L’image est tragique pour notre pays : des surveillants de prison désarmés face aux détenus les plus violents se trouvent maintenant face à des CRS ou des Gardes Mobiles bien équipés qui n’hésiteront pas à les déloger si on leur en donne l’ordre. Le mot « ordre » prend ici un sens grotesque et paradoxal puisqu’il exprime le désordre qui règne dans notre pays que les utopies et la démagogie de la gauche comme la lâcheté de la prétendue droite ont depuis longtemps mis cul par-dessus-tête. Deux professions de la Fonction publique au service de l’Etat s’affrontent parce que l’Etat est incohérent. Peu à peu il s’est investi dans des activités qui relèvent de la société civile, et y dépense plus que des impôts excessifs ne lui en donnent les moyens. L’Etat est devenu une nounou obèse débordante d’assistance et qui préfère, en outre, offrir des niches douillettes à ses favoris inutiles plutôt que de remplir ses vraies obligations. Au premier rang de celles-ci, figure bien évidemment la Justice. Les dépenses dans ce domaine sont deux fois plus faibles par habitant qu’en Allemagne ! Celle-ci consacre 146 Euros à la Justice par habitant, la France 72, mais le Royaume-Uni, 155 ! Certes, des pays de l’Est européen font encore moins, mais ils y consacrent néanmoins une part du PIB plus importante, comme la Bulgarie (0,65%) ou la Pologne (0,50%). La France pointe à la 23e place sur 28 en Europe, avec 0,22%. Le nombre de ses juges est dramatiquement insuffisant avec 10 juges pour 100 000 habitants quand la moyenne européenne est à 21 ! Insuffisamment nombreuse et mal équipée, notre magistrature est donc l’une des plus lentes. Un jugement prend en moyenne 304 jours contre 19 au Danemark et 91 aux Pays-Bas. C’est ce qui explique la surcharge des Maisons d’Arrêt saturées par les détentions provisoires et paradoxalement le nombre de décisions d’incarcération non appliquées par manque de place. La Justice pénale est prise en étau entre la gestion hôtelière du parc pénitentiaire et la politisation gauchiste d’un certain nombre de magistrats. Le résultat est aberrant : bien des séjours en prison sont trop longs, mais beaucoup de condamnés demeurent en liberté.
L’idéologie « progressiste » qui domine dans les médias en profite pour glisser sa désinformation. Les prisons seraient surpeuplées parce que la Justice condamnerait trop et trop souvent à la détention. C’est le mythe du » tout carcéral ». En fait, le taux d’occupation français est excessif non parce qu’on enferme trop, mais parce qu’on n’a pas construit suffisamment de cellules. La comparaison avec l’Allemagne est éclairante : il y a outre-Rhin, 95,8 détenus pour 100 000 habitants et un taux d’occupation de 98,7. En France, c’est 91,6 détenus pour 100 000 habitants, mais un taux d’occupation de 114,8 en 2016. Le verre déborde non parce qu’on y verse trop d’eau, mais parce qu’il est trop petit. Certes, une gestion plus intelligente et plus cohérente du système pénal pourrait améliorer les choses, mais il y faudrait pour cela augmenter considérablement les moyens et déployer une politique judiciaire à la fois souple et rigoureuse. L’usage de peines de substitution ne doit pas être un artifice pour faire baisser les taux d’occupation mais un dispositif lourdement encadré. Est-ce dans cet esprit qu’on recourt au gadget du bracelet électronique ? Evidemment, non ! L’un des assassins du Père Hamel en portait un ! De même, l’utilisation des Travaux d’Intérêt Général, auxquels j’avais consacré un rapport, demande un encadrement méticuleux et exigeant dont la Suisse donne l’exemple. Le travail en prison ou comme substitut à l’enfermement ne devrait pas être facultatif, laissé au choix du condamné, mais obligatoire, sous peine d’une aggravation des peines. L’idée que la privation de liberté constitue la totalité de la peine qui doit être vécue dans la dignité, voire le confort, est une stupidité. Elle conduit à son contraire, à des détenus provisoires dormant sur des matelas à même le sol, à cinq dans une cellule, tandis qu’ailleurs, un condamné passe son temps devant la télévision, avec bientôt le téléphone ! J’estime qu’en-dessous de six mois de condamnation, le TIG devrait systématiquement remplacer la détention, mais il faudrait pour cela renforcer les équipes de suivi, et former leurs membres de manière à en faire les agents dévoués de la politique pénale, non des assistants sociaux plus enclins à condamner la société qu’à participer à l’exécution des peines.
La revalorisation du personnel pénitentiaire est une priorité. L’exemple de Singapour est intéressant. Il procède du concept de « Total Defence » qui intègre tous les services de sécurité intérieure. L’idée est de bon sens : tous protègent les citoyens et doivent être animés du même esprit. C’est ainsi que policiers, pompiers et gardiens de prison reçoivent une année de formation commune. Cela évite ces situations françaises absurdes de pompiers ne comprenant pas pourquoi ils se font caillasser, ou de policiers appelés à réprimer un mouvement du personnel pénitentiaire. Ils assurent le même rôle dans des métiers différents et doivent avoir des statuts analogues et des pouvoirs semblables. Bien évidemment, cela passe par une augmentation des traitements qui rendra ces professions attirantes. Actuellement 70% des candidats au concours des surveillants de prison ne se présentent pas : on ne se fait pas tuer pour 1400 Euros par mois. Toute agression contre un membre de ce corps unique devrait être sanctionnée avec une sévérité extrême.
Les solutions existent. Elles sont hors d’atteinte en raison de la situation budgétaire du pays, de l’idéologie qui y règne, des mauvaises habitudes dont on ne veut pas se défaire, et plus encore par un manque total de courage politique.
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