On se demande pourquoi il reste encore un seul Français pour soutenir un pouvoir dont le bilan est calamiteux. Il se voulait exemplaire et les démissions se multiplient dans un bruit persistant de casseroles. Il se voulait réformateur et efficace. Les résultats de la France dont la dette vient de passer les 100% du PIB sont moins bons que ceux de nos voisins et partenaires. Qui plus est, la méthode employée pour la réforme des retraites a été dévastatrice. On pouvait penser qu’avec sa maîtrise de l’anglais, Macron existerait sur la scène internationale. Sa provocation sur l’OTAN en mort cérébrale a montré au contraire à quel point il était isolé. Et cela s’est produit au moment même où 13 de nos soldats mouraient au Mali dans une guerre sans fin.
Le successeur du général de Villiers, comme chef d’état-major des armées, François Lecointre a déclaré : » si nous laissons le chaos s’installer, les États sahéliens vont s’effondrer sur eux-mêmes, laisser la place à l’État islamique, ce qui provoquera une pression migratoire sur l’Europe, avec tous les risques populistes que cela entraînera. » On observe dans cette phrase un enchaînement logique : la lutte contre les rebelles islamistes sahéliens protège les Etats fragiles de cette région. Si ceux-ci étaient renversés par les islamistes, il y aurait de nombreux réfugiés en Europe et une réaction populiste des peuples européens. Mais on remarque aussitôt que cette logique est plus politique que militaire : elle reprend les discours du Président, et du Ministre des Affaires étrangères, et désigne le populisme comme danger ultime. Que vient faire le populisme ici ? L’ennemi que combat l’armée française est le djihadisme. Le « populisme » est un adversaire politique du pouvoir français que le général Lecointre devrait servir, si les Français lui confiaient le destin du pays. Ce n’est pas un risque mais un choix démocratique qui sort du champ réservé au militaire. Le populisme, c’est la volonté du peuple de faire entendre ses priorités comme souverain légitime d’une démocratie. Qu’il veuille préserver son identité et s’opposer à l’invasion migratoire est un choix légitime et non un danger qui justifierait curieusement qu’on s’oppose au djihadisme, comme péril secondaire. Le refus de l’immigration africaine, et singulièrement musulmane, n’a pas attendu les vagues migratoires issues du « printemps arabe » pour s’exprimer. C’est le remplacement de population qu’on constate à l’oeil nu dans les grandes villes, et que les chiffres des naissances confirment, qui depuis longtemps suscite une condamnation de la politique française, sans lien avec la guerre au Sahel
C’est maintenant, dans l’année qui vient, que se joue l’avenir du Sahel » a ajouté le général Lecointre, annonçant qu’on allait passer à la vitesse supérieure, et se montrant pessimiste si la solution politique favorisée par la maîtrise militaire du champ de bataille n’apparaissait pas au cours de cette année « charnière
Or, la situation au Sahel a de quoi rendre pessimiste. Sur le plan militaire, les armées des Etats du Sahel, à l’exception de celle du Tchad, peut-être celle de la Mauritanie, récemment formée et équipée et qui a remporté des succès sur le terrain, ne sont pas capables d’affronter les djihadistes. Les 71 morts et les 30 disparus (?) de l’armée nigérienne à la suite d’un raid djihadiste à Inates viennent encore de le démontrer tragiquement. Les moyens que l’armée française déploie dans le cadre de l’opération Barkhane sont sans proportion avec l’enjeu : 4500 hommes, 200 blindés, 6 avions de combat, une vingtaine d’hélicoptères et quelques drones. Elle reçoit l’aide de quelques dizaines de Britanniques et d’Estoniens des forces spéciales. Par ailleurs, au Mali, la MINUSMA intervient au nom des Nations Unies notamment pour maintenir l’ordre et la sécurité dans les villes et soutenir le gouvernement légitime. Elle mobilise 16 000 hommes essentiellement des militaires et des policiers venant de près d’une cinquantaine de pays, avec une dizaine de gros contributeurs, dont des pays d’Afrique francophone, du Sahel en particulier, et, il faut le souligner, un millier d’Allemands. La France n’est pas seule mais c’est elle qui assure les missions les plus dangereuses pour entraver au nord du Mali et au Niger le passage des armes et des combattants depuis la Libye. Quant à la poussière d’unités venant du bout du monde, par exemple de Chine ou du Bangla Desh islamiste, on peut s’interroger sur les raisons de leur présence et sur l’efficacité de ce type de mosaïque militaire déployée par l’ONU qui n’a jamais fait ses preuves. La France déplore 41 morts depuis l’opération Serval, la Minusma, 198. Peut-on espérer des résultats définitifs sur un territoire de près de 5 millions de KM2, dont 1,2 pour le seul Mali alors que l’ennemi qui ne comprend que quelques milliers de combattants est véloce et furtif, bénéficie de soutiens dans la population et utilise les antagonismes tribaux ?
Sur le plan politique, la fragilité des Etats issus d’une décolonisation menée au pas de charge est un handicap considérable. Le Mali, le Niger, le Tchad ont leur capitale au sud de pays immenses dont les populations sont diverses et souvent opposées, comme les Touaregs du Nord et les Bambaras de Bamako, sans compter les Peuls au Mali. Bâtir des démocraties libérales dans un tel contexte est une illusion. La présence d’armées étrangères dans ces pays musulmans dont les peuples ont appris de leurs gouvernements souvent corrompus que tous leurs malheurs venaient de la colonisation présente un risque majeur : celui d’un basculement de la population. Des manifestations ont déjà visé les troupes françaises. Des Maliens nombreux réfugiés en France et des soldats français risquant leur vie au Mali pour y assurer la paix, avec un courage et une intelligence qui compensent la faiblesse des moyens, et qui se font insulter sur place, c’est insoutenable !
Si l’espoir d’assurer la consolidation des gouvernements dans cette région du monde doit demeurer modeste, il y a une priorité stratégique qui peut seule mettre fin au djihadisme : il faut rétablir le verrou que constituait la Libye de Kadhafi. Celui-ci avait des visées d’expansion qui nous avaient amenés à le combattre au Tchad, mais il s’opposait aux islamistes et contrôlait la marqueterie tribale de son pays. L’intervention en faveur de ses ennemis, notamment les Frères musulmans de Misrata, a été plus qu’une faute. Il est indispensable que la Libye retrouve un régime fort sur l’ensemble de son territoire. C’est la clef de la pacification du Sahel !