Il apparaît difficile pour le parti de Marine le Pen de soutenir le Président sortant. Une chose est sûre : les haines sont tenaces en politique.
Pendant des années, le FN a été diabolisé. Voué aux gémonies par la gauche, suivie en cela par la droite parlementaire, le FN a gagné ses lettres d’infréquentablité. « Face à l’intolérance et à la haine, il n’y a pas de compromis possible, il n’y a pas de débat possible », affirmait Jacques Chirac entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2002. Après avoir tant diabolisé le Front national et ses soutiens, il ne faut pas s’étonner que ceux-ci soient rétifs à une alliance éventuelle, même officieuse, avec l’UMP qui les a si souvent toisés.
Il fut un temps, sous l’ère Chirac, où voter FN relevait de la quasi pathologie. Avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy, les perceptions ont quelque peu évolué. Conscient que le candidat de droite devait d’abord rassembler son camp, l’actuel Président avait, en 2007, tendu la main à ces électeurs en surfant sans complexes sur les thèmes privilégiés du Front national. Le résultat a été sans appel : une partie de l’électorat frontiste a été siphonné par la droite parlementaire. Ces brebis égarées avaient retrouvé la bergerie, l’UMP s’en félicitait, il ne fallait plus les mépriser.
Le Front national, en revanche, avait toujours droit au mépris émanant de la gauche et repris comme un écho par la droite. Dimanche soir, on a vu sur TF1 une droite gênée qui semblait marcher sur une corde raide. Il ne fallait pas faire alliance avec le Front national mais il ne fallait plus l’attaquer non plus. 19% des voix, ça se dorlote. Le FN est devenu un faiseur de rois potentiel : Jean-François Copé, excellant dans cet exercice, l’a très bien compris en appuyant sur l’immigration et le droit de vote des étrangers promus par les socialistes tout en prenant bien soin de ne pas égratigner le parti de Marine Le Pen. Nadine Morano, prenant le relais, semblait vouloir materner les électeurs qui ont voté Front national « parce qu’ils souffrent », prenant bien soin de distinguer les électeurs fréquentables de l’infréquentable parti pour lequel ils avaient voté. Les frontistes ne sont plus des pestiférés, le Front national si. Ce n’est pas la panacée mais il y a un mieux.
Une autre chose est sûre : les haines et les grands principes s’effacent vite devant les considérations électorales.
Malgré toute la confiance que l’on peut avoir dans les déclarations des hommes politiques, l’expérience démontre que la première ambition de ceux-ci est de se faire élire. Les grands principes viennent après. On se souvient du tohu-bohu provoqué par le Front national en 1998 lorsqu’il avait permis à la droite de gouverner les régions en lui apportant ses voix. La droite s’est alors divisée entre ceux qui estimaient qu’il leur fallait accepter ces voix (souvent ceux qui en avaient besoin) et ceux qui prétendaient qu’il fallait les rejeter. Cette dernière option a finalement prévalu, non sans laisser de profondes blessures au sein des partis de droite. Les élus UMP sont-il prêts à ne plus être élus au nom d’une question de principe ? Il y a peu de chances. La droite n’acceptera pas longtemps de perdre ses sièges au prix d’une morale imposée par le politiquement correct de gauche. L’UMP doit s’allier au FN pour conserver ses mandats et elle le sait.
Le problème aujourd’hui est l’intérêt du FN. Est-il de faire gagner la droite ou d’essayer de faire imploser l’UMP ?
On peut se poser la question. Au zénith de ses scores électoraux, le Front national est plus que jamais incontournable et il le sait. Le parti créé par Jean-Marie Le Pen peut avoir des élus aux législatives en cas d’accord avec l’UMP. Va-t-il prendre ce chemin et rentrer à l’Assemblée nationale ou va-t-il continuer sur la stratégie qui lui a été imposé de ne jamais faire d’alliance ? Si le FN fait alliance, il peut revenir au Palais Bourbon aux prochaines législatives. Toutefois le parti de Marine Le Pen peut considérer un autre intérêt à moyen terme, celui de faire imploser l’UMP. Il pourrait paraître préférable au parti frontiste de voir la droite parlementaire s’effriter afin d’en récupérer les morceaux. Stratégie solitaire, égoïste mais compréhensible au vu de la manière dont il a toujours été traité. Stratégie dangereuse pour l’intérêt de la France qui se remettra difficilement de 5 ans de socialisme, et même pour le FN qui n’a pas intérêt à voir les étrangers voter, une promesse de François Hollande. Intérêt du parti ou intérêt du pays ? Telle est la question.
Entre l’appel à l’abstention de 2007 et le « Pas une voix pour Mitterrand » de 1988, le FN va devoir choisir. Réponse le 1er mai prochain.
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