Actuellement, on entend beaucoup parler de l’abaissement des limitations de vitesses. En lançant un sondage sur ma tweetline par rapport à cette question, 49% des personnes ayant répondu souhaitent conserver les limitations actuelles, 37% souhaitent les voir augmenter et seul 14% souhaitent voir les limitations baisser. Un sondage (plus sérieux) publié dans Le Point par Harris Interactive évalue à 59% le nombre de personnes opposées à un tel changement de limitation de vitesse. Comment alors un système qui se dit « démocratique » peut-il faire passer un texte auquel la majorité des citoyens est opposée ? La première réponse rapide sera de dire que le système n’est pas une démocratie et qu’il faut sortir d’un système de démocratie représentative, les représentant ne représentant pas la volonté des citoyens.
L’effet de l’abaissement de la vitesse est controversé. Admettons par exemple que le conducteur type qui provoque les accidents soit celui qui double à toute vitesse une voiture à 90 sur une route de campagne, en profitant d’un virage pour prendre la tangente, alors l’abaissement de la limitation augmenterait la fréquence de ces comportement à risque, et augmenterait ainsi la mortalité. Pour la suite du raisonnement, prenons comme acquis qu’une baisse de la limitation fasse baisser la mortalité (bien que cela soit loin d’être démontré). L’élu pourra dire alors que son choix d’abaisser la limitation de vitesse est motivé par l’intérêt supérieur de faire baisser la mortalité.
Nous arrivons donc à un paradoxe, deux systèmes coexistent, l’un est démocratique, qui tient sa légitimité du vote des lois, ou de représentants les votant pour nous, par le corps électoral, l’autre défend un intérêt supérieur, qui est transcendant (pourquoi ne pas dire de droit divin ?), et qui peut donc aller contre la volonté du peuple, qui avait pourtant choisi des représentants démocratiquement. Si l’on considère que l’intérêt supérieur, la justice transcendante doit primer, alors, il n’est pas nécessaire d’avoir recours à des élections ; celles-ci pouvant même être contre-productives, puisqu’elles peuvent conduire à l’élection de partisans de représentants du même club de pensées qui pourra alors imposer sa vision de l’intérêt générale, qui étant transcendant, ne peut pas être pleinement intégré par la pensé humaine. En revanche, si l’on considère que la démocratie doit primer, il faut considérer que des lois puissent être votées tout en étant dangereuse pour le pays. Une démocratie doit donc pouvoir revenir sur tout texte au gré des désirs du peuple.
À titre d’exemple, dans les années 80, la majorité de la population était favorable à l’abolition de la peine de mort, face aux nombreuses attaques terroristes de ces dernières années, la majorité de la population est favorable à sont rétablissement, une démocratie devrait donc la réintroduire, sans se soucier de savoir si cela est une bonne chose ou non. Au final, deux solution seraient envisageables, l’une où un équilibre s’installe et la « bonne solution » serait choisie après plusieurs essais-erreurs, ou, une situation cyclique, ou des phases d’abolitions succèdent à des phases de rétablissement, en fonction des actes graves commis, ou de la conscience de la barbarie de l’acte.
Ces deux modèles ont chacun leur revers. La démocratie est instable, et facile à manipuler. L’intérêt supérieur est transcendant, et donc impossible à établir de façon certaine. Il est d’autant plus complexe de mettre en œuvre un système qui respecte les intérêt supérieur que leurs appréciations comparent des éléments de nature différente. À titre caricatural, si l’on considère l’intérêt général en terme financier, on arrive à un système où l’eugénisme ou l’euthanasie semblent parfaitement normal (et hélas, de nombreux groupes essayent d’imposer cette vision), dans un tel système, la vie d’une personne jeune a plus de valeur que celle d’une personne âgée. Si, tout aussi caricaturalement, on considère la connaissance dans ce qui peut faire avancer la société comme valuable, une personne âgée ayant plus de savoir et d’expérience qu’un jeune, sa vie aura plus de valeur. Comme le dit un proverbe africain : « Un vieillard qui meure, c’est comme une bibliothèque qui brule ». Pour donner une autre caricature, si c’est la « joie » qui est quantifié, alors, la vie des personnes trisomiques devient d’une valeur bien plus précieuse que celle d’un génie, ces derniers étant plus enclin à la dépression que la moyenne. Que faut-il alors pour prendre des décisions concernant le fonctionnement de la société ?
Considérons que l’électeur soit intelligent et recherche l’intérêt supérieur de la nation (ce qui hélas, ne semble pas à le cas, loin de là). Il faut donc chercher quels sont les points à prendre en compte. Pour que la société puisse perdurer dans de bonnes conditions, il faut considérer la durabilité du système. Une décision qui ruinerait économiquement l’État et/ou le peuple ne doit pas être prise. Ainsi, les projets visant à augmenter drastiquement les recettes aux infractions routières, en changeant les règles dans le but d’obtenir plus de contraventions, en ruinant les automobilistes, qui sont aussi les consommateurs qui font fonctionner l’économie, seront contre-productifs.
Outre l’économie, la durabilité de la société nécessite aussi de maintenir la population, ainsi que sa culture. Maintenir la population n’est pas juste une histoire de nombre, par exemple, le peuple basque n’est pas un peuple indo-européen, il possède son peuple patrimoine génétique et bien sûr sa propre langue. Si l’on intervertit tous les habitants du Pays basque par des Français d’autres régions, même si ces derniers apprennent la langue et cuisinent tout au piment d’Espelette, ils seront toujours génétiquement des Français (et là où ils sont, les Basques auront plus de mal à trouver du sang en cas de besoin de transfusion). La culture est, à la fois plus facile à transmettre, mais plus difficile à définir. La culture dépends de la superposition de différents éléments, utilisant l’histoire comme colonne vertébrale. L’histoire en elle-même voit des éléments se rajouter au fur et à mesure que le temps passe, ce qui implique que le maintient d’une culture ne peut pas être vu comme un retour en arrière, mais bien comme une projection en avant.
Outre l’histoire, qui organise le tout, la culture doit considérer des champs allant de la linguistique à l’art, en passant par la gastronomie, les traditions et la culture populaire. En France, la culture est une addition de nombreuses culture locale, or la République a toujours eu comme visée d’unifier l’ensemble de ces cultures ce qui conduit à un appauvrissement général de cette culture.
Heureusement, les Français ont toujours fait de la résistance, et nous pouvons voir un peu partout, des personnes défendre leur « culture locale ». Comme le chantaient les Fatals Picards : « Il y aura toujours un con avec un drapeau breton ».
Certaines personnes personnes développent un goût pour leur culture locale, ou du moins celle qu’ils se choisissent. On connait tous une personne qui cultivent sa culture bretonne bien qu’il n’en soit pas originaire, et qui téléphone à la famille de sa femme en Bretagne en leur parlant en breton, qu’eux-même ne comprennent pas. Le problème quand les personnes qui font la promotion d’une culture qui n’est pas la leur est qu’il y a un gros risque de dénaturer cette culture. Un cas d’école est la culture « nordiste » dont l’humoriste Dany Boon fait la promotion : Il fait la promotion de la langue que les français appellent « Ch’ti », que les linguistes appellent « Picard Tournaisien » et que les nordistes appellent « Rouchi », cependant, son manque de maitrise du rouchi l’a conduit à commettre des erreurs grave dans le vocabulaire utilisé, qui ont du faire sursauter tous les nordistes dans la salle, par exemple, le fait d’appeler le repas du midi le « déjeuner » est une habitude parisienne, les nordistes (et d’autres) l’appelant diner. En lieu et place d’une promotion de la culture, on arrive donc à sa dénaturation.
Une fois la société capable de se maintenir, elle doit être capable d’assurer la sécurité de ses citoyens, et ceci demande principalement à ce qu’un système de justice soit en place. Cette justice doit être vu non pas comme uniquement son volet judiciaire, mais au sens large, celle qui assure à chacun le respect de sa dignité humaine. Pour atteindre cette dignité, plusieurs aspects sont à prendre en compte, comme par exemple la prise en considération des besoins des plus démunis et l’accès au système de santé, aussi bien matériellement qu’économiquement. Un système juste doit considérer la valeur de chacun, une valeur qui ne peut-être estimée en terme financier, de rendement ou de productivité. La vie de chacun est importante pour ce qu’elle apporte, que ce soit en terme de vécu ou en terme de potentiel, aussi bien matériellement qu’immatériellement. Chaque vie, qu’elle soit heureuse ou malheureuse, riche ou pauvre, longue ou courte, a une valeur en soit, même s’il n’est pas facile de comprendre de quelle façon. La justice consiste également à ce que chacun puisse avoir un avenir et des chances de progression. Que le travail donne un revenu décent permettant de vivre, et non juste de survivre.
Plus délicat, il faut à la fois éviter une situation dans laquelle certains sont dans la disette la plus complète alors que d’autres gaspillent en raison du surplus, tout en évitant l’excès inverse qui consiste a prélever de façon démesurée parmi les forces actives pour entretenir une masse qui pourrait par elle-même se sortir de la précarité. Un tel excès est plus pervers qu’il ne semble, car il conduit à une situation ou la population se retrouve au final appauvrie, jusqu’à l’écroulement de la société.
Une fois ces conditions respectées, alors seulement la société pourra prospérer, organiser des événements fédérateurs, et rayonner à l’international. On a tous en tête les images des défilés à la gloire du régime en Corée du Nord, quel sens peut bien avoir sur le long terme un faste de surface quand le peuple meure de faim ? Sans aller dans un tel extrême, est-il judicieux pour une nation en pleine crise financière d’organiser des jeux olympique, ou d’autres événements internationaux ? De même, le développement de l’art reflète la prospérité d’une civilisation, mais c’est bien parce que la civilisation est prospère qu’elle développe de l’art, et il n’y a aucun sens à promouvoir artificiellement l’art dans le but de faire croire que la société est prospère. Ces points semblent pourtant être d’une évidence enfantine, pourtant, visiblement, la société s’éloigne de plus en plus de ces principes.
Dans le système soit-disant démocratique qui est le nôtre, ceci est certainement du à deux phénomènes : Dans un premier temps les électeurs ne tiennent pas compte de la recherche de l’intérêt supérieur, et dans un deuxième temps, en plus de ne pas comprendre l’intérêt supérieur, les élus ne tiennent pas compte de l’avis du peuple.
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