Louis XVI n’est pas une icône

Le 21 janvier dernier, avait lieu le deux-cent-vingt-et-unième anniversaire de la mort du Roi Louis XVI. L’attitude laudative de nombreux catholiques à cette occasion est une bonne illustration de leur état d’esprit, et éclaire l’état dans lequel se trouve politiquement le catholicisme aujourd’hui.

Un anti-héros au sens propre

« En résumé, Louis XVI est un homme de bien, mais sans doute pas un homme d’État », synthétise l’historien Jean Sévillia dans son Histoire passionnée de la France. Il est à juste titre permis de s’interroger sur la présence des qualités seyantes à un Roi chez le « coglione » moqué par Napoléon, acceptant de trinquer avec les émeutiers ayant envahi son palais des Tuileries après avoir coiffé le bonnet phrygien. Sous l’emprise de ses états d’âme, refusant d’avoir recours à la force, confondant la faiblesse avec la charité, le dernier Roi d’ancien régime exprime déjà ces « idées chrétiennes devenues folles » dénoncées par Chesterton que l’on retrouve chez tant de catholiques inhibés d’aujourd’hui. Sa qualité de « bon père de famille n’ayant jamais trompé sa femme » vantée par l’historien Reynald Secher est sans aucun doute louable, mais il est permis de se demander si elle est réellement primordiale dans le cas d’un Roi de France. La mission d’un chef d’État est d’incarner une autorité, un principe spirituel, le reste relève de l’accessoire, « de l’intendance » disait de Gaulle. Ceux qui vantent les réalisations du Roi déchu pour améliorer le bien-être de son peuple font furieusement songer à ces catholiques WASP stigmatisés par la bloggeuse Gabrielle Cluzel, dont la pensée politique se limite au PIB et au patronage. La mort de Louis XVI a été tragique, c’est entendu. Mais elle n’a en rien été héroïque.

« Je meurs innocent des crimes qu’on m’impute », déclara Louis XVI au moment de monter sur l’échafaud. C’est discutable. « Une politique se juge à ses résultats », rappelait le maitre à penser royaliste Charles Maurras. Il est permis de considérer que lorsque l’on incarne le principe monarchique et que l’on porte l’espérance de millions de français qui y croient, alors on a pour premier devoir de tout faire pour défendre ce principe et cette espérance, par la force si nécessaire. Qu’un homme quelconque choisisse de se laisser abattre pour refuser de tuer son prochain ne relève que de sa seule responsabilité. Qu’un homme qui incarne la nation prenne en conscience la même décision au mépris du Bien de ceux dont il a symboliquement la charge paternelle est « pire qu’un crime, une faute », pour paraphraser Fouché.

Il est exact que, de Laurentie à Sévillia en passant par Bainville, les historiens s’accordent sur le fait que la Révolution est bien plus l’aboutissement d’un processus qu’une rupture ex-nihilo. Les tendances lourdes que sont la montée en puissance de l’Encyclopédie au détriment de la scolastique, ou encore l’incapacité du pouvoir central d’imposer une réforme du système féodal, sont nettement plus signifiantes au regard de l’Histoire que la pusillanimité ponctuelle d’un souverain. Mais le fait que de nombreux catholiques considèrent comme une icône un homme dont les qualités de bon père de famille sont inversement proportionnelles à celles de Père de la nation illustre de manière tragique l’état d’esprit qui est le leur aujourd’hui.

Holocauste christique versus Holocauste shoatique

Comme rappelé par l’abbé Iborra, exécutée au nom de la Révolution, la mort de Louis XVI comporte une dimension sacrificielle. Mais il faut définir de quel type d’Holocauste il s’agit.

Pour le catholique, le modèle d’Holocauste est celui du Christ, sacrifié sur la croix pour avoir refusé d’abjurer la Vérité qu’il venait révéler aux hommes. Mais comme le rappellent les Évangiles, et plus récemment le pape Benoit XVI lui-même, la bienveillance du Christ est tout sauf de la gentillesse. Le sens de l’Holocauste christique est proprement héroïque : celui d’un Homme se donnant entièrement au principe qu’il incarne au point d’accepter de mourir pour lui. De nombreux souverains de la « fille ainée de l’Église » ont suivi cet exemple. Saint Louis, « Roi donné, Roi holocauste, Roi hostie », comme le rappelle Philippe de Villiers dans son Roman de Saint Louis, mort à la croisade, est le modèle du Roi se donnant littéralement à son pays. L’empereur Napoléon, devenu très croyant à la fin de sa vie et mort en exil après avoir défendu la France contre les nations étrangères coalisées, ou encore Charles de Gaulle, monarchiste convaincu ayant permis à la France de sortir avec honneur de la seconde guerre mondiale, peuvent être rangés dans la même catégorie des chefs d’État sacrificiels christiques.

Louis XVI, par contre, a été exécuté après avoir refusé d’employer la force pour défendre le principe monarchique sacré qu’il est censé incarner. Loin d’être un sacrifice christique au sens de celui qui meurt en combattant au nom de la Vérité qu’il incarne, sa mort est bien plus un sacrifice shoatique, au sens de celui qui meurt en raison de la simple malveillance de ses bourreaux. De même que les millions de déportés innocents exterminés dans les chambres à gaz, Louis XVI est mort stricto sensu « pour rien », la nature du Mal étant précisément de ne pas avoir d’Être propre. « Je prie Dieu que mon sang ne retombe pas sur la France », implorait le Roi en montant à l’échafaud. « Que le sang du Roi retombe sur nos têtes ! », lui ont répondu en écho les révolutionnaires, cités par Victor Hugo dans Choses vues.

Le propre d’un personnage sacrificiel est d’être posé comme modèle à imiter par ceux qui s’y réfèrent. De même que pour la Shoah érigée en religion laïque, la sanctification de Louis XVI amène ceux qui s’y réfèrent à ne plus se définir qu’en miroir du mal qui les a frappé, dans une posture victimaire les amenant à considérer l’usage de la force comme mauvaise par nature. Le fait qu’une certaine France légitimiste connaisse politiquement défaite sur défaite depuis deux siècles n’est pas un hasard, c’est la conséquence logique des modèles qu’elle se donne. Comme l’a montré le psychiatre Guy Corneau dans son livre Victime des autres, bourreau de soi-même, il y a un certain confort psychique à se complaire dans la posture de la Victime irresponsable, celui de ne pas avoir à s’assumer en imputant systématiquement son sort à autrui. Cette attitude mène naturellement à la défaite politique par incapacité à assumer le Pouvoir. Elle explique aussi que certains catholiques dans cet état d’esprit, se méprisant inconsciemment, aient pu chercher à nier leur état en collaborant avec un Pouvoir étranger lors de la dernière guerre mondiale.

Conclusion : assumons la Force

« Il y a un continuum parfait entre la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy de 2012 et la mobilisation du printemps 2013. Cette élection n’a donc pas été un échec mais une défaite fondatrice, car la synergie dialectique créée par Nicolas Sarkozy aura rendu à ce peuple la fierté de se battre pour des valeurs », analysait le politologue Patrick Buisson. Ceux pour qui le président s’est littéralement sacrifié en défendant leur identité l’ont naturellement pris pour modèle avec sa combativité, assumant à son image le sacrifice de leur respectabilité sociale.

Nos ennemis ont choisis de faire le mal gratuitement, donc par définition de se placer consciemment dans le non-Être. Prenons donc acte du fait qu’ils ne sont rien, assumons que ce qui nous arrive relève de notre seule responsabilité et agissons en conséquence.

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53 Comments

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  • Bainville , 25 janvier 2014 @ 9 h 55 min

    Votre culture historique personnelle est certainement respectable.Inculte est un mot trop rapide qui ne concerne que ce point particulier de l’Histoire de la Révolution, substituons lui “méconnaissant ou ne soupçonnant pas le vaste et profond sujet de la machination du Temple et de la survivance du petit roi”
    L’historien G.LE NOTRE, parmi d’autres, analyse bien cette entreprise révolutionnaire de la supercherie de la mort du roi au Temple, les faits sont accablants contre les falsifications des terroristes qui gouvernaient.L’acte d’état-civil est absolument nul.Si l’enfant avait été le bon, l’autopsie n’aurait pas manqué de relever toutes les caractéristiques rares attachées au corps de Louis XVII.Cet enfant mort, beaucoup plus âgé et scrofuleux, (le petit roi n’avait aucun signe de cette maladie, lente à évoluer, en janvier 1794), ce cadavre est mentionné comme “l’enfant que l’on nous a dit être le fils Capet…” et le tout à l’avenant.
    On risquait sa vie si l’on disait ce que l’on voyait.
    Une semaine avant, le chirurgien chef Dessaux s’était rendu compte qu’il n’avait pas devant lui le petit roi, il l’a dit et il est mort empoisonné le lendemain, les autres médecins ont subi le même sort, sauf Doublet qui s’est enfui en Amérique. Donc le nouveau médecin Pelletan, et ses collègues, savaient ce qu’ils risquaient, 8 jours après les disparitions tragiques des précédents praticiens. La Terreur refaisait surface à chaque instant.

  • Bainville , 25 janvier 2014 @ 10 h 07 min

    A propos de Louis XVII et des mensonges révolutionnaires repris et utilisés par la Restauration du cauteleux Louis XVIII
    Il ne faut pas méconnaittre le vaste et profond sujet de la machination du Temple et de la survivance du petit roi »
    L’historien G.LE NOTRE, parmi d’autres, analyse bien cette entreprise révolutionnaire de la supercherie de la mort du roi au Temple, les faits sont accablants contre les falsifications des terroristes qui gouvernaient.L’acte d’état-civil est absolument nul.Si l’enfant avait été le bon, l’autopsie n’aurait pas manqué de relever toutes les caractéristiques rares attachées au corps de Louis XVII.Cet enfant mort, beaucoup plus âgé et scrofuleux, (le petit roi n’avait aucun signe de cette maladie, lente à évoluer, en janvier 1794), ce cadavre est mentionné comme « l’enfant que l’on nous a dit être le fils Capet… » et le tout à l’avenant.
    On risquait sa vie si l’on disait ce que l’on voyait.
    Une semaine avant, le chirurgien chef Dessaux s’était rendu compte qu’il n’avait pas devant lui le petit roi, il l’a dit et il est mort empoisonné le lendemain, les autres médecins ont subi le même sort, sauf Doublet qui s’est enfui en Amérique. Donc le nouveau médecin Pelletan, et ses collègues, savaient ce qu’ils risquaient, 8 jours après les disparitions tragiques des précédents praticiens. La Terreur refaisait surface à chaque instant.

    Bien des ouvrages existent, entre autres ceux de G.LENOTRE, de Adolphe LASNE, X. DE ROCHE, Une remarquable spécialiste, remarquables conférences d’un professeur Agrégée de Lettres, Melle PARIS…

  • Français désabusé , 25 janvier 2014 @ 10 h 49 min

    Absolument et c’est tellement désespérant de voir des gens aussi cons ! Sarkozy vomit la France et son quinquennat catastrophique le prouve… Mais les Français se disant de droite aiment les beaux parleurs, mais se moquent des faits !

  • Français désabusé , 25 janvier 2014 @ 10 h 58 min

    Le passage sur l’infâme Sarkozy est hilarant et pour ce moment d’humour… Merci!

  • Catoneo , 25 janvier 2014 @ 11 h 32 min

    La question est devenue purement académique. La survivance n’a aucun effet :
    Soit les descendants ignorent leurs origines ;
    soit, ils les connaissent et ne compromettront pas leur présent établissement dans une revendication qu’ils jugent précaire ou futile.

    En fait, on n’a jamais vu ni revu personne, à aucune des ruptures de paradigme que notre pays a subies en deux siècles !

    Le dossier est purement spéculatif, pour meubler les longues soirées d’hiver. Cela reste toutefois fort intéressant.

  • pi31416 , 25 janvier 2014 @ 14 h 19 min

    Pas piquée des hannetons, son allocution, à Sarko, à http://www.youtube.com/watch?v=UCs4ZcsDo4E

    C’est lui qui est piqué. Ce type est fou. Fou au sens clinique du terme. Pas gentil fou, mais fou dangereux. On sent qu’il est prêt à mordre. Remarquez, Valls, c’est pareil. Z’êtes pas dans la merde, les copains les copines, entre deux fous furieux et un obsédé de la braguette.

  • Paname , 25 janvier 2014 @ 14 h 21 min

    Ca c’est ben vrai! Allez, je balance un mot historique: “Y a pas plus menteur qu’un type de droite, si ce n’est un type de gauche”*.

    *N’allez tout de même pas croire que je sois du centre…

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