Communiqué de la Fondation Lejeune
Le projet de loi dit de « bioéthique » a été présenté ce matin en conseil des ministres.
En moins de 15 ans, c’est la 5ème révision législative du cadre de la recherche sur l’embryon humain. Si les précédentes lois de bioéthique ont, au fur et à mesure, abandonné la protection de l’embryon humain, le projet de loi actuel franchit une nouvelle ligne rouge.
Sous couvert de « rénover le régime juridique qui s’applique aux cellules » et de « clarifier des termes […] intelligibles dans le contexte scientifique actuel »[1], le projet de loi bioéthique:
-dissocie l’embryon humain de ses cellules souches,
-supprime les principes majeurs interdisant la création d’embryons transgéniques et chimériques,
-ouvre la voie à l’expérimentation de l’utérus artificiel,
-valide la dérive éthique de créer artificiellement des gamètes,
-contourne le droit international interdisant la création d’embryons pour la recherche.[2]
Industrialiser l’humain
Le projet de loi bioéthique vient créer un régime de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) sans condition et soumis à simple déclaration (Article 14). Le texte normalise la recherche sur les CSEh en prétendant qu’elle ne pose aucun problème éthique. Mais les CSEh sont l’être même de l’embryon humain. Extraire des CSEh de l’embryon humain pour obtenir des lignées implique la destruction de celui-ci. Nier ce problème éthique c’est entretenir un mensonge pour mieux disposer des CSEh qui intéressent l’industrie pharmaceutique. Depuis 2017[3], les firmes pharmaceutiques sont engagées dans un processus d’industrialisation de CSEh à grande échelle, par la voie de la robotique. Le projet de loi engage la France dans cette voie de déshumanisation.
Consentir à la modification du patrimoine génétique de l’humanité
Le Gouvernement supprime deux interdits fondateurs du droit de la bioéthique français : l’interdit de créer des embryons chimériques et transgéniques. (Article 17) La voie est libre pour les chercheurs qui pourront créer des embryons chimériques animal-humain (par exemple, des embryons de porc dans lesquels seront insérées des CSEh). La création d’embryons transgéniques devient aussi possible. Les chercheurs pourront expérimenter en toute légalité la technique CRISPR-Cas9 et celle de la FIV à trois parents sur des embryons humains. Le mythe du bébé génétiquement modifié devient réalité. Avec le régime de recherches biomédicales en AMP issu de la loi santé de 2016[4], le cadre légal est prêt pour faire naître les bébés OGM.
Ouvrir la voie à l’expérimentation de l’utérus artificiel
Parce que la science a réussi à maintenir en culture des embryons humain in vitro jusqu’à 14 jours, le projet de loi autorise la conservation des embryons humains in vitro jusqu’à 14 jours (contre 7 actuellement). Témoin de la dérive scientiste des lois de bioéthique, cette disposition ouvre la voie à l’expérimentation de l’utérus artificiel puisque c’est entre le 6ème et le 7ème jour après la fécondation que survient l’implantation de l’embryon dans l’endomètre. En rendant légal ce qui est techniquement possible, le projet de loi bioéthique ouvre la porte au « no limit ».
Encourager les fantasmes reproductifs par la création de gamètes artificiels
Le Gouvernement légalise la création de gamètes artificiels à partir de CSEh et d’iPS (Articles 15 et 16). Comble de l’ironie, cette dérive éthique dénoncée par les promoteurs de la recherche sur l’embryon pour discréditer les iPS en tant qu’alternative aux CSEh est légalisée par le projet de loi. Comment ne pas voir que ces gamètes seront une aubaine pour le business procréatique en pénurie de gamètes ? Comment ne pas imaginer que les chercheurs ne créeront pas des embryons à partir de ces gamètes ? Enfin, avec la différentiation de cellules iPS (cellules créées à partir de cellules de peau par exemple) en gamètes, le Gouvernement permet l’ultime folie. De nouvelles techniques de reproduction pourraient alors être possibles.
Contourner l’interdit de créer des embryons pour la recherche
Créer des embryons transgéniques ou chimériques ou encore des gamètes artificiels sont autant de manipulations qui contournent l’interdit absolu posé par le droit français[5] et international[6] de créer des embryons pour la recherche. Ce contournement est triple car le Gouvernement prévoit aussi de légaliser la création d’agrégats de cellules souches avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires (Articles 15 et 16). Il s’agit de créer des modèles embryonnaires pour la recherche. Le développement de ces entités est identique à celui des embryons humains. Le principe de précaution exige de leur accorder la même protection.
Ce projet de loi engage la France dans une voie nouvelle où tout devient possible.
Jean-Marie Le Méné, Président de la Fondation Jérôme Lejeune, dénonce « un projet de loi signé qui sert les intérêts de l’industrie pharmaceutique et le business procréatique. Le Gouvernement fait entrer l’homme dans l’ère de l’industrialisation de l’humain et de la modification du génome de l’humanité. Un saut dans le vide, dissimulé par la médiatisation de la « PMA pour toutes ». A l’heure de l’ultra sensibilisation à la cause animale, comment peut-on abandonner l’espèce humaine à de telles manipulations inutiles au progrès de la médecine ?»
Ces enjeux majeurs et techniques méritent un décryptage. La Fondation Jérôme Lejeune, experte sur le sujet depuis le début des lois de bioéthique, publiera, au mois de septembre, un rapport intitulé « L’embryon humain à l’épreuve de la révision de la loi de bioéthique » pour exposer les problématiques scientifique, juridique et éthique de ce projet de loi.
[1] Exposé des motifs
[2] Article 18 de la Convention d’Oviedo
[3] Décision du 13 juillet 2017 portant autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines en application des dispositions de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique (annule et remplace la décision de la directrice générale de l’Agence de la biomédecine en date du 23 juin 2013)
[4] Article L 2151-5 V du code de la santé publique
[5] Alinéa 1er de l’article L 2151-2 du code de la santé publique
[6] Article 18 de la Convention d’Oviedo