- Jean Dutrueil
- 24 février 2015
- Latest Update: 28 août 2018 11 h 41 min
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Les raisonnements consistant à dire que la légitimité de la violence musulmane se trouve dans les textes sacrés de l’islam que sont le Coran, les hadiths et la sunna sont véridiques mais trouvent une certaine limite. En effet, comme le rappelle l’historien, ancien ambassadeur d’Israël en France et ancien officier de Tsahal, Elie Barnarvi, la Bible est incommensurablement plus violente que le Coran. Même le géopoliticien Aymeric Chauprade concède dans son excellente Chronique du Choc des Civilisations que la violence biblique est sans commune mesure avec la violence coranique, elle-même très dure mais dépourvue des gigantesques hécatombes de l’Ancien Testament…Selon Barnarvi, si l’Islam est actuellement si belliciste, c’est qu’à la différence du christianisme, il n’a pas su faire la distinction du spirituel et du temporel et ainsi se démarquer de ses racines révolutionnaires.
I) La Bible sanctifie le premier génocide de l’Histoire de l’Humanité.
Abraham, Isaac, Jacob et surtout Moïse et Josué n’ont probablement jamais existé (voir à ce propos l’excellente étude intitulée « La Bible dévoilée: les nouvelles révélations de l’archéologie » des historiens Israel Finkelstein et Neil Asher Silberman). La Genèse, l’Exode et la conquête de la Terre Promise ordonnée par Moïse et appliquée par Josué ne furent qu’une histoire mythique composée par le roi Josias, au VIIème avant Jésus-Christ, dans l’espoir de galvaniser sa population judéenne face à une invasion imminente des Assyriens au nord et des Egyptiens au sud qui ont lié une alliance de revers pour prendre en étau le petit royaume de Juda hostile au deux grands. Une histoire mythique qui deviendra le terreau de la Torah, dite Loi de Moïse pour les juifs et Pentateuque de l’Ancien Testament pour les chrétiens, scindée en 5 textes que sont la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome. Heureusement, d’ailleurs, que cette épopée biblique ne fût qu’imaginaire, car selon les historiens et archéologues, elle est le premier texte de l’Histoire faisant l’apologie d’un génocide.
a) Le fameux « Tu ne tueras point » ordonne de tuer tout Hébreu infidèle.
La majorité des chrétiens qui n’écoutent que les extraits soigneusement sélectionnés par le curé du dimanche lui donnant matière à prêcher un serment trop souvent mièvre et moraliste, au lieu de lire eux-mêmes la Bible, commettent deux erreurs concernant les 10 commandements de Moïse. D’une part, une erreur matérielle car ils croient que les dix commandements dans lesquels résident les fameux « Tu ne tueras point » , « Tu ne commettras point d’adultère » et « Tu ne voleras point » sont inscrits sur les Tables de La Loi dictées par Yahvé* à Moïse alors qu’ils ne sont qu’un texte inséré bien plus loin dans le livre du Deutéronome et non dans celui de l’Exode où Moïse reçoit des Tables légiférant uniquement sur la confession de foi juive.
D’autre part, une erreur de compréhension en croyant naïvement que les fameuses injonctions prohibant le meurtre, l’adultère ou le vol consacrent la première morale universelle de l’Humanité, alors qu’elles ne s’adressent en réalité qu’aux juifs pratiquants, les infidèles mais aussi les étrangers devant être éradiqués physiquement avec, précise bien la Bible, leurs femmes et leurs enfants.
Voici ce que dit la Bible concernant les Hébreux qui ne suivent pas Yahvé avec rectitude :
« Si ton frère, fils de ton père ou fils de ta mère, ton fils ou ta fille, la femme qui est sur ton sein, ton ami qui est un autre toi-même, voulaient te séduire en cachette, en disant « Allons servir d’autre dieux » que tes pères ni toi n’avez connus, de ces dieux des peuples qui sont autour de vous, proches de toi ou éloignés de toi, d’une extrémité de la terre à l’autre, tu n’acquiesceras pas et tu ne l’écouteras pas, tu ne l’excuseras pas ; mais tu devras le tuer, ta main sera la première contre lui, pour le mettre à mort, et ensuite la main de tout le peuple, tu le lapideras avec des pierres et il mourra, parce qu’il a cherché à t’écarter de Iahvé, ton dieu, qui t’a fait sortir d’Egypte, de la maison des esclaves » (Deutéronome 13, 7-11)
Ce commandement est encore plus dur que la loi islamique, car cette dernière offre au déviant la possibilité de se repentir et de revenir dans le droit chemin annulant ainsi sa condamnation à mort. Plus encore, ce commandement brutal doit s’appliquer à une communauté juive entière si elle s’est égarée par des prophètes confessant d’autres dieux.
« Si tu entends dire que, dans l’une des villes que Iahvé ton dieu te donne pour y habiter, des hommes, des fils de rien issus de ton sein, égarent les habitants de leur ville en disant « Allons servir d’autre dieux » que vous n’avez pas connus, tu consulteras, tu enquêteras, tu questionneras avec soin, et si c’est vrai, s’il est bien établi qu’une telle abomination a été commise en ton sein, alors tu devras passer au fil de l’épée les habitants de cette ville, tu la voueras à l’anathème, elle et tout ce qu’elle contient ; même son bétail, tu le passeras au fil de l’épée. Toutes ses dépouilles, tu les rassembleras au milieu de sa place et tu brûleras par le feu la ville avec toutes ses dépouilles, le tout pour Iahvé ton dieu ; elle sera une ruine pour toujours, elle ne sera jamais rebâtie » (Deutéronome 13, 13-17)
Le prophète Moïse est un zélé applicateur de sa loi divine. Ainsi, à peine descendu du mont Sinaï avec les tables de la Loi, il les brise, furieux qu’il est de constater que certains membres de son peuple s’adonnent au culte du veau d’or. Il fond la sculpture du veau dans un brasier et réduit le métal, refroidi, en une fine poussière qu’il verse dans de l’eau ; il donne à boire au peuple cette mixture (Exode, 32,19-20). Il aurait pu s’en tenir là mais, après un délai, laissant tomber la colère, la Bible raconte :
« Moïse se tint debout, à la porte du camp, et dit : « Qui est pour Iahvé, à moi ! » Tous les fils de Lévi s’assemblèrent autour de lui. Il leur dit : « Ainsi parle Yahvé, le dieu d’Israël : mettez chacun l’épée de côté, passez et repassez dans le camp, d’une porte à l’autre, et tuez, qui son frère, qui son ami, qui son proche ». Les fils de Lévi agirent selon la parole de Moïse et il tomba du peuple, en ce jour, trois mille hommes environ » (Exode, 32, 26-28)
Le fameux « Tu ne tueras point » ne s‘applique en réalité qu’au juif pratiquant. Moïse en donne l’exemple. Ainsi, avant la sortie d’Egypte, alors qu’il se promène dans les chantiers des pyramides du Pharaon dont la cheville ouvrière est le peuple hébreux réduit en esclavage, il voit deux juifs qui se battent et leur ordonne d’arrêter car selon lui les membres du peuple de Yahvé, tant qu’ils le confessent avec droiture, ne doivent pas se faire de mal (Exode 2,13).
En revanche, ce même Moïse tue un Egyptien en train de frapper un Juif et n’est nullement inquiété par son dieu Yahvé :
«
Il vit un Egyptien qui frappait un Hébreu, l’un de ses frères. S’étant tourné de tous côtés et voyant qu’il n’y avait personne, il frappa l’Egyptien et l’enfouit dans le sable » (Exode 2, 11-12)
De même, le « Tu ne commettras pas d’adultère » consistait tout simplement à ne pas coucher avec une femme déjà prise par un autre juif. Mais les juifs étaient des polygames qui pouvaient avoir plusieurs femmes d’un coup avec lesquels ils concluaient un accord matrimonial sans le consentement de ces dernières qu’ils pouvaient répudier à tout moment.
Ainsi le roi très pieux David, ascendant de Jésus et canonisé par les Églises Catholique et Orthodoxes, est tancé par le prophète Nathan non pas pour avoir une vingtaine de femmes et une soixantaine de concubines mais pour avoir convoité l’épouse d’un soldat juif qu’il enverra au front se faire tuer pour pouvoir la lui ravir.
De même, il est reproché à son fils, le roi Salomon, lui aussi ascendant de Jésus et canonisé par le christianisme, non pas de s’être accouplé avec 300 épouses et 700 concubines mais d’avoir été séduit par la pratique religieuse de certaines d’entre elles qui confessaient d’autres dieux.
Même raisonnement, enfin, avec le célèbre « Tu ne voleras point » qui ne s’adressaient qu’aux juifs puisque Yahvé incite Moïse et son peuple au contraire à piller tout ce qu’ils pouvaient chez les Egyptiens avant de quitter leur pays (Exode 3,21-22).
b) La conquête génocidaire de la Terre Promise.
La Terre Promise donnée par Yahvé au peuple Hébreux est un territoire s’étendant du Nil à l’Euphrate. Celle-ci est riche « en lait et en miel », c’est-à-dire très abondante en plaines fertiles, mais est déjà habitée par des populations autochtones puissantes dont Yahvé ordonne la complète extermination physique, femmes, enfants et bétails compris, sous peine d’abandonner son peuple, ce qui le priverait de la victoire et donc de la jouissance d’un Proche-Orient si agréable.
La première cité-état à subir ces massacres est Jéricho dont Josué et les Hébreux « vouèrent à l’anathème tout ce qui se trouvait dans la ville, hommes et femmes, jeunes et vieux, jusqu’aux bœufs, aux moutons et aux ânes, les passant aux fils de l’épée » (Josué 6, 21). Et il en fut ainsi pour les 30 autres cités-états qui succombèrent à l’invasion des israélites dirigés par Josué.
“Ainsi Josué battit tout le pays (…). Il ne laissa pas un survivant et voua tout être vivant à l’anathème, comme Yahvé, le dieu d’Israël, l’avait ordonné.” (Josué 6,40)
D’ailleurs leur dieu les aide à accomplir leur sale besogne. Ainsi, par exemple, devant une coalition de peuples qui tentent de résister aux massacres israélites, Yahvé fait pleuvoir sur eux d’énormes grêlons qui aident à l’extermination.
« Il en mourut plus sous les grêlons que sous le tranchant de l’épée des israélites » (Josué 10,11)
Plus encore, sous la demande de Josué, Yahvé empêche le soleil de se coucher afin qu’il puisse avec son peuple terminer les massacres :
« Le soleil se tint immobile au milieu du ciel et près d’un jour entier retarda son coucher. Il n’y a pas eu de journée pareille, ni avant ni depuis, où Yahvé a obéi à la voix d’un homme. C’est que Yahvé combattait pour Israël » (Josué 10, 13-14)
L’historien Jean Soler s’interroge pertinemment dans son excellent livre intitulé La Loi de Moïse : « Quelles étaient les motivations des Hébreux ? Il ne s’agissait pas (pas seulement) d’une stratégie militaire délibérée pour la possession d’un territoire déjà occupé : si c’était le cas, il n’aurait pas été nécessaire de tuer les femmes et les enfants. Aucune considération économique n’entrait en jeu : autrement on n’aurait pas massacré des animaux.
En revanche il est question de façon indéniable, d’un rite religieux : c’est au nom de Iahvé que la population d’une ville vaincue est anéantie toute entière, corps et biens. Les ennemis, avec leur bétail même, sont offerts au dieu. Les traducteurs de la Septante (les Juifs bilingues qui ont donné de la Bible une version grecque à partir du IIIème siècle avant notre ère) ont traduit « hérem » par « anathéma », terme qui désigne une « offrande religieuse » (ce que pouvait être en Grèce, par exemple, une statue apportée dans un temple). L’anathème hébraïque appartient à la catégorie des sacrifices humains collectifs.
« Les premiers anathèmes que relate l’Ecriture ne sont pas le fait de Josué. Moïse, avant lui, a montré la voie. Comme toujours. A l’époque de l’errance, il a fallu combattre le roi des Amorites. Le prophète le rappelle à la fin de sa vie :
« En ce temps-là, nous avons pris toutes ses villes et nous avons voué à l’anathème chaque ville, hommes, femmes, petits-enfants ; nous n’avons laissé aucun survivant» (Deutéronome 2, 34-35). »
Si ces succès sanglants n’ont pas été heureusement une réalité historique, il n’en demeure pas moins selon les historiens que la conquête de Josué est le premier texte de l’Histoire faisant l’apologie d’un génocide. Peut-être qu’il y a eu des génocides réels et précédents. En tout cas nul texte, qu’il soit religieux, politique, diplomatique ou administratif, découvert à ce jour ne fait éloge d’un tel crime avant celui de la Bible…
De plus, ce crime d’anathème systématique ne se cantonne pas à la conquête proprement dite mais émaille toute la Bible. Ainsi bien après leur installation sur la Terre Promise, les Hébreux sont en guerre avec le royaume Amaleq voisin du roi Agag, dont le prophète Samuel ordonne au roi juif Saül : « Maintenant va, frappe Amaleq, voue-le à l’anathème avec tout ce qu’il possède, sois sans pitié pour lui, tue hommes et femmes, enfants et nourrissons, bœufs et brebis, chameaux et ânes » (1 Samuel 15,3)
Mais le roi Saül après la victoire, massacre bien toute la population mais épargne le roi par une « pitié » envers son homologue mais aussi le meilleur du gros et du petit bétail. Le prophète Samuel considère cette double sauvegarde comme une faute grave envers la loi divine qui demande de tout exterminer. Puis égorge lui-même le roi vaincu et déchoit Saül de la pourpre royale qu’il transmet au jeune berger et futur roi David. C’est vous dire l’ambiance…
Et contrairement à ce que l’on pense, cette violence vétérotestamentaire continue jusque dans les Evangiles…
A suivre…
Note :
*Fidèle au premier texte biblique, j’emploie le terme de Yahvé (ou Iahvé) car le judaïsme antique, avant de devenir un monothéisme au IIIème siècle avant J-C était un polythéisme qui connut deux phases. La première période s’étend des origines des judéens (dont on a les premières traces à partir du XIIIème siècle avant J-C) jusqu’au règne du roi Josias exclu. Cette période pratiquait un polythéisme classique où Yahvé était le dieu prépondérant d’une assemblée divine, ayant pour épouse Ashéra et pour fils Baal.
La deuxième phase, dite monolâtre, débute par la réforme historique et sanguinaire du roi Josias, qui compila le premier écrit biblique qu’est la Loi de Moïse (le Pentateuque pour les chrétiens), pour justifier sa réforme, au VIIème siècle avant J-C. Il va exclure les autres dieux du panthéon au profit exclusif de Yahvé, qui n’était pas encore le Dieu de l’univers mais simplement le dieu exclusif des hébreux. Il ne deviendra le Dieu de l’univers qu’à partir du IIIème siècle avant J-C.
Mais le lecteur est libre de remplacer le prénom Yahvé par Dieu, ce qui à mon sens brutalise encore plus le propos biblique…
De plus, le prénom Jean vient du prénom hébreu « Iohannan » signifiant « Iahvé a favorisé ».
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