de ne publier que sur Internet ? Par ce refus du statu quo que vous prônez dans votre ebook ? Parce qu’Internet est plus ouvert d’esprit que le monde de l’édition papier ?
Par souci de communication moderne et parce que je souhaitais combattre la bien-pensance et m’opposer à des idées établies. Et comme je ne le faisais pas pour l’argent, je me suis dis : “Faisons-le gratuitement”. Seul Internet permettait cela…
“Lorsqu’on fait confiance aux Français, ils savent et peuvent se manager correctement.”
Le bon sens est-il à ce point peu présent dans les livres qu’il faille qu’un chef d’entreprise prenne sa plume ? N’est-ce pas le résultat d’une spécialisation excessive (en gros : les écrivains professionnels ne connaissent rien aux entreprises et les chefs d’entreprise ne savent plus écrire) que vous-même, vous dénoncez en critiquant notre “organisation française tayloriste” ?
Tout à fait. De plus, les témoignages de chefs d’entreprise manquent cruellement. Des économistes sont très pertinents mais il leur manque l’essentiel, être capable de faire un schéma qui motive les hommes. Si vous ne payez pas un homme à sa juste valeur, vous ne le considérez pas comme il le mérite. Or, ces dernières décennies, les salaires des gens qui travaillent ont diminué, proportionnellement au coût de la vie. Alors, au lieu de dire “Indignez-vous !”, certaines personnes feraient mieux de se taire et de ne pas brasser des idées dangereuses. Dire “Indignez-vous !” à des gens qui souffrent, c’est facile donc pitoyable. Leur dire : “Battez-vous positivement !” me semble autrement plus constructif, utile pour eux et courageux. Proposer des solutions responsables aussi, comme par exemple donner à chaque Français 2 000 euros au début de l’année en échange du fait que les 2 000 premiers euros de soins annuels ne seraient plus remboursés par la sécurité sociale. Je suis certain que lorsqu’on fait confiance aux Français, ils savent et peuvent se manager correctement.
Comment jugez-vous les travaux de Nicolas Baverez (La France qui tombe, Après le déluge, Réveillez-vous), Jacques Marseille (La guerre des deux France : celle qui avance et celle qui freine), Jean-Philippe Delsol et Jacques Garello (Au risque de la liberté) ? En quoi le vôtre est-il complémentaire sur le fond mais aussi sur la forme ?
Tous les travaux que vous citez vont dans le même sens, avertissent que la France et les Français vont dans le mur s’ils continuent comme cela. Je regrette juste que ces auteurs ne se focalisent pas assez sur la motivation individuelle, sur la nécessité de cesser d’infantiliser l’être humain. C’est la priorité des priorités car je l’identifie comme la première raison du mal français. Donc, pour résumer, les auteurs que vous citez et moi-même convergeons au niveau de la pensée, mais pas en terme de priorité. Le schéma idéal, ce serait d’aller prendre ce qui marche ailleurs et de se demander pourquoi, en Suisse, le coût du salaire de ses employés est de 1,3 pour l’entrepreneur, contre 1,78 pour la France. L’objectif est de diminuer ces charges afin que les gains aillent aux salariés, pas aux entreprises. Nous méprisons nos salariés en ne les payant pas assez à cause de telles charges. Le pompiste chez qui je me servais a arrêté de travailler parce que son voisin sans activité faisait juste 200 euros de moins chaque mois avec toutes les aides, le chômage, etc. Il faut donc augmenter drastiquement les salaires et limiter les aides. Ou alors, il ne faut plus s’étonner que la société française soit à l’image de son organisation. Un outil qui déresponsabilise crée des assistés.
“Je suis certain que lorsqu’on fait confiance aux Français, ils savent et peuvent se manager correctement.”
Finalement, êtes-vous un ultra-libéral comme certains pourront vous accuser ?
Je regrette tout d’abord que la bien-pensance ait pour habitude de juger qu’hors de ce qu’elle s’imagine être un consensus, il n’y a point de salut républicain. Je pense que l’État doit se limiter à sa mission régalienne et s’occuper des quelques % de la population vraiment dans la m…. Les 90% restants doivent se débrouiller et prendre des risques. Je ne dis pas qu’il faut tout changer du jour au lendemain sans amortisseur, ce ne serait pas humaniste. Mais trouvez-vous normal de faire marcher la CMU après un trekking au Népal ? De bénéficier de la sécu après s’être cassé une jambe sur une piste de ski alors qu’une assurance privée pourrait s’en charger ? L’assurance nationale est là pour le minimum et le quotidien, pas pour le confort de certains. Et pendant ce temps-là, des parents qui ont besoin d’acheter un chariot pour leur enfant handicapé ne le peuvent pas… J’ai donc regretté, comme beaucoup de Français, que la campagne électorale de la dernière présidentielle n’offre aucune vision à long terme.
Vous écrivez avoir noté tout au long de votre carrière que chacun est bien plus capable qu’il ne l’imagine lui-même. Responsabiliser n’aurait donc pas qu’un intérêt pour la société… ?
Oui, responsabiliser présente un intérêt pour les individus, ce dès leur plus jeune âge. Tout se joue dans l’éducation. Par exemple, je ne comprends pas qu’on corrige les devoirs à la faute. Ne trouvez pas plus constructif de savoir ce que le jeune sait plutôt que de s’appesantir sur ce qu’il ne sait pas ? Faire 40 fautes à la première dictée, puis 20 à la seconde sera toujours sanctionné par un zéro alors que le progrès aura été réel. Pourquoi pas, également, des devoirs à faire puis à refaire jusqu’à ce que le jeune arrive à 0 faute ? Tant de jeunes ont des capacités mais l’ignorent eux-même ou en doutent !
Le principe de la réforme, OK. Mais avez-vous bien sous-pesé toutes vos propositions ? Par exemple, quand vous faites l’apologie de l’autoentreprenariat, vous n’ignorez pas la précarité de ce statut…
Il ne s’agit pas de tout faire du jour au lendemain, juste de regarder ce qui marche ailleurs et si c’est possible de l’adapter. De comprendre aussi, par exemple, que si nous travaillons plus, le pays s’enrichira et ses travailleurs aussi. Les 9 semaines de congés payés annuelles en banque ne sont plus possibles. Pourquoi ne pas proposer aux Français de travailler deux semaines de plus ? Dans ma société, je suis prêt à redistribuer tous les gains supplémentaires enregistrés durant ces 15 jours à condition que l’État supprime les charges sociales sur cette période. Je pense aussi aux 35 heures : pour aider les jeunes à gagner davantage leur vie, pourquoi ne pas leur proposer de travailler 45 heures au début de leur carrière ? Et s’ils le souhaitent, ils pourraient travailler 25 heures à la fin, lorsqu’ils auront moins besoin d’argent et quand la fatigue se fera plus sentir… afin d’atteindre la moyenne de 35 heures, mais sur une vie. Pour comprendre tout cela, il faudrait que les hommes politiques au pouvoir cessent de s’entourer seulement de chefs de grandes entreprises dont les bénéfices proviennent de leur activité à l’international. Ils oublient trop souvent que ce sont les PME qui embauchent le plus…
“Nos hommes politiques au pouvoir doivent cesser de s’entourer seulement de chefs de grandes entreprises dont les bénéfices proviennent de leur activité à l’international.”
Un jeune de 25 ans, vous lui conseillez de rester se battre ou de partir de France ?
En lisant les deux articles que vous m’avez indiqués (cf. les liens supra) avant notre entretien – qui semblent pourtant antagonistes, je trouve quelques convergences qui sont totalement occultées par les titres. Nul ne nie les maux de la société française. Toutefois, l’approche « battez-vous » de François-Xavier Bellamy est courageuse. Mais est-elle suffisante ? L’approche « barrez-vous » de Félix Marquardt, Mokless et Mouloud Achour est terriblement réaliste, mais en lisant de plus près, elle est positive car l’auteur ne préconise pas une émigration définitive, simplement des allers-retours (« partez-revenez ») permettant de s’imprégner d’idées nouvelles qui seraient très utiles en France.
Ne vous indignez pas, nous l’avons tous cherché ! | sur Facebook | sur Twitter
Lire aussi :
> L’action plutôt que l’indignation
10 Comments
Comments are closed.