La polémique née d’un « tweet » de Nadine Morano à l’encontre de Sibeth Ndiaye n’est pas anecdotique. Par plusieurs aspects, elle est au contraire essentielle. D’abord, elle révèle la stratégie du pouvoir actuel, son orientation et son mode d’action privilégié. La porte-parole gouvernementale n’a pas été choisie par hasard : sa nationalité récente, son style vestimentaire, son registre lexical, ont été délibérément choisis pour heurter, pour choquer, pour provoquer. Le but est toujours le même : susciter des réactions qui seront ensuite stigmatisées parce qu’elles seront qualifiées de racistes. Le simple bon sens de n’importe quel citoyen français lui suggère qu’une personne chargée de synthétiser un conseil des ministres doit être représentative de celui-ci, et en fait, de la France. Mme Ddiaye ne l’est évidemment pas, et ne cherche pas à l’être. Bien au contraire. La critique de ses tenues est parfaitement légitime. Celle de son expression ne l’est pas moins. Cette Franco-sénégalaise est issue de l’oligarchie de son pays d’origine. On doit y être davantage habitué au homard qu’au kebab. Le choix du « kebab » pour illustrer la nourriture de base du Français n’est donc pas la signature d’une appartenance communautaire, mais une manoeuvre pour dresser deux France l’une contre l’autre : celle de l’avenir, jeune, ouverte, issue de plus en plus de l’immigration et celle du passé qu’on titille ainsi pour qu’elle réagisse, ce que Nadine Morano n’a pas manqué de faire. Le piège a fonctionné : ceux qui n’aiment pas Sibeth Ndiaye ne la supportent pas parce qu’elle est noire. Ils sont racistes et en fait se situent dans l’un des deux camps qui doivent résumer toute la politique nationale selon le pouvoir actuel : Macron ou Mme Le Pen. Par son tweet, Nadine Morano est dans le second ! La manière dont Sibeth N’diaye lui répond est pleine d’enseignements : cette fois le langage est soutenu, mais on y perçoit aussitôt les « tics » verbaux des militants antiracistes : la dévaluation de l’adversaire non par des arguments, mais par des associations dépréciatives, comme les heures sombres de l’histoire, les odeurs nauséabondes. Ici, ce sera la fange, la version châtiée de la boue ou de la merde. La porte-parole dit qu’il faut élever le débat. En l’occurrence, elle ne rehausse que son expression, mais abaisse du même coup le débat en se dévoilant militante de choc, ce qui n’est nullement son rôle.
Le terme de « fange » jeté à la figure de Nadine Morano est infiniment plus insultant que les propos de cette dernière à l’encontre de Mme Ndiaye. Le tweet de la députée européenne était entièrement justifié : les vêtements excentriques, notamment un pantalon façon « peau de tigre », y sont qualifiées de « tenues de cirque ». On ne voit pas ce que le mot « cirque » a de spécifique des « noirs », contrairement au « stéréotype » que l’intéressée a cru y déceler. « Stéréotype », encore un mot de militante jouant au psycho-sociologue, à la manière de Najat Vallaud-Belcacem, ce qui montre la continuité profonde du mandat actuel par rapport au précédent sur ces questions. Mme Morano n’évoque à aucun moment la couleur de la peau de Mme Ddiaye, mais uniquement le décalage entre le comportement et la fonction. Lorsque Griveaux avait pointé « ceux qui fument des clopes et roulent en diesel », la réprobation a été générale. On est donc en droit de penser que la pigmentation de Mme Ndiaye, loin de la desservir, lui servirait au contraire de caution pour franchir les limites de la bienséance. Cette bataille de dames s’est déroulée sur le terrain privilégié de la macronie : la communication. En ne quittant pas celui-ci, en s’attachant uniquement à la « forme », Mme Morano a manqué l’occasion de relever le débat.
Car, en second lieu, la polémique a fait apparaître le véritable problème qui est celui de la confusion entretenue avec succès par la gauche idéologique, toujours au pouvoir, au gouvernement comme dans les médias complices, entre race et culture. Il s’agit de faire passer toute défense de l’identité culturelle pour du racisme. Si la hiérarchie des hommes en fonction de leur couleur ou de la forme de leur boîte cranienne , c’est du racisme que rien de vient justifier, ni scientifiquement, ni moralement, en revanche l’idée que la culture d’une civilisation, d’une nation doive être préservée n’a rien à voir avec le racisme. Levi-Strauss que les antiracistes citent souvent avait précisé sa pensée dans une conférence à l’UNESCO en 1971 : il est légitime qu’une culture se protège pour persévérer dans son existence, afin de préserver la diversité, la richesse de l’humanité. Si la culture française disparaît, nous n’aurions plus rien à offrir aux autres. Gaston Kelman, dans « je suis noir, et je n’aime pas le manioc », avait illustré cette différence profonde entre la race et la culture. Noir, il était avant tout Français et Bourguignon. Il est à craindre que les antiracistes soient avant tout des antifrançais ! On aurait aimé que Nadine Morano le dise !
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