Changement d’époque

La France risque fort de vivre, jusqu’aux élections présidentielles et législatives de 2017, deux années franchement décisives. Cette hypothèse comme tout pronostic peut sans doute se trouver contrariée par divers facteurs. Il ne faudrait alors pas parler de stabilisation mais d’enlisement.

Parmi les scénarios les plus déprimants de 2017 on doit mentionner en effet, non plus seulement le match retour du second tour de 2012, entre les deux mêmes présidentiables, mais l’éventualité rationnelle, d’une reconstitution dès le premier tour des cinq mêmes candidats. Ce petit cauchemar pourrait alors annoncer une catastrophe plus grande. Le blocage institutionnel renforcerait de la sorte le discrédit attaché à l’offre politicienne.

Avec son slogan nouveau, pardon : son “élément de langage”, mortifère d’apaisement, notre président Pommade ne guérira rien, il ne fera que calmer de façon très provisoire l’aiguillon de protestation qui darde dans tous les secteurs de l’opinion française, et particulièrement parmi les classes moyennes, cette épine dorsale de la nation que l’on rançonne fiscalement chaque année encore plus et ceci depuis 50 ans.

Au moment où cette nouvelle chronique apparaît le calendrier parlementaire a d’ailleurs entamé son illusoire débat fiscaliste englobant les deux budgets, celui de l’État et celui de la sécurité sociale. Encore plus falsifié, celui-ci prétend, depuis la réforme constitutionnelle Juppé de 1996, retracer l’activité comptable d’une organisation juridiquement non définie. Presque personne ne suit ces marathons institutionnels et les médias ne les évoquent que pour présenter l’affaire comme bouclée.

Or, le scandale tient précisément au double discours. On parle d’économies budgétaires, comme si c’était vrai, alors même que l’on présente par ailleurs pour fatale une hausse de 2,5 % par an de la dépense publique. On avoue déplorer en même temps la fin de l’inflation qui permettait de tout maquiller.

Mais l’écœurement légitime du public présente ceci de particulier dans la France actuelle qu’il amène nos compatriotes à rejeter l’ensemble de la classe politique, la droite comme la gauche.

Il ne faut pas dire que cette tendance touche, sous cette forme, et avec cette intensité toute l’Europe. Dans la plupart des pays voisins, il existe certes une protestation que l’on prétend pouvoir qualifier de “populiste”. Visant les excès de l’immigration, telle qu’elle est imposée à des populations qui n’en veulent pas, elle se voit souvent condamnée par les principaux partis.

C’est à l’écrivain Renaud Camus, que l’on doit l’expression de “grand remplacement”. Elle fait mouche. La formule se révèle aussi heureuse du point de vue littéraire que l’objet qu’elle décrit se profile de façon plus préoccupante.

Le stupéfiant revirement de Mme Merkel marque, lui aussi, de ce point de vue, le changement d’époque.

L’actuelle chancelière avait su dire, en 2010, non au multiculturalisme et au communautarisme.(1)

Elle méritait à ce titre, et à quelques autres, notre admiration et notre confiance, en quelque sorte comme la qualité des automobiles et des machines outils allemandes.

“Cet heureux temps n’est plus tout a changé de face”.

Ceci s’est effondré en quelques semaines presque en quelques jours. Et il sera de plus en plus difficile d’investir notre foi idéelle inébranlable en la culture européenne commune en ces illusions évanouies.

Ah ! “Comment en un plomb vil l’or pur s’est-il changé ?”

En ouvrant les portes de façon inconsidérée à des gens qui envahissent notre continent, elle nous amène à considérer que, désormais, certainement, le temps n’est plus où on pouvait, on devait, la tenir pour moins mauvaise que nos dirigeants hexagonaux. “Merkelmußweg !” elle doit s’en aller proclament les manifestants des villes allemandes envahies. Comment ne pas les comprendre ?

Cette femme, manifestement en perte totale de repères, a fait son temps comme patronne de l’Europe, et probablement de son pays. Sa récente démarche auprès d’Erdogan en Turquie ajoute à l’erreur remplaciste, et au vieux mirage de l’alliance avec une Turquie de rêve, une intrusion flagrante dans la politique intérieure de ce pays. Le pouvoir du chef de l’État reste, dans la constitution actuelle, très limité. Sa personnalité et sa politique pro-islam sont de plus en plus contestées. Des élections législatives doivent se tenir le 1er novembre, lesquelles risquent de remettre en cause la domination du parti AKP en place depuis 2002. Il est insoutenable de s’y impliquer à moins d’un mois de l’échéance.

Bien entendu, de nombreuses voix en Allemagne critiquent ce virage à 180° de la chancelière. À commencer par Horst Seehofer, ministre-président du Land de Bavière le plus prospère d’Allemagne, qui y préside le parti le plus fidèlement allié du bloc conservateur, la CSU. Mais, là aussi, on s’emploie à diaboliser ces oppositions multiples. On les prétend contaminées par de prétendues liaisons sulfureuses, en général indémontrées, là où on délaisse la question des références explicites des activistes “antifas” ou de die Linke avec l’ancienne Allemagne de l’est stalinienne.

Certes dans le reste de l’Europe, à la différence de la France, non seulement les adversaires du “remplacisme” ne contestent pas tous, en général, les grands courants d’opinion de façon globale. Ils parviennent même, dans de nombreux pays, à franchir la barrière invisible et à s’intégrer dans des coalitions de gouvernement.

Or, cette fameuse barrière, ce cordon sanitaire, dans l’Hexagone, les voue, au contraire, à une sorte d’opposition, rageuse certes, grandissante sans doute, mais impuissante jusqu’à présent à formuler autre chose que des imprécations.

De la sorte, et contrairement aux règles classiques de la Théorie des Jeux, la France est en train d’évoluer, au moins pour quelques années, d’un jeu à deux à une partie de trois. L’affrontement binaire a fonctionné depuis 1958, et plus particulièrement depuis les législatives de 1967. Ce furent alors d’abord “la majorité” et “les oppositions”. Depuis 1977 ce furent “la gauche unie”, puis “plurielle” et, en face, ce qui va de plus en plus consentir à s’appeler “la droite”, celle-ci condamnant “le centre” à l’inexistence.

Et maintenant, représentant chacune entre 25 et 30 % de l’électorat :
– “la gauche”, où Hollande et Cambadélis s’emploient désespérément à inclure de nouveau les électorats écolo et communiste ;
– “la droite” où l’ex-UMP semble avoir de nouveau satellisé l’UDI ;
– et “le front” qui n’a cessé depuis le suicide chiraquien de 1998 (2) de s’éloigner de la droite.

Force exclusivement alimentée par les mécontentements, – pour sûr un riche gisement, – le “front” semble à portée de faire jeu égal avec les deux autres séparément. Le président Pommade pense qu’il gagne, à tous les coups, dans un second tour contre sa candidate surmédiatisée. Or, cela n’est même plus assuré. Tout est devenu possible.

La seule chose qui reste impossible c’est de faire, de la démagogie et de l’incohérence, un programme constructif et durable de gouvernement. Le combat des idées et des propositions demeure donc plus que jamais nécessaire. C’est à ce débat, et à cela seulement, que l’auteur de cette chronique considère devoir, et entend, pour sa part, s’attacher.

> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog L’Insolent.

Apostilles :

1. Cf. notre Insolent du 21 octobre 2010 “Merkel la bien pensance et le mythe multiculturel”.
2. Je me permets ici de renvoyer au besoin à mon petit cahier de 1998 “La Droite la plus suicidaire du monde”. C’est à partir de cette date que Chirac d’abord, ses successeurs par la suite, ont creusé le fossé entre droite classique et un FN qui n’a depuis cessé de rendre, de son côté, impossible l’union des droites. à commander sur la page catalogue des Éditions du Trident.

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26 Comments

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  • marie france,sorti des drapeaux , 24 octobre 2015 @ 16 h 51 min

    çà me coupe pour “doublon “,je continue ,les racailles iront voter pour ces salopards ,si celà se passe ,ce que je pense ,en 2017 ,aprés les élections ,je me soucierais de plus rien ,plus d’adrénaline ,plus d’articles plus de débats ,je serais indifférente à tout ,aprés moi le déluge ,mais à quoi bon ,je suis pessimiste ,oui,j’ai toujours eu du respect pour ma Patrie ,chez nous le drapeau était de rigueur aux fenêtres pour le 14 Juillet ,les défilés pour les manifestations patriotiques nous avons toujours été présent ,mais depuis 10 ans ,la France tombe de plus en plus ,plus vous êtes anti – français ,et plus on vous aime ,alors à un moment donné on baisse les bras

  • Marcus , 24 octobre 2015 @ 17 h 39 min

    J’ai dit en haut que j’étais très pessimiste, mais pas que j’allais tout accepter sans rien faire. Même si c’est un rêve sans doute improbable, il se peut qu’un nouvel homme du 18 juin sorte de l’anonymat lors de la guerre civile à venir et, selon moi, inéluctable, et prenne les armes. Alors je le suivrai et je ne serai pas le seul.
    Beaucoup de mes crétins de collègues gauchistes, quand on en discute, me disent “si tu n’est pas content, tu n’as qu’à partir et quitter le pays”. Pour ceux, de moins en moins nombreux, qui connaissent encore l’Histoire de France, en 1940 il y a ceux qui sont partis, ceux qui sont restés pour se battre et ceux qui sont restés et se sont couchés. Ceux que l’on a appelé ensuite les collabos. Après il faut juste choisir son camp.
    J’ai des enfants et des petits enfants. S’il le faut je resterai me battre pour eux. Moi ma vie est faite, et ce n’est pas à mon âge que je baisserai le froc devant les tyrans à venir, gauchistes ou islamistes.

  • Enoch , 25 octobre 2015 @ 1 h 01 min

    L’histoire n’est jamais linéaire. Il peut se passer beaucoup d’événements territoriales et extra avant les élections de 2017. La guerre qui s’annonce risque de cueillir a froid bien des esprits retors engluées dans leurs politiques d’autruches.
    L’histoire ne s’écrit jamais par la majorité. Il suffit qu’une minorité agissante veuille prendre le pouvoir pour que beaucoup de choses changes.

    Qu’une partie de l’elite veuille la destruction des nations européennes ne veut pas forcement dire que toutes les élites le souhaitent.

    Notre changement d’époque est avant tout la fin de la domination du liberale-libertaire. Une revolution conservatrice est en marche.

  • Sirius , 25 octobre 2015 @ 1 h 39 min

    Marcus, “un nouvel homme du 18 juin”? Ce qui veut dire celui,providentiel,qui se révélera en temps de crise? Bon, nous ne sommes plus en 1940 et si la crise n’est pas de même nature,pour celle qui s’annonce (et tout le monde le sait,la sent venir,même les sceptiques dans votre entourage Marcus,ou le mien) avec cette immigration/invasion (qui sera loin d’être gratuite) on peut commencer à rechercher notre Vin Diesel des crises dans les petites annonces.

  • Annie , 25 octobre 2015 @ 2 h 30 min

    Bonsoir marcus tout à fait d accord avec vous c est à cause de ça que beaucoup de français se retrouvent seuls dans la rue ou chez eux rejetés par une soit disant “famille” les liens du sang n importe quoi seuls existent les liens de l argent dans ce bas monde c est plus que triste bonne soirée

  • Christine Carrère (Lacanau) , 25 octobre 2015 @ 2 h 48 min

    “drapeau de rigueur aux fenêtres pour le 14 Juillet de la République, défilés manifestations, hymne révolutionnaire”, Liberté Egalité Fraternité, amour du prochain & Droits de l’Homme… c’est bien marie france, vous, vous êtes “récupérable” pour la Gauche…

  • Xav , 25 octobre 2015 @ 3 h 21 min

    Et vous êtes un troll mal dégrossi, toujours trop excessif pour être crédible (vous avez d’ailleurs si peu fait mouche sur un site comme icelui malgré vos propos à la limite de l’outrage que vous devriez sincèrement changer de passe temps, vous n’êtes vraiment pas bon. Vous deviendrez bientôt ici qu’un simple bruit de fond “floodesque”, tout se qui est excessif est insignifiant…)

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