Que retenir de ces élections à Paris ?
Elle marque une poussée miraculeuse de l’UMP Paris, dont la mobilisation de l’électorat– on pourrait même parler de réveil civique – dû aux affaires « Sarkozy », au rejet viscéral du Gouvernement et certainement à la cristallisation provoquée par les Manifs pour Tous, a permis des résultats aussi significatifs. Non seulement le maire du 16ème arrondissement est réélu au premier tour, mais les maires des 1er, 6ème et 17ème arrondissements le sont également. Dans certains cas, une victoire au premier tour ne s’était pas vue depuis 1995 ! Le maire UMP sortant du 15ème, Philippe Goujon, manque de très peu sa réélection à cause d’une dissidence, mais la poussée est phénoménale : il réussit à distancer Anne Hidalgo, également candidate au fauteuil de maire de Paris, de 20 % ! La situation est identique dans le 7ème arrondissement. Enfin, dans le 4ème et le 9ème arrondissement de Paris, les candidats UMP sont en tête, certes de peu, et avec de faibles réserves, mais cette première position est significative. L’électorat de droite s’est bien mobilisé. Alors même que la droite parisienne reste fragilisée, on peut estimer que le contexte national, accompagné d’arrondissements bien tenus (qu’ils soient copéistes ou fillonistes, les maires UMP ont révélé une bonne implantation), mais aussi au fort attachement à la famille (faut-il rappeler qu’Anne Hidalgo, également candidate dans le 15ème, défendait la PMA pour les couples de lesbiennes ?). Soyons clairs : c’est un bon cru pour une UMP parisienne fragilisée !
Alors, une voie vers la reconquête de Paris ?
Il faut freiner certaines ardeurs car certains atouts sont également des défauts. La droite fait le plein de voix au 1er tour, mais les réserves apparaissent plus limitées au second, à la différence du PS qui, vraisemblablement, fusionnera avec les écologistes, dont les résultats sont tout aussi significatifs (il sont souvent qualifiés pour le second tour). Je pense notamment aux candidats UMP des 4ème et 9ème arrondissements de Paris : leur avance au premier tour peut être un trompe-l’œil. Quant à Philippe Goujon ou Rachida Dati, même s’ils rassemblent la plupart de leurs électeurs au 1er tour, ils restent très largement en avance sur leur compétiteur de gauche. La question sera de savoir sera de quelle ampleur sera la défaite d’Anne Hidalgo dans le 15ème arrondissement ? On peut s’acheminer vers une raclée. En revanche, l’effet NKM semble inexistant. La candidate est distancée dans le 14ème arrondissement et ne dispose pas de réserves (à l’exception des résultats de sa concurrente Marie-Claire Carrère-Gée, avec laquelle elle peut, théoriquement, fusionner). Petite anecdote qui démontre comment les ouvertures « sociétales » rapportent peu ou rien : dans certaines opérations de porte-à-porte, les militants NKM ont rencontré des électeurs de droite déçus par l’abstention de la candidate lors du débat sur le mariage pour tous…
Et le Paris libéré, c’est une déception ?
Très honnêtement, à part avoir le physique du quadra d’une série américaine, je ne vois pas ce que peut apporter Charles Beigbeder, parti en retard (comme NKM, d’ailleurs, qui a cru qu’un an de préparation commencé en février 2013 valait six ans de préparation ou pouvait imiter l’implantation de ses collègues UMP maires d’arrondissement). Certes, il s’en sort dans l’arrondissement où il s’est présenté et obtiendra peut-être un siège de conseiller de Paris. Quel a été son message ? Ses propositions relevant de la plus pure platitude. Il faut aussi constater que les différents candidats du label “Paris libéré” relèvent de situations différentes : La candidature de Géraldine Poirault-Gauvin, élue sortante en bisbille avec le maire du 15ème, celle de Serge Federbusch ou la déception que les états majors n’aient pas pris en compte un des pourfendeurs du système « Delanoë », celle du 20ème arrondissement qui obéit plus au désir d’une militante de se lancer dans une élection après avoir attendu pendant des années… Autant dire qu’il s’agit d’un label de mécontents regroupant les non-investis, les exclus ou les dissidents récurrents. Bref, autant de programmes et de situations différents réunis par un label commun. A priori, et sans surprise, les candidats Paris libéré devraient appeler à voter UMP.
“Je note que tous les maires d’arrondissement UMP élus ou en passe de l’être ont été sans équivoque sur leur soutien aux Manifs pour Tous.”
Justement, vous parlez de l’UMP Paris: or, ses récents comportements (divisions, etc.) ne semblent pas avoir encouragé le réveil des électeurs de droite…
Depuis 2010-2911, on assiste à la fragilisation de l’UMP Paris marquée par une opposition entre fillonistes et copéistes. Le coup de force des derniers a été de faire élire Pierre Charon aux sénatoriales, de paralyser le fonctionnement de la direction de la fédération par la mise en place d’une équipe collégiale. Après les élections tendues de 2010, les sénatoriales de la division de septembre 2011, autant d’éléments qui annonçaient la crise de novembre 2012 ! Il serait intéressant de noter que ce sont les tensions de l’UMP parisienne qui ont annoncé et anticipé la crise nationale d’un parti… Pourtant, l’UMP Paris s’en sort. Pour quelles raisons ? On peut souligner la bonne implantation de ses candidats (c’est le cas des maires sortants, mais aussi de ses élus d’opposition, comme dans le 4ème ou dans le 9ème arrondissement). C’est cette implantation qui manque précisément au FN. Je note que tous les maires d’arrondissement UMP élus ou en passe de l’être ont été sans équivoque sur leur soutien aux Manifs pour Tous. À méditer par tous ceux qui aimeraient que l’UMP louche davantage sur sa gauche sur les questions sociétales.
Justement, le FN ne semble pas avoir brillé par le charisme de son candidat et semble se tasser entre 4 et 7% des suffrages exprimés ?
Paris n’est pas une terre pour le FN et c’est de plus en plus flagrant. Certes, on peut se rassurer en disant qu’on double ses résultats par rapport à ceux de 2008, mais c’est un peu se rassurer comme on peut. Le FN ne prend pas à Paris, c’est un fait. Quelles sont les raisons ? Elles sont complexes, mais on peut penser que les conditions favorables à l’émergence d’un vote FN ne sont pas réunies : sociologie de classes moyennes, implantation des élus UMP, fidélité des électeurs catholiques à leurs maires d’arrondissement UMP, etc. À cela peuvent s’ajouter des éléments plus circonstanciels : inaptitude du candidat FN à Paris, faible présence sur le terrain ou opérations militantes plus limitées, etc. Le FN manque encore de cadres et ses candidats, souvent nouveaux, doivent encore faire leurs preuves… Ses équipes n’ont pas été en mesure de concurrencer celles de l’UMP et du PS.
Quelles leçons retenir dans la manière d’organiser une campagne ?
Le porte-à-porte, rare en 2001 et même en 2008, les candidats et leurs équipes ont accepté de rencontrer directement les électeurs et non de se noyer dans des tractages incessants ou l’on sait que le tract à les meilleures chances de finir à la poubelle. Enfin, les réseaux sociaux, les postures communicationnelles ne doivent pas faire illusion. Dans le meilleur des cas, cela doit être le relais d’un travail de fond ou d’une action de terrain, non l’action politique par excellence ! Entendons-nous sur ce que doit être un candidat : si la candidature NKM a révélé un phénomène, c’est bien celui de la posture communicationnelle qui devient la démarche obligée des candidats grands partis. Or, NKM, et, dans une moindre mesure, Anne Hidalgo, bien que plus naturelle, ont abondé dans cette posture. Un candidat, c’est un produit qui doit créer du buzz, faire l’actualité, obtenir des “likes” ou des “retweets”, non une personne défendant un programme, quitte à être plus modeste. Or ,les idées de NKM ont oscillé entre une dénonciation typique de la droite (fiscalisme, y compris en s’appuyant sur Nicolas Miguet), une tentative de séduction boboïsante (en gros, des espaces à disposition pour faire la “teuf”, le catalogue d’un urbanisme « nkmien » qui est aussi utopique que réalisable…) et des critiques plus ciblées (comme sur la mise en place catastrophique de la réforme des rythmes scolaires à Paris, etc.). Je note que ces propositions plus réalistes sortent souvent des tracts de maires d’arrondissement UMP sortants et, il faut le noter, des candidatures FN qui semblent davantage s’écarter de la démagogie. Wallerand de Saint-Just n’est certes pas charismatique, mais il est certainement, avec Christophe Najdowski (candidat d’EELV), l’un des candidats à s’être le moins noyé dans la posture communicationelle.
Quels sont les enseignements à retenir ?
La carte électorale de Paris en 2020 sera forcément différente de la carte actuelle : c’est certainement le début de la fin d’une partition est/ouest ou la gauche est à l’est et la droite à l’ouest. Désormais, la droite reprend du poil de la bête dans certains arrondissements de gauche (le 9ème, le 4ème, etc.) et semble renouer avec de meilleurs résultats dans l’est parisien (12ème et 14ème arrondissements).
Il y a quand même des bémols à ce constat…
Il faut savoir relativiser cette poussée : la droite parisienne a bénéficié d’un contexte national très favorable. Il n’est pas dit que cela se renouvelle en 2020 ; c’est même peu probable… Cela peut même créer des illusions, à l’instar du vote Hollande de 2012… Il y aura toujours une menace qui pèsera, y compris sur des arrondissements préservés (le 15ème et le 17ème). Enfin, plus près de nous, il faut rappeler que cette élection comprend un second tour. Comme je l’ai souligné, la droite UMP bénéficie d’un phénomène de plein de voix au premier tour, ce qui signifie qu’au second tour, les réserves sont plus rares (cela vaut aussi bien au niveau local que national). Entretemps, l’électorat de gauche déboussolé peut se remobiliser. La gauche a d’ailleurs de bonnes réserves de voix : celles écologistes (ils deviennent ainsi la troisième force politique à Paris) et, dans une moindre mesure, celles du Parti de gauche. Or, l’UMP-UDI-Modem ne dispose pas de l’équivalent : Paris libéré réalise des résultats plus limités, et les voix du FN, déjà faibles, se reporteront plus délicatement sur les candidats UMP que celles du Parti de gauche ou des écologistes sur les listes d’Anne Hidalgo… L’élection municipale, sauf qualification au premier tour, comprend un second tour ! Et les comportements ne sont plus forcément les mêmes.
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