Comme d’habitude, la compassion va couler à flots. Nous serons tous Berlin , après avoir été Nice, Paris et Charlie. Depuis Charlie, il y a près de deux ans, L’Etat islamique existe toujours, même s’il est territorialement diminué. Au nom du « pas d’amalgame », nos gouvernements « démocratiques » le distinguent soigneusement des autres mouvements terroristes, comme Al-Qaïda qui sous un nom d’emprunt, est l’un de nos protégés du petit réduit d’Alep-Est en voie d’évacuation grâce à la bonne volonté russe. Nous continuons à entretenir les meilleures relations avec les « daesh » qui ont réussi, les Etats wahhabites du Golfe, dont le sous-sol est si riche, que les dollars s’en évaporent vers quelques potentats locaux, plus ou moins liés aux familles régnantes, et retombent comme par hasard dans les poches des activistes. Ecrasée par son passé nazi, l’Allemagne n’enfante plus. Elle se dit prête à accueillir toute la misère du monde par repentance… et pour faire tourner ses usines. Elle ne fait plus la guerre que très discrètement avec de la logistique et du conseil. Elle vient pourtant d’être frappée de manière particulièrement perverse. Celui qui a lu certains des textes fondamentaux de l’islam, qui inspirent le salafisme et appellent à la ruse et au meurtre des mécréants, n’en sera nullement étonné. L’attentat de Berlin ressemble à celui de Nice par son moyen, un camion, et par son objectif, une foule en liesse à l’occasion de festivités emblématiques pour un pays, le 14 Juillet en France, le marché de Noël en Allemagne. Dans les deux cas, on a choisi un lieu très visible, mais moins protégé. La Promenade des Anglais l’était moins que les Champs-Elysées, la Kurfürstendamm en bas de l’Eglise du Souvenir, symbole de Berlin-Ouest, a cédé le pas à Unter den Linden et à la Porte de Brandebourg depuis la réunification. Cet acte terroriste soulèvera l’émotion, provoquera la montée des mouvements souverainistes et identitaires que les dirigeants des grandes coalitions centristes s’empresseront d’étouffer sous le poids de la peur et du repentir. « Plus jamais ça » renforce « pas d’amalgame ». Après chaque attentat, le leitmotiv perd de son efficacité, mais il la retrouve après. A quelques semaines près, l’élection présidentielle autrichienne n’aurait pas eu le même résultat. Noël raisonnera bientôt des discours sirupeux sur l’accueil des « réfugiés, et sur le respect dû aux croyants d’une grande religion de paix et d’amour. Le mal sera circonscrit à « daesh », à Bachar, bourreau de son peuple, et à Vladimir Poutine, le Tsar machiavélique dont le pays doit sans cesse être sanctionné, fût-ce à notre détriment.
Il se trouve que le jour même de l’attentat de Berlin, l’Ambassadeur de Russie en Turquie, Andreï Karlov, était assassiné à Ankara, par un policier turc chargé de sa protection, pour venger la libération d’Alep. Les deux pays ont choisi l’option sage de dénoncer ce meurtre d’une grande lâcheté comme une provocation destinée à ruiner leur rapprochement actuel. « A qui profite le crime ? » dit la sagesse populaire… et policière. La Russie s’était entendue avec la Turquie pour organiser l’évacuation des rebelles, sans leurs armes lourdes et leurs prisonniers, ainsi que de la population demeurant dans le dernier carré : quelques dizaines de milliers au plus , ce qui est à comparer avec le million et demi qui vit depuis quatre ans dans la plus grande partie de la ville sécurisée par le gouvernement, et dont on parle peu, malgré les tirs d’artillerie qu’elles subit de la part des terroristes. La Russie avait opposé son veto à la résolution française proposée au Conseil de Sécurité de l’ONU imposant des observateurs neutres pour surveiller le départ des assiégés. Deux raisons la justifiaient : d’une part, des difficultés perduraient en raison de la contrepartie exigée par les chiites et donc l’Iran, à savoir la sortie parallèle de coreligionnaires de deux villages encerclés par les djihadistes qui n’avaient pas hésité à incendier les bus destinés à l’opération ; d’autre part, il était hors de question de céder à la demande provocatrice et soupçonneuse de Hollande. Habilement, en écartant le gêneur, Vladimir Poutine a fait présenter sa propre résolution, qui amendée au cours de discussions sérieuses a reçu l’aval du Conseil de sécurité unanime. La Russie garde la main, puisque l’évacuation suspendue avait repris. Les observateurs n’auront plus grand chose à voir. Or, c’est le jour de ce beau geste qu’un islamiste choisit pour tuer l’Ambassadeur russe en Turquie. C’est la Russie qui devient victime, comme elle l’avait été lors des attentats tchétchènes ou encore quand un avion russe avait été abattu par la chasse turque. Mais l’objectif de ruiner l’entente entre Poutine et Erdogan ne sera pas atteint. Il est probable, au contraire, qu’ils répondront à la provocation en accentuant leur volonté de résoudre la question syrienne : aujourd’hui même se tient à Moscou une réunion entre les Ministres des Affaires Etrangères iranien, russe et turc, une manière de dire que les Américains et les Européens ont tendance à se mêler un peu trop des affaires des autres. L’Iran protège les chiites et renforce son rayonnement grâce à eux. La Turquie, qui voulait renverser le Président Assad, se retrouve à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières avec un risque kurde amplifié. La Russie veut préserver ses bases et son influence en Syrie et retrouver son statut de grande puissance perdu avec Gorbatchev et Eltsine. Elle y est parvenue. Il est grand temps que les dirigeants occidentaux s’en rendent compte et cessent de se tromper d’ennemi.
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