Les chrétiens sont en guerre et ils l’ignorent… (1)

Lors du séminaire de Versailles qui a réuni environ 80 Chrétiens engagés en politique, j’ai fait un exposé que je résume ici :

Beaucoup de batailles à livrer nous réunissent pour défendre notre identité chrétienne, et les valeurs qui en sont inséparables, cette anthropologie que Jean-Paul II a nommée « écologie humaine », ce respect des communautés naturelles que sont la famille et la nation, cette sacralisation de la vie humaine, cette reconnaissance de l’être humain comme personne. Ces combats se dispersent en manifestations parfois considérables mais qui ont souvent des suites dérisoires. En bon gaulliste, je pense que c’est la guerre qu’il faut gagner.

Il n’y a qu’une guerre, car il n’y a qu’un seul ennemi : l’individualisme mondialisé. Dans le coût humain de la mondialisation, Zygmunt Bauman soulignait le paradoxe de ce processus : en même temps qu’il fait tomber les frontières et tend à uniformiser les modes de vie d’une partie de l’Humanité, il confronte des sociétés et des cultures qui jusque-là s’ignoraient. Leur rencontre n’est pas une fusion, ni un échange. C’est une confrontation, car la connaissance de l’autre par la réduction des distances, loin de toujours produire l’homogénéisation, peut au contraire faire naître l’envie, la rivalité ou le rejet. Si la caste supérieure vit à l’international, parle anglais et ne prend plus les passeports que pour des facilités administratives, le choc en retour chez ceux qui n’ont pas les moyens de « devenir soi » comme le suggère Jacques Attali, c’est l’enfermement dans un communautarisme agressif. Les avions transportent les hommes d’affaires et les djihadistes. Les premiers ont conquis une large autonomie à l’échelle de la planète. Les seconds recherchent à travers une communauté fantasmée celle qui s’est délitée autour d’eux. Les premiers cultivent une tolérance et un relativisme sans limites. Les seconds y répondent par une régression vers une identité imaginaire, à la fois porteuse de solidarité, mais aussi de violence. Le Bobo et le fanatique sont les faux-jumeaux de la mondialisation. Le Chrétien, lui, revendique un humanisme équilibré entre tradition et la raison, entre l’altruisme de la charité, et la transmission d’un héritage spirituel inaltérable. Il est par définition celui qui veut l’universel, mais refuse à la fois l’uniformité et le choc des violences.

L’idéologie mondialiste a deux visages, d’abord celui d’un vaste marché ouvert qui par la concurrence uniformise les produits, y compris culturels. Les bénéficiaires du système jouissent d’une mobilité sans pareille et consomment la gamme supérieure de l’offre mondialisée. En revanche, les autres bougent moins, subissent la standardisation des comportements et de la consommation, mais peuvent aussi s’y opposer par des pratiques communautaires à fort contenu symbolique. L’affirmation des différences culturelles y joue un rôle essentiel. Les Etats-Unis, le pays porteur de l’idéologie mondialiste, occupent dans cette double évolution une place centrale et ambiguë. Après avoir incarné la liberté économique et politique face au totalitarisme communiste, après avoir cru réalisée l’unité d’un monde démocratique et marchand dont ils auraient été la superpuissance vigilante, les Etats-Unis se trouvent face à un chaos multipolaire qu’ils ont créé. Certes, un nouvel ennemi salutaire est apparu avec l’islamisme. Mais qui a inventé le monstre ? Les champions de la liberté n’ont pas hésité à s’appuyer pour défaire l’URSS, sur l’Arabie saoudite, où la Charia est appliquée rigoureusement, le Pakistan où l’on condamne à mort le blasphème et sur les bandes de fondamentalistes qui après l’Afghanistan ont produit Al-Qaida. Promouvant d’un côté la société permissive, hédoniste et consommatrice confondue avec la démocratie, ils ont donné les moyens militaires à ceux que cette évolution révulsait de la combattre par un terrorisme lui aussi mondialisé. Leurs opulents alliés du Golfe illustrent cette ambiguïté : des régimes enrichis par leur place démesurée sur le marché mondial sont à la fois aux antipodes des valeurs occidentales et les meilleurs soutiens de « l’Occident » contre ses adversaires, la Russie, par exemple, ce qui ne les empêche nullement de financer des mouvements fondamentalistes voire djihadistes. Ceux-ci prospèrent d’un bout à l’autre de la terre d’Islam et menacent les pays occidentaux au travers du terrorisme. La « croisade » démocratique des Américains et de leurs alliés a répandu le désordre et la guerre civile, notamment en Irak, en Libye et en Syrie.

Les Chrétiens sont doublement victimes de ce processus. D’une part, les pays « chrétiens » sont envahis par des valeurs et des comportements qui trahissent leurs racines. De plus, dans la majorité des cas, la religion et la politique y étant séparées et parfois opposées, comme le montre la recrudescence du laïcisme en France, la voix chrétienne, en dehors de celle d’un Pape contraint à une grande modération, a du mal à se faire entendre. D’autre part, les Chrétiens sont les plus exposés à la montée de l’islamisme. La politique américaine leur a systématiquement été défavorable. Elle l’a été au détriment des Serbes orthodoxes de la Bosnie au Kosovo, aux minorités chrétiennes d’Irak, de Syrie et d’Egypte, ébranlées par une intervention militaire intempestive et des soutiens irresponsables à des révolutions islamistes qu’on a eu le front de présenter comme démocratiques. Manifestement, le désordre dans les rangs des ennemis d’Israël et la satisfaction de la Turquie et des Etats du Golfe, dont les liens avec le djihadisme sont pour le moins troublants, ont compté davantage que la protection des minorités chrétiennes et de leurs droits. La priorité donnée à l’étouffement de la Russie sur l’écrasement de l’Etat islamique dévoile le cynisme de l’oncle Sam : les affaires dans une main, l’autre tendue à des alliés peu fréquentables, sans s’embarrasser de cohérence entre discours humanistes pour la galerie et réalisme géopolitique.

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101 Comments

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  • Chilbaric , 26 décembre 2014 @ 20 h 32 min

    J’ai “triché”, figurez-vous …
    Il y a une heure, je ne connaissais pas ce texte, que j’ai googelisé pour répondre au commentaire fouillé …
    Pour ce qui est de moi, il est évident que l’Islam est étroitement lié à l’arianisme, quel qu’en soit le degré !
    Dès lors que vous enlevez au Christ sa Divinité, il ne reste rien du Christianisme, sinon un machin vaguement non violent :
    une sorte de monothéïsme revisité par Bouddha …
    Ou plutôt l’inverse, d’ailleurs, eu égard à l’apparition des deux religions.
    Et l’hérésie inverse,, à savoir le Catharisme qui nie l’incarnation, est tout aussi grave ….
    Sans compter l’hérésie qui nie sa Judaïté, ce Marcionisme toujours renaissant …et qui nous fait oublier qu’il n’y a pas de Justice s’il n’y pas de Loi. Parce que sans la Loi , il n’y a pas de Péché ! Donc “enlever le péché du monde, devient un non sens”, et celui qui l’enlève ferait aussi bien de rester chez lui …

  • brandenburg , 26 décembre 2014 @ 20 h 36 min

    Merci pour ces précisions mais je crois savoir que si l’épiscopat occidental a été infecté par l’arianisme,le peuple ne l’était pas notamment en Gaulle d’où en partie le choix de Clovis pour le christianisme orthodoxe:dans une bataille contre un roi arien,Clovis en grande difficulté s’exclame “Dieu de Clotilde,donne-moi la
    victoire si tu existes” et il l’emporta.Après sa conversion,cette devise était inscrite sur ses bannières “hoc signo,vincis” et ce signe était la Croix!A méditer!Et pan sur les laicards!

  • brandenburg , 26 décembre 2014 @ 20 h 57 min

    Exact!”La vie de Jésus” de l’infame Renan nous décrit ainsi le Christ qu’il appelle “le doux jeune homme” pour mieux l’assassiner ensuite et ce livre stupide et aujourd’hui controuvé par les historiens sérieux ,a eu un immense succès et influence au point que Churchill conseilla à sa fille désireuse de mieux connaitre le christianisme de le lire.Quant à Renan,après la défaite de 1870,il écrivit un livre “la réforme intellectuelle et morale” ou quelque chose d’approchant où il reniait ses thèses d’avant la guerre puis gateux,obèse comme luther,il retourna dans son caca laicard mais le livre est intéressant à lire pour montrer le choc immense qu’une France insouciante,riche et frivole éprouva après sa défaite éclair d’où la formule :”n’en parler jamais,y penser toujours”,la revanche en clair que par un dernier effort héroique lui permit d’obtenir la victoire en 1918 mais le traité de Versailles dicté par l’amerloc wilson-qui finit fou-perdit tout et il fallut recommencer vingt ans après mais ce coup-là, la défaite fut reçue en trois jours!Heureusement de Gaulle s’écria à la radio de Londres le jour de l’armistice,le 18 juin ,”la flamme de la résistance française ne s’éteindra pas”!Nous sommes en apparence loin du sujet initial mais tout est liè et comme le disait de Gaulle encore:”la grandeur ne se divise pas”.Avis aux jeunes générations que l’on fait tout pour abaisser:”honneur et patrie” et pas république ou démocratie,droits de l’homme,de la femme,des singes ,des cafards,etc

  • brandenburg , 26 décembre 2014 @ 21 h 03 min

    En effet!Charabiesque!

  • brandenburg , 26 décembre 2014 @ 21 h 14 min

    Il ne faut pas etre injuste avec Vaneste:il a dit ce qu’il fallait dire sur les invertis et a été viré de l’ump.Son seul tort est d’etre un peu brouillon mais qui ne l’est pas aujourd’hui?Alain Bentolila,linguiste:”pourquoi sommes-nous devenus si cons?”.Réponse:à cause de “l’école de la république” ,la machine à fabriquer des “idiots”-Maschino.

  • Pascal , 26 décembre 2014 @ 21 h 25 min

    Je réitère ce que j’écrivais plus haut, Il n’y a pas de filiation entre islam et arianisme. C’est en Occident (Afrique du nord comprise) que l’arianisme a perduré très longtemps après sa condamnation en 325 à Nicée et non pas en Orient d’où il avait disparu.

    Il y a en revanche une filiation entre et le judéo-nazaréisme, le proto-islam et l’islam califal tel qu’étudié par le Père Gallez. C’est autrement plus fiable que les élucubrations du Grand Orateur Joseph de Maistre.

    http://www.lemessieetsonprophete.com/annexes/Genealogie-Islam-schema_III.PNG

  • brandenburg , 26 décembre 2014 @ 21 h 29 min

    C’est vous qui avez raison!Il n’empèche que ces chrétiens qu’a connus Mahomet étaient hérétiques ce qui explique bien des choses!

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