« Dissuader, empêcher, punir »… Le ton est martial. L’heure est grave : il y a 500 « Français » au moins qui se battent au sein des groupes islamistes les plus fanatiques en Syrie. Une nouvelle fois, le Président prend des mesures, annonce un plan pour répondre à une crise… Bon, c’est quand même curieux ce réveil présidentiel tardif sur tous les sujets, comme si pendant près de deux ans une sorte de torpeur l’avait paralysé. La présence de djihadistes originaires de France sur les différents terrains d’opération n’est pas un phénomène nouveau. Qu’il y ait des convertis parmi eux n’est pas une surprise. Déjà en Bosnie, déjà Merah, et maintenant ces geôliers de nos otages qui parlent français… On peut s’interroger sur la lenteur de la réponse. On peut aussi penser que l’ « arsenal » annoncé ait l’efficacité d’un verre d’eau sur un incendie. Comment peut-on réunir tous les ingrédients d’une crise, s’étonner qu’elle se produise et tenter de la circonscrire avec les moyens classiques du socialisme, sans être idiot ou totalement hypocrite ?
Les ingrédients ne sont pas le chômage des jeunes, l’islam fondamentaliste présent dans certaines mosquées, la fragilité psychologique de quelques-uns. La maladie dont ce phénomène n’est qu’un symptôme quantitativement limité est beaucoup plus profonde. Albert Camus écrivait dans les premières pages du Mythe de Sisyphe : « Beaucoup de gens meurent parce qu’ils estiment que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue. J’en vois d’autres qui se font paradoxalement tuer pour les idées ou les illusions qui leur donnent une raison de vivre. » L’idée que l’on puisse avoir une raison de vivre et donc de mourir, un idéal, si je puis m’autoriser ce gros mot, est tellement absente de la mentalité dominante qu’on cherche à la tentation djihadiste des causes techniques, comme internet, psychologiques, la fragilité et donc la plus grande sensibilité aux messages du Web, ou carrément pathologiques, qu’il convient de soigner. Le bon sens devrait cependant nous suggérer que la jeunesse est un capital d’énergie qui ne demande qu’à se libérer. Les formes de cette libération sont diverses : elle peut trouver son chemin dans le travail ou le sport et dans l’accomplissement personnel qui en résulte. Elle peut se réaliser dans la vie sentimentale. Elle pouvait aussi viser des objectifs plus collectifs. Robert Galley me disait un jour : « L’appel du 18 Juin, je ne l’ai pas entendu, j’étais déjà sur la route. » Il avait dix-neuf ans. Il fut compagnon de la Libération, ministre du Général, député-maire de Troyes, mais il a d’abord été ce jeune homme qui n’acceptait pas la défaite, l’humiliation, le déshonneur de son pays. Il avait un idéal et l’âge où la vigueur nourrit un élan passionné pour le servir. Beaucoup de jeunes comme lui ne sont pas revenus, d’autres restés en France ont payé de leur vie leur résistance à l’occupant et au nazisme. La révolte devant l’inacceptable,mêlée sans doute au frémissement de l’aventure, a animé leur action. Beaucoup de patriotes, comme Hélie Denoix de Saint Marc, ont, à la suite ou non de la résistance, trouvé dans les guerres « coloniales », une nouvelle occasion de servir leur pays. Puis le vide s’est installé. Il est devenu suspect de trop aimer son pays, coupable d’avoir participé à des guerres réputées « sales ». Le pays, sa religion principale, sa culture se sont perdus dans cette brume où la notion même d’identité devient condamnable. J’ai toujours pensé que l’agitation stérile de Mai 68 et des histrions qui y ont trouvé le point de départ d’une carrière injustifiée, comme Cohn-Bendit, était le résultat quasi mécanique de la rencontre entre la génération du Baby-boom et le désert d’idéaux positifs qu’elle a trouvé. CRS-SS est sans doute le slogan le plus stupide de notre histoire, mais il révélait un manque et un besoin. Faute d’une culture de l’idéal national, sur la terre laissée en friche, les mauvaises herbes avaient poussé. Des jeunes Français admiraient, par exemple, Mao-Tsé-Toung, un tyran sanguinaire et rétrograde. Quelque années plus tard, les mêmes devenus journalistes célébraient la Victoire des Khmers Rouges, prélude à un génocide d’une ampleur inégalée. Ils ont malheureusement marqué de leur empreinte l’opinion politique.
Cette évolution mortelle pour notre pays perdure. Elle est même suscitée plus ou moins consciemment par le pouvoir. Son idéologie l’amène paradoxalement à refouler les valeurs nationales ou familiales, à traquer la préférence nationale et le déterminisme familial, tandis qu’elle met en valeur les communautés, le métissage culturel, la laïcité ouverte aux autres religions, même lorsqu’il s’agit de cultures qui n’ont aucune envie de se métisser ou de religions qui admettent fort peu la laïcité. Contre tout bon sens, sa conception de l’immigration et de son intégration fait de la première une richesse et de la seconde une adaptation de l’autochtone au nouvel arrivant. Sa politique internationale est confuse : contre les fondamentalistes en Afrique, elle les soutient objectivement en Syrie. Dans un grand élan de « jeunisme » et comme d’habitude à contre-temps, le gouvernement socialiste, dès Janvier 2013, a même supprimé l’autorisation parentale pour la sortie du territoire des mineurs. Il compte la rétablir aujourd’hui, mettre en place un numéro vert pour les familles inquiètes, créer des cellules pour « accompagner » les djihadistes sur le départ ou à leur retour. « Accompagner », c’est le grand mot de Big Mother qui va doter le service public à nouveau de quelques béquilles qui le rendent si faussement indispensable. Un Etat digne de ce nom a vocation à retrouver le rôle du Père : capable d’enseigner un idéal de vie à ses enfants, de les appeler à le servir durant un temps de leur vie, ce qu’on appelait le service national, et n’hésitant pas à sévir avec rigueur. Il est évident que celui qui se bat pour une cause étrangère et hostile doit perdre sa nationalité s’il en possède plusieurs, ou ses droits civiques s’il est uniquement Français.
Des jeunes Français ambitieux et créatifs quittent un pays prisonnier de son socialisme paralysant. D’autres, à l’inverse, cherchent l’exaltation de l’aventure et de l’idéal dans un engagement absurde. Dans les deux cas, la riposte ne doit pas être technique, mais politique. Libération économique, retour en force de la Communauté Nationale, fierté d’y participer par sa créativité ou son dévouement : telles sont les réponses à la mesure du problème. Cela exige une révolution, une révolution conservatrice !
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