Ces deux affaires n’ont, en apparence, rien à voir. La première concerne un jeune tétraplégique qui doit rester au lit suite à un accident. Le Conseil d’État doit trancher sur son cas ce mardi : faut-il maintenir le traitement médical de cette personne handicapée ? La seconde concerne un médecin, le docteur Bonnemaison, qui est soupçonné d’avoir empoisonné plusieurs malades. Pourtant, ces deux affaires ont en commun l’euthanasie. En effet, la première porte sur le cas de la personne concernée tandis que la seconde porte sur l’intention du médecin mis en cause. Hélas ! il y a des dommages collatéraux : les familles se divisent ainsi que la société entre pro et anti euthanasie.
L’affaire Lambert
Vincent Lambert est un handicapé qui ne peut plus bouger et doit rester alité suite à un grave accident. Il est nourri par une perfusion. N’en pouvant plus, sa femme avait demandé l’arrêt de son traitement médical pour ne plus faire souffrir son mari, voyant dans la situation actuelle de l’acharnement thérapeutique. Ses beaux-parents s’y sont opposés rappelant que leur fils n’est pas malade mais bien handicapé : pourquoi se permettrait-on de dire qu’un handicapé ne pourrait pas vivre ? De fait, plusieurs recours ont déjà eu lieu. Ils ont tous été rejeté au motif que Vincent Lambert ne correspondait pas aux “critères” du suicide assisté. Cette affaire est reportée devant le Conseil d’État qui doit trancher ce mardi sur la question. Cette affaire pose le problème de l’interprétation de la loi Leonetti votée à l’unanimité en 2005.
Pour prendre une décision, il faut comprendre la position de chacun des deux camps qui s’opposent sur l’arrêt du traitement médical de Vincent Lambert. Sa femme y est pour car elle souffre beaucoup de la situation. Chacun entendra qu’il est très difficile pour elle de ne pas voir son mari se lever et vivre avec elle comme les autres maris. Sa situation est donc délicate à traiter. Ses parents sont contre parce que l’état de leur fils est différent des malades. Il est handicapé, ce qui complique la donne face à la loi Leonetti. Deux questions philosophiques se posent: 1) Vincent Lambert est-il conscient ? 2) Le handicap vaut-il le même traitement que la maladie ? Selon les témoignages, la réponse à la première question est affirmative. Il répondrait aux interpellations par les larmes et entendraient ce que les autres disent. Donc, il n’est pas en phase terminale de la fin de vie.
Puis, nous nous interrogerons sur la nature du traitement qui maintient en vie le jeune tétraplégique. Vincent Lambert est nourri par une sonde électronique. Analysons la situation. Il faut ici distinguer l’acte de nourrir et le moyen qui nourrit la personne. L’acte de nourrir est pratiqué par tout le monde pour vivre. Donc, Vincent Lambert a le droit de manger et de boire, ce qui est primordial pour la vie de tout homme. Si l’on considère cela comme un traitement médical, alors la prochaine fois nous ferons nos courses avec notre Carte Vitale. Enfin, il faut se demander si c’est l’État qui peut donner le droit de vie ou de mort à ses citoyens. Avec ce procédé, la porte à tous les abus est ouverte. Non ! L’État n’a aucun droit sur ses citoyens car nous devons laisser faire la nature, malgré les accidents de la vie. Rappelons que ce sont les nazis qui ont mis au point l’euthanasie dans le programme Aktion T4 pour éliminer ceux qu’ils appelaient “les indésirables”. Chaque homme et chaque femme est digne de vivre et ce droit ne peut être aliéné.
L’affaire du docteur Bonnemaison
Le docteur Bonnemaison est jugé pour avoir empoisonné sept malades. Les familles sont aussi déchirées sur le sujet. Certains membres le soutiennent. C’est le cas d’une veuve d’un malade interrogée par BFM TV. Son argumentation ressemble à celle de la femme de Vincent Lambert. Mais, on peut lui répondre que le mariage est fait “pour le meilleur et pour le pire”. Donc, malgré les difficultés, l’homme et la femme mariés sont ensembles jusqu’à ce que la mort les sépare. Hélas ! Je n’ai pas trouvé d’autres interviews des personnes qui étaient contre la mort de leur proche. Nous ne sommes pas non plus au courant de l’opinion des malades empoisonnés.
Dans cette affaire, la question est double. D’une part, l’intention de l’auteur de la mort est floue. Pourquoi les a-t-ils empoisonnés ? D’autre part, la notion de la mort elle-même est ambiguë. M. Kouchner, ancien ministre de la Santé a lui même affirmé que le médecin n’avait pas l’intention de commettre un homicide délibéré mais au contraire d’abréger la souffrance des malades. Pourtant, si le vocabulaire est correctement utilisé, alors tuer des personnes est déjà commettre un meurtre, quelle que soit l’intention du médecin. Je l’ai déjà dit : avec cette raison, la porte a tous les abus est ouverte.
Conclusion
Ces deux affaires sont intéressantes dans le sens où elles montrent toutes le facettes de l’euthanasie : le plan humain (chez le médecin et le malade) et le plan juridique (loi Leonetti). Hélas ! Leur dénouement est rapide. Le 20 juin dernier, le rapporteur du Conseil d’État préconisait la mort pour Vincent Lambert affirmant que le traitement médical était un acharnement thérapeutique contre le malade. Mais nous venons de démontrer que ce n’était pas le cas. A l’Assemblée nationale, le député PS, Olivier Falorni, a posé une question au ministre de la Santé et des Affaires Sociales Marisol Touraine en s’appuyant sur l’affaire Bonnemaison, demandant au Gouvernement de légiférer en faveur de l’euthanasie. Nul de doute que nos adversaires mettront à leur crédit ces deux sujets d’actualité.
9 Comments
Comments are closed.