Il y a peu encore, aucun politicien français ne se disait de droite. Même ceux qui s’en revendiquaient rejetaient aussitôt le mot « conservateur », pourtant essentiel pour définir la droite. Une mauvaise habitude française, le sinistrisme, a fait glisser à plusieurs reprises les partis de gauche vers la droite dans l’hémicycle, comme si la disparition progressive des partis les plus à droite et la montée des partis de gauche correspondaient à un mouvement naturel, à la marche inéluctable du progrès. Un processus équivalent n’a pas eu lieu dans les pays anglo-saxons, et le royaume-Uni offre l’exemple d’un parti conservateur dont l’origine remonte à un groupe parlementaire du XVIIe siècle. Qu’il y ait une évolution des lois pour les adapter à celle de la société ne saurait être contestée. Il n’est pas sûr que ce soit toujours un progrès. Le vieillissement inéluctable et la mort ne peuvent être considérés comme des progrès. De même, certains « progrès » qui favorisent l’individualisme et l’anéantissement de la famille, avec ses conséquences démographiques et sociales, peuvent être vus de manière positive comme des conquêtes au profit des libertés individuelles, mais aussi comme un affaiblissement collectif qui conduit à la disparition d’une nation, voire d’une civilisation, qui sont l’une et l’autre, mortelles. Les lointains héritiers de Rome et de la Grèce ont des raisons plus solides que celles des Chinois de croire à un tel scénario.
Il y a trois manières de définir la droite. Soit elle ne correspond qu’à une situation conjoncturelle dans l’hémicycle des Assemblées. Soit elle est définie sur une base sociologique désignant les milieux sociaux les plus favorisés, les communes et les régions les plus conservatrices, celles notamment en France où la pratique religieuse, catholique en l’occurrence, est la plus forte. Il y en a une troisième, moins fréquente qui, loin de considérer cette distinction comme relative, et même en voie de disparition, en fait un principe métapolitique constant. Sur quel fondement reposerait-il ? Sur l’opposition pertinente entre la vie et la mort. Être de droite, c’est se battre pour que perdure ce qui peut dépasser la vie des individus et transcender leur disparition. C’est ainsi qu’on peut opposer par exemple la politique culturelle d’André Malraux à celle de Jack Lang. Le ministre du Général de Gaulle, tout en ayant eu un premier parcours politique à gauche, lorsqu’il soutint les républicains espagnols, a développé une conception de la politique culturelle qui est de droite, car elle elle met au premier rang la mission « de rendre accessible les oeuvres capitales de l’humanité et d’abord de la France au plus grand nombre possible de français » . Tout y est : la conservation et la transmission, la pédagogie, mais aussi l’idée que tout ne se vaut pas, qu’il y a une hiérarchie en art, et et enfin le rôle primordial accordé à la France et aux Français. Avec Jack lang, ce sera l’inverse : la priorité sera donnée à l’événementiel, au divertissement sans frontière ni degré. La Fête de la musique et la célébration de la culture « hip-hop » résument le caractère démagogique et décadent du propos. Les 21 Juin du président Macron le situent clairement à gauche : l’année dernière, il accueillait un groupe de danseurs noirs et homosexuels, donc « engagés » (?) qui se sont agités au son d’un bruit qui se croyait sans doute de la musique et avec des paroles d’une vulgarité salace, évidemment indignes du lieu. Cette année, il remettra la Légion d’honneur à Elton Jones, chanteur britannique, homosexuel, dont on se demande bien quel service il a rendu à la France. Retour du refoulé, nouvelle insulte à son pays, maintenant que les élections européennes lui font croire qu’il est tiré d’affaire ?
Ces soirées élyséennes sont celles d’un orchestre ( même plus, d’ailleurs) qui joue sur le Titanic en train de couler. Sur le pont supérieur, on ne perçoit pas encore la catastrophe. L’industrie française se disloque, le déficit du commerce extérieur s’accroît, mais les médias courtisans continuent à mettre en valeur des succès microscopiques, quand de manière continue la France recule dans tous les classements, perd de sa souveraineté, et subit un changement de population sans précédent. Plus on descend en s’approchant des machines, plus la menace est ressentie. C’est ce qui fait que la sociologie et l’idéologie divorcent. Le progressisme aveugle des classes les plus aisées, des urbains que la mondialisation favorise ou n’effraie pas parce qu’ils sont à l’abri, s’oppose au conservatisme et à l’attachement à la nation protectrice des Français « périphériques » inquiets pour leur avenir et qui vivent mal leur présent.
Reste la question paradoxale du libéralisme. Si l’on excepte la confusion entre liberté et libération des moeurs propre à la gauche qui règne à l’Elysée, le peuple des gilets jaunes et plus généralement les opposants se rendent compte que le pouvoir actuel n’est pas libéral, qu’il réprime les manifestations au-delà du nécessaire, et cherche à étouffer la liberté d’expression. Ces libertés doivent être revendiquées par la droite parce qu’elles sont vitales pour le dynamisme et la dignité d’un peuple. L’ordre doit être dans les esprits par le consensus sur des valeurs communes et non dans la rue par la répression. Quant au libéralisme économique, il ne doit être inscrit dans la philosophie politique de la droite que dans la mesure où il n’est pas un mécanisme aveugle. Propriété privée, initiative individuelle, lois du marché et concurrence y compris monétaire doivent être limitées par les deux autres impératifs de droite : l’intérêt national et la conservation des valeurs inséparables de la dignité humaine. Le mondialisme social-démocrate de Macron, avec sa dépense publique excessive et ses frontières ouvertes, est en tous points opposé à cette trilogie droitière du patriotisme, du conservatisme et du libéralisme.