(Le pain bénit, Pascal Dagnan-Bouveret. 1852-1929)
L’article publié hier a suscité de nombreux commentaires et réflexions. Tant mieux.
Il a permis à votre serviteur de mieux réfléchir à cette question des divorcés remariés et des personnes aux mœurs homosexuelles.
La loi de Dieu dont nous parlions hier ne peut pas changer. Un divorcé dont le mariage était valide n’est pas considéré par l’Eglise comme divorcé, et sa nouvelle union, quelle que soit sa forme, est un adultère. Les mœurs homosexuelles sont considérées comme une abomination contre nature par le Lévitique, et si Jésus Christ recommande de ne plus tuer le pécheur afin de privilégier la miséricorde, il exige toujours la conversion de celui-ci et ne transforme pas son mal en bien.
Nul synode, nul concile et certainement aucun évêque ou prêtre et encore moins un simple laïc ne peut modifier ces exigences venues directement de Dieu, sur l’indissolubilité du mariage et la droiture des moeurs.
Une fois posés ces principes il faut les raccorder aux autres aspects des exigences de Dieu, notamment le désir de voir sauver le pécheur, l’impératif de la miséricorde et de l’accueil charitable. Jésus Christ ne demande-t-il pas de laisser venir les pauvres, les publicains, les prostituées ? Dieu le Père ne fait-il pas miséricorde aux Hébreux maintes fois malgré leur persévérance dans la révolte ? Cette miséricorde inlassable est un exemple pour nous, même si elle n’exclue pas le jugement, qui cependant appartient à Dieu.
C’est ici que nous sommes sans doute invités à chercher une solution. l’Eglise ne peut pas faire que ce qui était mal devienne bien. Elle est la gardienne des sacrements qu’elle doit donner aux hommes pour leur salut, mais qu’elle doit protéger de tout sacrilège. La communion au corps du Christ, notamment, est un acte d’union avec Dieu que seul peut recevoir celui qui a le désir de s’unir à Dieu, en rejetant son péché qui l’éloignait de la perfection divine. Bien sûr, nous ne sommes pas des dieux. Le fossé entre lui et nous est immense. Mais par la perfection de notre vie nous essayons de l’imiter et de nous approcher de lui. Par la communion à son corps il nous vient en aide pour cela. Il est évident que le pécheur non repenti, c’est à dire persévérant dans un état de vie, une action ou une pensée qu’il sait opposés à la volonté de Dieu pour lui, ne peut communier.
Il est évident, ici, que la liste de ceux qui ne peuvent communier est bien plus longue que celle des seuls divorcés remariés et des personnes aux moeurs homosexuels. Nous devrions regarder la poutre dans notre oeil avant d’aller chercher la paille dans celui de notre voisin. Votre serviteur lui-même devrait user plus souvent ses genoux dans les confessionnaux.
C’est ici un deuxième point ; la miséricorde de Dieu est infinie, pour tous les pécheurs, et la miséricorde par la confession est offerte à tous les repentants. Encore faut-il que le repentir soit possible. Evidemment, un divorcé remarié est enfermé dans une situation mauvaise. Dieu seul sera juge à l’heure de la mort et saura distinguer ce qui était de l’ordre de l’endurcissement dans le péché et ce qui était de l’ordre du malheur, de l’immense misère et doit être pardonné. Sans doute y a-t-il des divorcés remariés en Enfer, certainement y en a-t-il également un grand nombre qui, du haut du Ciel, prient pour l’humanité.
L’Eglise, cependant, par prudence, parce qu’elle n’est pas la maîtresse des sacrements mais leur gardienne et dispensatrice, n’a pas le droit de décider à la place de Dieu de qui sera traité positivement ou négativement au Jugement. Elle n’a pas le droit de donner l’eucharistie au pécheur non repenti, et le divorcé remarié, même s’il a le cœur plein d’amertume, en reste un par son état de vie.
C’est une situation qui pourrait sembler insoluble, car le pécheur non repenti peut se sentir mis à l’écart de l’Eglise dont il est un enfant. L’Eglise a beau lui dire qu’il est toujours le bienvenu, il voit qu’il n’a pas sa place dans la file de communion, et que les sourires ne remplaceront pas cette absence.
Il est une tradition, cependant, qui pourrait rassembler la communauté chrétienne, malades et bien portants, autour d’un même amour. Jadis, dans les paroisses de France et du Québec, à la sortie de la messe, il arrivait que des fidèles fassent bénir du pain et le distribuent autour d’eux. C’était un acte communautaire fort qui permettait à tous de se retrouver après avoir écouté la Parole de Dieu et assisté au Saint Sacrifice. En un temps où la conscience de la Présence réelle était forte et où peu de fidèles se jugeaient dignes de communier fréquemment, le pain bénit, c’est à dire bénit par Dieu grâce à son Eglise, permettait de tous se retrouver dans la joie dominicale.
La tradition s’est perdue et peu de paroisses pratiquent encore régulièrement cette distribution de pain bénit. Ce serait, aujourd’hui, une piste intéressante, non pas comme lot de consolation, car on ne peut pas comparer le corps du Christ et un morceau de brioche, mais comme instant de retrouvailles sous les auspices de Dieu.
Imaginons dès lors une pastorale en trois temps :
– Le prêtre devrait rappeler d’abord à ses fidèles qui ont tendance à l’oublier, la valeur et la réalité de la Présence réelle, ce qu’elle signifie dans le don de Dieu pour le monde et dans la vie des chrétiens, mais aussi la charge que cela représente pour l’Eglise qui est la gardienne et dispensatrice du sacrement de l’eucharistie.
– Le prêtre rappellerait ensuite les conditions nécessaires pour bien communier, précisant les horaires de confessions de la paroisse, mais aussi les heures et jours de permanence pour des entretiens spirituels approfondis.
– Enfin, il inviterait, après la messe, tous les fidèles le souhaitant, à se retrouver autour d’un partage du pain bénit, marquant l’union de tous les fidèles chrétiens, serrant les coudes pour marcher vers Dieu, pécheurs et repentis.
Sans doute cette solution trouverait encore des grincheux sur sa route, mais en intégrant concrètement à la communauté les personnes qui se sentent à l’écart d’elle, elle permettrait de les maintenir à la messe, à proximité du confessionnal, proche des prêtres prêts à les accueillir au nom de Dieu. Le pécheur non repenti ne peut plus communier, mais au moins voit-il toujours son Dieu face à face, au moins peut-il encore s’abreuver de sa Parole, au moins est-il encore concrètement accueilli par la communauté des fidèles, jusqu’au jour toujours possible du repentir et de la miséricorde, c’est à dire le temps des retrouvailles.
Cette idée n’est que la suggestion d’un laïc parmi les autres. Mais sans doute mérite-t-elle d’être creusée dans nos paroisses, pour trouver un équilibre entre la nécessaire sauvegarde de l’eucharistie contre le sacrilège, l’accueil de tous les hommes sans distinction et ainsi en définitive le respect de la loi de Dieu.
> Gabriel Privat anime un blog.
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