Dans notre pays, en Europe de manière générale, et dans une grande partie du monde occidental, une sorte d’aveuglement entretient le fantasme d’une extrême-droite fascisante et minimise la réalité d’une extrême-gauche dont la violence semble surprendre des médias. La majorité des journalistes français vote à gauche et a été formée dans des écoles de sciences politiques et de journalisme dont l’enseignement est dominé par la pensée gauchiste. Celle-ci affiche avec une prétention de plus en plus ridicule une idéologie camouflée en pseudo-savoir par le biais de quelques sciences molles évidemment expurgées des auteurs qui ne sont pas dans la ligne. Certes le journal Libération, par exemple, penche désormais du côté de ses financeurs, mais entre les maoïstes d’après 68 et les libertaires d’aujourd’hui, il n’y a que l’âge et la fortune qui ont changé. Leur marque de fabrique est celle du fondateur : ils préfèrent toujours avoir tort avec Sartre qu’avoir raison avec Raymond Aron. On est toujours étonné que des gens qui se croient intelligents lisent un journal qui annonçait en 1975 Sept jours de Fête à Phnom-Penh pour la libération de la ville par les Khmers rouges, prélude à un génocide qui fut l’un des plus importants de l’histoire au regard de la population. L’hallucination idéologique disqualifie le journalisme.
Les libertaires sont plus à l’aise avec la révolution sociétale qu’avec la révolution sociale. Tant de prolétaires votent maintenant à droite qu’il devient décourageant de se préoccuper de leur sort. La logique marxiste de la lutte des classes s’est donc déplacée. Elle a perdu sa dimension de loi historique pour se réduire à un mécanisme de pensée. Dans une société où l’industrie compte moins, la classe ouvrière ne montera pas au paradis du pouvoir. Mais, le squelette de cette pensée est toujours au fond de la classe et il suffit de l’habiller. Il y a toujours une lutte des dominés et des dominants. La marche de l’histoire consiste donc à soutenir les dominés afin de leur permettre de prendre tout ou partie du pouvoir des dominants : les étrangers de situation ou d’origine contre les nationaux « de souche », les « blacks » contre les Gaulois, les « homos » contre les « homophobes », les femmes contre les « machos », les vélos contre les voitures, sans oublier les musulmans modérés contre les islamophobes. La liste n’est pas très cohérente. Certains « dominés » correspondent à des groupes nettement dominants, comme LGBT, difficilement conciliable avec les fidèles du Coran, mais le principe est le même. Il accorde l’élégance révolutionnaire avec la distinction de classe : l’ennemi honni, c’est le populisme assimilé à l’extrême-droite.
Cette attitude obsessionnelle empêche de voir la réalité. Un mauvais sort fait perdurer les images du passé et interdit de comprendre l’évolution. Celle-ci est pourtant claire : l’extrême-droite se développe en même temps qu’elle s’assagit dans de nombreux pays européens parce qu’elle répond au souhait très légitime de préserver une identité culturelle qui est objectivement menacée. Elle est devenue plus crédible dans ses propositions et ses démarches. Son succès relatif se construit le plus souvent sur le vide de la « droite » classique. Les élections présidentielles autrichiennes correspondent à cette évolution. Il serait difficile de faire passer Norbert Hofer pour un homme dangereux. Néanmoins, Libération annonçait un « tsunami » de l’extrême-droite au premier tour. Un « tsunami », c’est-à-dire une catastrophe ! Et désormais, il s’agit de lui faire barrage.
En revanche, il est toujours aussi difficile de reconnaître le vrai visage de l’extrême-gauche, irresponsable politiquement comme en Grèce, ou souvent adepte des discours et des pratiques imputés aux « fascistes ». Ainsi, Libération a largement accordé la parole à M. Sopo. A propos de la campagne légitime menée contre la présence du rappeur Black Mesrimes à la commémoration de Verdun, le président de SOS-Racisme a tenu des propos qui, pour le coup, « sentent » leur avant-guerre. La haine de l’adversaire se veut olfactive et médicale. L’autre sent mauvais et c’est un malade : les deux totalitarismes en un, le brun et le rouge ! « L’air empeste », « l’égout frontiste », « fièvre hystérique », « fulgurante, l’affection fasciste », « la haine endémique ». L’amalgame est pratiqué à hautes doses : ce sont les « héritiers de la collaboration », « dressés comme une seule croix gammée ». Le pauvre Hervé Mariton, opposant au concert du rappeur a beau être « républicain » et juif, il est dans la « meute ». Quant au rappeur, il a été pardonné par LGBT alors que la « Manif Pour Tous » est, elle, homophobe. Comment un journal « sérieux » pourrait-il accorder pareille place à un tel déluge de mauvaise foi et de haine ? Mais, Libération sait être à l’écoute, à l’écoute des « casseurs » par exemple. Ces « antifas », avec ce nom, ne peuvent être entièrement mauvais. Certes ils agressent les policiers à l’acide, au pavé, à la barre de fer et à l’engin incendiaire, mais ils sont, comme le rappelle un article, « pacifiques et violents ». Les citations recueillies éveillent la compréhension : ce n’est pas bien, mais c’est tellement compréhensible. « Quand on voit des camarades se faire ouvrir le crâne à coups de matraque »… « Comment ne pas avoir envie de tout casser quand on est jeune dans notre société ? » La nostalgie des jeunes bourgeois favorisés de 1968 réapparaît, notamment chez ceux qui, bedonnants, sont devenus des hiérarques de la politique, de la presse ou des affaires, pleins de tendresse pour leurs « héritiers », comme dirait Bourdieu : ce sont les mêmes, pas très malins, à l’esprit déformé par une empreinte idéologique puissante dans notre enseignement, et qui prennent leurs slogans et leurs réflexes pour des idées.
La présence et la place du gauchisme en France sont une insulte à l’intelligence du pays.
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