Un nouveau référendum sème la panique dans les milieux politiques et économiques suisses. Le 30 novembre, le peuple se prononce sur le texte de l’association Ecologie et population (Ecopop) qui veut réduire drastiquement la venue d’étrangers en Suisse. L’initiative populaire “Halte à la surpopulation – Oui à la préservation durable des ressources naturelles” veut limiter la croissance annuelle de la population due à l’immigration à 0,2% sur une moyenne de trois ans. Moins de 17 000 personnes, réfugiés compris, pourraient s’établir en Suisse chaque année, alors qu’en 2013, le solde migratoire a atteint 87 000. Ecopop estime que la population ne peut pas augmenter indéfiniment car les ressources ne suffisent pas. La densité de population s’élève à 205 habitants au km2 (contre 125 en France). Depuis 1960, la population a augmenté de 50%. Ecopop propose en outre que 10% des fonds de l’aide au développement, soit environ 150 millions de francs par an, aillent au contrôle des naissances dans les pays pauvres.
Le Conseil fédéral, tous les partis (y compris l’UDC souverainiste et identitaire) et les entrepreneurs s’alarment. La marge de manoeuvre des entreprises serait nettement réduite, puisqu’elles ne pourraient plus recruter hors des frontières en cas de boom économique. Les Verts critiquent la conception démo-écologique du texte référendaire. Seule l’association soeur de l’UDC, l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN), se prononce pour le oui. L’ASIN a été créée en 1986 à Berne suite au refus du peuple suisse d’adhérer à l’ONU, afin de garantir l’indépendance de la Suisse et sa neutralité. Elle compte plus de 46 000 membres et ses dirigeants sont presque exclusivement des personnalités en vue de l’UDC, comme Oskar Freysinger, Christoph Mörgeli et Yvan Perrin.
Ecopop est le diminutif d’Écologie et Population, une association écologiste (en quasi-totalité alémanique) fondée en 1986 et issue de la Communauté de travail pour les questions de population, créée en 1971 à l’époque où le Club de Rome publiait son célèbre rapport « Halte à la croissance ? ». Club réunissant des chercheurs et universitaires, l’association de compte que 800 membres. Ceux-ci estiment que la croissance démographique (et le consumérisme débridé) représente une menace mortelle sur l’environnement et donc pour l’Humanité. Plusieurs membres des Verts en font partie ou gravitent autour comme Walter Palmers, Yvonne Gilli. et Andreas Thommen.
Le 15 octobre, un premier sondage réalisé auprès de 13 400 personnes sur internet pour le tabloïd 20 Minuten a donné le oui gagnant avec 42% des personnes soutenant l’initiative et 11% répondant « plutôt oui ». Les opinions négatives s’élèvent à 44% et seuls 3% se montrent indécis. Ces résultats sont à prendre avec des pincettes car déontologiquement un sondage par internet n’a aucune valeur.
Rappelons que la Suisse a déjà voté sur des thèmes voisins ces derniers temps. En mars 2012, Franz Weber proposait l’initiative populaire « Pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires ». Franz Weber est un célèbre écologiste et écrivain suisse, qui a obtenu plusieurs prix internationaux, dont le Prix allemand de la protection de la Nature (1978), la Médaille allemande de la protection de l’environnement (1979), le Prix européen pour l’aménagement du territoire (1981). Le texte, qui proposait d’ajouter un article 75a à la Constitution fédérale limitant à 20 % du parc des logements et de la surface au sol habitable le nombre de résidences secondaires dans chaque commune, a été approuvé par 50,6% des votants. Tous les partis de droite, ainsi que que la plupart des médias, firent la propagande du non. Seuls les Verts et le Parti socialiste se prononcèrent pour le oui.
En février 2014, l’UDC proposait au référendum populaire l’initiative « contre l’immigration de masse”, initiative populaire qui voulait ajouter un article 121a à la Constitution fédérale indiquant que le pays « gère de manière autonome l’immigration des étrangers » en fixant des quotas annuels fixés selon les besoins de l’économie « dans le respect du principe de la préférence nationale ». Le peuple suisse a voté oui à 50,3% des suffrages. Tous les partis (sauf l’UDC, auteur du texte) avaient appelé à voter non, de même que le patronat et la grande majorité des médias.
Ce bref exposé met en évidence la complexité des prises de position. Les Verts et l’UDC apparaissent divisées. Le Parti socialiste vote parfois oui, parfois non. Seule la droite « classique » fait toujours campagne pour le non. Des convergences inédites se font jour : le malthusianisme démographique déplaît à la fois aux Verts et aux chrétiens. Le saccage des terroirs par l’urbanisation délirante déplaît aux Verts autant qu’aux socialistes. Mais dès que le texte d’un référendum apparaît comme « xénophobe », tout le monde est contre, sauf l’UDC dont la lutte contre l’immigration est la raison d’être.
Et pourtant, il y a une cohérence à lutter à la fois contre le bétonnage sans limite, la démographie débridée (d’où la proposition de diffuser le planning familial dans le tiers-monde), et l’invasion extra-européenne dans nos pays. Pour ne prendre que l’exemple de l’urbanisation tentaculaire, il faut savoir que chaque année, 160 km2 (16 000 ha) de terres agricoles disparaissent sous les nouveaux immeubles et pavillons. Pendant ce temps, la « dissidence » proteste contre les 40 ha bétonnés pour le futur aéroport de Nantes. Le problème c’est que les gens qui viennent habiter dans ces « nouvelles zones d’urbanisation » forment pour beaucoup le fond de commerce du FN ou de la MPT. « Et voilà pourquoi votre fille est muette », comme l’écrivait Molière dans Le Médecin malgré lui.
41 Comments
Comments are closed.