Nommer l’Ennemi : l’Etat islamique !

Désigner l’ennemi et avoir le courage de le nommer sont les préalables de toute politique. L’incurie de nos gouvernants éclate au grand jour dans leur double défaillance envers ce principe. Jusqu’au lendemain des attentats du 13 Novembre, l’ennemi était à la fois le régime syrien et « daesh ». Le gouvernement français faisait même une fixation sur Bachar Al-Assad, cible prioritaire il y a un an encore et dont Fabius souhaitait la mort, comme si son départ aurait changé un système dont il n’est que l’héritier. Il citait le Président syrien, mais évitait de parler d’ »Etat islamique », préférant employer l’acronyme arabe. Ce jeu verbal, puéril et dérisoire, s’accompagnait d’encouragements  aux autres « djihadistes » réputés faire du « bon boulot »et à qui on envoyait des armes. Le discours prétentieux de notre exécutif justifiait l’ingérence au nom de la démocratie et des droits de l’homme tandis qu’il allait, toute honte bue, baiser les babouches des rois du pétrole et du gaz dont on sait qu’ils ne sont pas sans rapports avec le djihad et en ont peu avec les droits de l’homme et la démocratie.

Suivisme ou concurrence, les Français emboîtaient systématiquement le pas des Américains dont la politique est soit machiavélique, soit stupide, mais toujours désastreuse. A cet égard, la conquête de l’Irak a atteint un sommet. Opérée sous prétexte d’une complicité entre Al Qaïda et Saddam assortie d’une menace d’armes de destruction massive, toutes deux infondées, elle a abouti à laisser tout le nord sunnite du pays aux mains de cette alliance désormais réalisée entre officiers baassistes et fanatiques sunnites, tandis que le sud chiite se rapprochait des ennemis iranien et syrien : un désastre inutilement coûteux en vies humaines ! Allié inconditionnel d’Israël, Washington n’a cependant  pas cessé de soutenir les « amis » de ses partenaires économiques et stratégiques musulmans, contre les Serbes en Bosnie et au Kosovo, au Koweit, et dans le vaste mouvement du « printemps arabe ». L’objectif déclaré était d’établir la démocratie et l’indépendance contre des dictatures nationalistes et plutôt laïques. En réalité, partout, sauf à Bagdad, ce sont des groupes sunnites soutenus par la Turquie et les Pays du Golfe qui ont été à l’oeuvre. Entre Frères Musulmans et Etat islamique, de la Libye à l’Irak, le chaos s’est installé, des territoires entiers ont échappé à un contrôle légal et sont devenus les bases du terrorisme international. Il y avait un Afghanistan, on en a  maintenant cinq ou six ! Contrairement à ses affirmations, l’administration Obama ne fait pas la guerre à l’Etat islamique. Son ennemi est la Russie, et ses alliés. L’ennemi de ses amis est le chiisme. Si on peut s’étonner de la totale inefficacité des bombardements américains depuis un an, on doit condamner la complicité objective des Etats-Unis avec la répression saoudienne contre les Chiites de Bahrein, l’intervention des monarchies du Golfe au Yémen, les bombardements turcs contre les Kurdes qui sont le contrepoint révélateur de leur inaction face à l’Etat islamique et de leur soutien aux rebelles syriens dits « modérés ».

La France paye aujourd’hui la faute lourde qui lui a fait soutenir la politique américaine au Proche et Moyen-Orient après son refus justifié d’approuver l’invasion de l’Irak. En Libye comme en Syrie, la France a même voulu être plus américaine que l’Amérique. Elle se retrouve maintenant plus exposée que d’autres sur la ligne de front. Jamais sans doute politique étrangère française ne fut plus confuse et néfaste. « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement… » Nos responsables politiques devraient se rappeler ce principe de l’âge classique. Cela implique d’appeler un chat un chat et un islamiste, un islamiste. Que la plupart des musulmans souhaitent vivre en paix est sans doute vrai. Qu’il y ait dans les textes sacrés de l’islam des justifications de la violence et dans son histoire des groupes qui s’y sont livrés sans retenue sont des vérités indiscutables. L’une des branches du Kharidjisme exigeait de ses fidèles, les Azraqites, le meurtre par égorgement d’un adversaire prisonnier, à titre de preuve. On peut voir dans la barbarie de l’Etat islamique une résurgence de cette attitude. De même, l’usage d’une drogue, le captadon, par les assassins de l’Etat islamique rappelle l’origine souvent attribuée au mot « assassin » qui viendrait de l’arabe « hashishiyyin » et aurait désigné les disciples du « Vieux de la Montagne » qui envoyait des tueurs  drogués contre ses ennemis.

L’ennemi est donc bien l’Etat islamique. Son principal adversaire est le régime baassiste de Damas. Entre les deux, les groupes divers, des opposants dits « modérés » à Al-Nosra, c’est-à-dire Al-Qaïda, ne constituent pas une alternative. Certes, ils ont le soutien de nos riches clients du Golfe, mais pas plus qu’eux ils ne souhaitent instaurer la démocratie. Qu’on le veuille ou non, les Syriens de toutes confessions vivaient en paix avant qu’on ne déclenche la révolution dans le pays. L’Etat islamique qui a institué un califat doit donc être détruit le plus vite possible, car il représente le danger le plus menaçant. Il possède un territoire que tous les djihadistes potentiels peuvent rejoindre notamment grâce à la connivence turque. Il a réuni de gros moyens humains et matériels. Sous la façade de son salafisme brutal, ses troupes sont entraînées à la guerre moderne parce qu’elles sont encadrées par d’anciens officiers de Saddam Hussein et formées de mercenaires que l’argent du Golfe et celui des trafics locaux permettent de recruter. La piétaille des recrues fanatiques en provenance notamment d’Europe fournit la chair à canon et facilite les opérations terroristes extérieures. Le flux de réfugiés qu’il a généré envahit l’Europe avec en son sein des terroristes entraînés. Le matériel a été généreusement fourni par les Etats-Unis par le biais de l’armée irakienne qui l’a abandonné en fuyant Mossoul. Il est probable que d’autres dons plus ou moins volontaires soient passés de main en main des « modérés » aux extrémistes. Il y a donc urgence.

Une désinformation est systématiquement diffusée, par des médias et par des officines, comme l’ »Observatoire syrien des droits de l’homme ». A l’écouter, les bombardements russes feraient essentiellement des victimes civiles. Il est clair que les Etats-Unis et leurs alliés ne semblent guère pressés d’en finir avec le califat. Celui-ci recouvre des enjeux économiques et stratégiques dans lesquels ni l’Europe ni la France, en particulier n’ont les mêmes intérêts que la lointaine Amérique. Il est plus que temps d’en prendre conscience en désignant l’adversaire et en choisissant mieux nos amis.

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16 Comments

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  • André , 24 novembre 2015 @ 11 h 19 min

    @frannot 24 nov 2015 à 10:35 at 10 h 35 min
    Oui… mais qui êtes-vous ? quels sont vos blogs ? l==> Excellentes questions. Je suis un pecnot, un analphabète, môme qui n’a fait que pleurer parce qu’il ne pouvait pas aller à l’école comme les autres. A treize ans j’ai dû gratter la terre pour gagner 20 sous par jour et à 17 je devais travailler 60 heures par semaine pour gagner un peu plus du SMIGe… Bref, je deviendrai un autodidacte infatigable mais avec une très grande facilité. Pour ce qui est de mes blogs en voici un:

    http://france.libre1.overblog.com/je-suis-islamophobe-merci-mon-vrai-dieu

  • frannot , 24 novembre 2015 @ 14 h 39 min

    bonne analyse !

    Les actuels hommes politiques ne veulent pas le bien des français, le pouvoir américain non plus (ce n’est pas leur problème, mais il n’est pas non plus vraiment notre ami)

    Je me suis promenée en Syrie il y a vingt ans sans aucun problème de sécurité ; à Damas à côté du quartier musulman il y avait le quartier chrétien où les commerçants avaient encore devant leur devanture des palmes de la fête des Rameaux : chose inenvisageable dans notre état laïque… (quoique… nous sommes tellement déchristianisés que tout le monde n’y verrait que du feu).

    NB – « assassin » qui viendrait de l’arabe « hashishiyyin » (non d’une tribu arabe connue pour ses exactions) nom qui vient lui-même de “hashish”

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