Tribune libre de Christian Vanneste*
Plus dure est la chute, lorsque l’illusion sur laquelle on a bâti son succès se dissipe. François Hollande avait promis de « réenchanter le rêve français ». Voilà que le baromètre du JDD donne 11 points de moins pour Hollande, 7 pour Ayrault. Il faut remonter aux accords d’Évian pour que des sondages fassent apparaître une telle perte de confiance des Français en ceux qui les gouvernent. L’explication en est simple. Les Français ont zappé en mai-juin parce qu’ils ont estimé à juste titre que le bilan des sortants était insuffisant avec un taux de chômage prés du double de celui des Pays-Bas dont le Premier ministre libéral a conduit son parti à la victoire législative. Ils ont comme toujours au début d’un mandat fait preuve d’optimisme et, cette fois, placé quelques espoirs dans un attelage qui semblait fonctionner avec un Président plus « normal » que son prédécesseur. Quatre mois plus tard, les Français sont désenchantés et chaque jour fracasse le rêve sous le marteau du principe de réalité.
Premier handicap : c’est la première fois que la gauche arrive au pouvoir dans un contexte économique défavorable. Elle avait par trois fois laissé les vaches maigres et les mesures difficiles et réparatrices à la droite : 73-81/86-88/93-97 pour se réserver les périodes de croissance mondiale qui lui permettaient d’augmenter les dépenses alors qu’elles auraient dû lui rendre possible de résorber la dette. On se souvient de la décision la plus stupide de toute la Ve République, la dissolution de 1997, et de la cagnotte budgétaire créée par les rentrées fiscales inattendues que se disputaient les ministres du Gouvernement Jospin en 2000 alors que la dette de la France était déjà proche des 60%. C’est donc la première fois que la gauche se trouve dans l’impossibilité de tenir ses promesses démagogiques de la campagne dont l’absurde diminution du temps de travail à 35 heures demeure l’exemple le plus achevé. Les Français prennent le Pouvoir en flagrant délit de mensonge.
Deuxième obstacle : le mur de la réalité que le détenteur du ministère de l’improbable redressement productif se plaît plus ou moins volontairement à mettre en évidence. D’abord parce que le Gouvernement n’a pas les moyens de maintenir un site industriel dont les produits ne se vendent pas. Ensuite, parce qu’effectivement l’avenir de notre pays et celui de l’énergie nucléaire sont étroitement liés. La gauche extrême et les Verts peuvent rêver d’une économie soviétique ou de la décroissance. La réalité rappelle que nos automobiles fabriquées en France se vendent moins que d’autres, qu’il est idiot de favoriser les énergies renouvelables tant qu’elles nécessitent l’importation du matériel, qu’il est criminel de parler de décroissance avec le chômage actuel. Enfin, personne ne croit que les vielles recettes des emplois financés par l’argent public pourront apporter une solution au problème prioritaire qui est celui de notre compétitivité et du coût du travail alourdi par le financement injuste et inefficace de la protection sociale.
Troisième difficulté : la confusion de la parole majoritaire n’a rien arrangé. Il ne s’agit pas des sons disparates qu’on peut entendre avant un concert. Celui-ci est commencé et les violons ne sont toujours pas accordés. Il y a d’abord la faille qui sépare les réalistes, les pragmatiques des idéologues, M. Valls qui sait revêtir son uniforme de « flic » et Mme Taubira figée dans l’angélisme atavique de la gauche ou les 75 députés mobilisés pour le vote des étrangers plutôt que pour le travail des Français. Il y a ensuite la fracture européenne entre ceux qui acceptent la discipline et la rigueur et ceux qui s’opposent à la ratification du traité européen. Il y a enfin les solos discordants des « ego », lorsque Mélenchon passe du « capitaine de pédalo » à « l’équipe de manchots », que Cohn-Bendit part en claquant la porte, que Les Échos révèle dans le gouvernement une volière où fusent les noms d’oiseau ou que la guerre des concubines fait rage.
Quatrième ornière, et c’est la plus redoutable : les réformes idéologiques, comme le vote des étrangers ou le « mariage » entre personnes de même sexe, qui pouvaient passer pour d’habiles détournements d’attention, vont aviver les déchirures nationales et accentuer le sentiment chez beaucoup de nos compatriotes que le Président et son gouvernement ne se consacrent pas à l’essentiel, la situation économique, financière et sociale de la France. Ils sont nombreux déjà à s’apercevoir que dans un pays déjà champion de la dépense publique et des prélèvements obligatoires, on augmente plus les impôts qu’on ne diminue les dépenses, et que ce choix de la facilité ne touchera pas que les « gros » mais aussi les retraités, par exemple, ou les travailleurs indépendants. Notre insécurité fiscale, déjà pathologique, est accrue par l’arrivée d’une gauche qui, faisant peur à tout le monde, ne risque pas de créer cette confiance qui est l’ingrédient le plus indispensable à la santé d’une économie.
Les Français qui ont quitté Charybde s’effraient donc aujourd’hui de Scylla. Le premier, lorsqu’il n’est pas, lui aussi, trop occupé par ses querelles de carrières et d’ambitions, ses décomptes de parrainages et sa guéguerre de succession, se frotte déjà les mains. Dans deux ans, ce sera la reconquête, avec la prise de villes, comme en 1983 ou en 2001. Les Français sont donc prévenus : ce n’est pas le Bien commun qui mobilise l’opposition mais l’appétit du pouvoir. Dans cinq ans, les chefs de l’opposition actuelle vont-ils avoir le courage de revenir sur les réformes sociétales ? Bien sûr que non : pas plus que leurs cousins du Partido Popular ! Vont-ils avoir le courage de faire les réformes structurelles qu’ils n’ont pas osé faire durant dix ans alors qu’elles ont porté leurs fruits, par exemple dans les pays du nord de l’Europe (retraite, financement de la protection sociale, coût du travail, etc..) ? Pour certaines, ce sera trop tard ! Car l’énergie communicative de Sarkozy n’est plus là pour masquer les échecs et les renoncements : dans le domaine même où s’est le plus marquée sa différence, la sécurité, les règlements de compte quotidiens liés aux trafics montrent que ni la drogue, ni les armes, ni la violence n’ont été efficacement combattues.
Pour ne pas verser dans un pessimisme absolu, il me paraît essentiel que les Français évitent, à la fois Charybde et Scylla quitte à faire comprendre au premier, c’est-à-dire à la droite, qu’il est temps qu’elle change !
*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.
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