Tribune libre de Samuel Lafont*
Ici et là pouvons-nous parfois entendre ces temps-ci que « ce gouvernement condamne son projet de « Mariage Pour Tous » à vouloir tout faire en même temps ». Ou bien lisons-nous que la circulaire de Christiane Taubira sur la gestation pour autrui (GPA) est une erreur de stratégie fondamentale de la part des socialistes au pouvoir. Nous serions pourtant bien stupides de prendre pour des accidents des calculs politiques évidents.
Qu’en est-il dans les faits ? Le projet étudié en ce moment concerne le « mariage » gay et l’adoption. La procréation médicalement assistée (PMA) viendra plus tard, « avant la fin de l’année » selon le Premier ministre Jean-Marc Ayrault ; autant dire que c’est demain. La GPA est repoussée par une poignée de personnes comme une abomination, mais la majorité de ceux qui soutiennent la PMA se garde bien de faire tout commentaire. Et l’évocation de la GPA permet de rendre plus humaine la PMA, du moins autant que cela se peut.
Si les mensonges des promoteurs du « mariage » gay n’entraînaient que des analyses biaisées, le mal serait minime. Mais ils poussent plutôt trop d’entre nous à accepter, ouvertement ou à demi-mot, ce qu’ils désignaient encore il y a peu comme de grossières contre-vérités. Pouvons-nous croire sérieusement que ce projet de « mariage pour tous » n’a pas été un minimum réfléchi ? Pouvons-nous croire que les annonces quotidiennes ne s’inscrivent pas dans une stratégie ? Évidemment non. Et pourtant.
Pourtant, notre argumentation face au mensonge pâlit peu à peu. Nous refusions l’instauration du « mariage » gay pour ce qu’il serait : l’égale reconnaissance d’une union homosexuelle à une union hétérosexuelle pour l’humanité. Puis il a fallu le dénoncer simplement parce qu’il causerait la dénaturation du mariage en tant que tel. Ce qui n’est pas faux mais ne suffit pas. Désormais il faudrait en refuser le principe simplement parce que le nom « mariage » est attribué à ce projet d’union, et donc, implicitement, en accepter les effets, dont l’adoption. En quelques mois, l’évolution est nette. Et inquiétante.
À mesure qu’une ineptie se rajoute à une autre, trop d’entre nous ont tendance à diminuer, ne serait-ce qu’inconsciemment, et le caractère inepte qu’ils attribuent à la première assertion, et leur opposition à cette première ineptie. Ecoutez vos amis en discuter avec des défenseurs du « mariage pour tous ». Écoutez-vous vous-même. Au refus simple, catégorique et de bon sens du projet de « mariage » gay, a succédé une aversion pour l’adoption mal présentée, du type : « ils font ce qu’ils veulent tant qu’ils n’adoptent pas ». Comme si la question du « mariage » gay n’engageait que ceux qui voudraient se marier et non l’ensemble de la société. Premier argument de nos adversaires, validé. A suivi, lorsqu’il a commencé à en être question, un rejet de la PMA pour les couples homosexuels. Et nous y venions directement, sans même plus condamner le projet du « mariage » gay. Cette PMA retenait toute notre attention. C’était hier, déjà. Aujourd’hui, la GPA a endossé le costume du diable. S’il fallait réussir à ne sauver qu’une chose, ce serait l’interdiction de la GPA. Ajoutez un extrême possible à une extrémité, et la première extrémité semble virtuellement ne plus en être une. Elle n’en est déjà plus une.
Serions-nous donc incapables de dire non ? Incapables de dire non aujourd’hui à ce que nous refusions il y a trois mois, simplement parce que le temps passe ? Sommes-nous déjà trop épuisés pour nous opposer au mensonge ? Cela ne se peut. Enrobons le tout si vous le souhaitez. Demeurons courtois. Mais, comme Cyrano, n’hésitons pas à dire un poli, franc mais catégorique : « Non, merci ! ».
*Samuel Lafont est conseiller National de l’UMP et ancien membre du Bureau national de l’UNI. Il a co-fondé l’agence de communication digitale e-fluence.fr.
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