Touche pas à mon statut !

Emmanuel Macron est-il un mouton noir libéral au milieu des brebis socialistes, un gaffeur impénitent qui laisse échapper par distraction quelques certitudes gestionnaires apprises chez Rothschild, ou un ballon-sonde destiné à tâter les risques d’orage provoqué par les réformes dans le ciel de la gauche ? Les paris sont ouverts. Le temps de travail, le statut de la fonction publique : il a osé toucher aux idoles ! Ce n’est pas l’éléphant dans le magasin de porcelaines, c’est le jeune homme brillant qui, mine de rien, renverse les statues des exceptions républicaines dans la chapelle du socialisme rédempteur. Déboulonner les statuts y est plus difficile. C’est pourquoi les têtes de l’exécutif ont morigéné le novice. Valls a sanctuarisé les 35 heures. Hollande nous a livré un morceau d’anthologie, une profession de foi dans la fonction publique, qui aurait pu être précédée et suivie d’un roulement de tambour pour souligner la solennité du propos. Décorant un fonctionnaire dans un département phare de l’immobilisme national, il a déclaré, en s’adressant au récipiendaire : » un fonctionnaire d’Etat, attaché à son département de la Corrèze, et, comme je le suis, attaché à son statut ». Ce n’était pas du latin, mais c’était la langue sacrée qui nomme les tabous. Le ton inspiré avec lequel le Président a prononcé « Etat » révélait la place de ce mot dans la religion républicaine, celle de Dieu chez les monothéistes. Depuis Tocqueville, en passant par Raymond Aron et par Alain Peyrefitte, ce gaulliste intelligent et donc libéral, on sait pourtant combien la démesure de l’Etat dans notre pays, son centralisme excessif, ont ruiné sa compétitivité. Au lieu d’un Etat régalien musclé et efficace pour assurer notre sécurité intérieure et extérieure et pour exercer sa justice, nous étouffons sous une administration centrale tentaculaire et touche-à-tout. L’Etat, obèse et impuissant, déficitaire depuis 40 ans pour couvrir son seul fonctionnement, surendetté à près de 100% du PIB, ne mérite pas qu’on lui chante un hymne.

Lui associer le département, obsolète et ringard, récidive. L’intérêt public justifie-t-il la myriade de fonctionnaires territoriaux et d’élus locaux, en doublons d’un échelon l’autre ? Leur surnombre par rapport aux pays voisins plus performants donne toujours son sel à la boutade de Clémenceau : « la France est un pays extrêmement fertile. On y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts ». Avec plus de 20% de fonctionnaires chez les actifs, la France se distingue. L’Espagne est à 15%, l’Allemagne à 14% et les Pays-bas à 12%. Nous avons 90 fonctionnaires pour 1000 habitants contre 50 en Allemagne, et 1 élu pour 108 habitants contre 1 pour 2600 au Royaume-Uni. La France est en tête pour la dépense publique (56%) à peine devancée par le Danemark et en conséquence championne pour les prélèvements obligatoires (46%). En maintenant les départements et en regroupant les régions, nos politiciens ont réussi l’exploit de ne pas diminuer le nombre des élus. Il est probable que l’économie issue de la réforme sera négligeable tant les intérêts privés l’emportent dans notre pays sur le sens du Bien Commun. Celui-ci est le dernier souci de nos élus : l’alternance de la gauche et de la droite offre un curieux spectacle. D’un acte à l’autre, les acteurs changent mais le texte demeure. Les élus locaux de droite protestent contre la réduction des dotations de l’Etat de « gauche » comme ceux de gauche se plaignaient du retrait de l’Etat « de droite ». Pas un pour dire que l’intérêt général exige des économies et une diminution des dépenses et des impôts en bas comme en haut.

Le mot du Président le plus lourd est celui de « statut ». Au pays des droits de l’homme, qui un certain 4 Août 1789 a aboli les privilèges, où la gauche a fait préférer l’égalité à la liberté, le statut, légitime lorsque la fonction est soumise à des dangers ou à des contraintes exceptionnelles, garantit à tous les fonctionnaires ainsi qu’à d’autres agents publics une sécurité de l’emploi, un accès meilleur à la retraite, des avantages sociaux et salariaux que la pénibilité et l’utilité du travail ne justifient pas. La Suède a aboli cette distinction désuète. Notre Président a rappelé à M. Macron qu’une telle réforme n’était pas à l’ordre du jour. L’indignation injurieuse des syndicalistes contre le Ministre, « populiste », c’est tout dire, a été à la mesure de l’attachement des intéressés à leur statut, effectivement accrochés à leur fromage comme une moule à son rocher.

La gauche française est paradoxale. Les mêmes qui ne veulent plus qu’on distingue les Français et les étrangers et souhaitent qu’on donne à ces derniers le droit de vote, s’étranglent lorsqu’on désire l’égalité des Français devant le travail. C’est la gauche progressiste pour qui le mot « conservateur » est l’avant-dernier degré de l’insulte avant « fasciste » qui résiste farouchement à toute réforme vitale pour le pays. François Hollande est le Président rêvé de cette gauche. Son attachement au statut est personnel. En réponse à Marianne qui évaluait les revenus du retraité Hollande à 36000 Euros, l’Elysée avait corrigé à 15000. Mais, à condition que l’intéressé renonce au Conseil Constitutionnel et à ses 12000 Euros… Surtout, on apprenait que notre président de gauche et haut-fonctionnaire, conseiller référendaire à la Cour des Comptes pendant trois ans, allait percevoir 3473 Euros par mois à ce titre parce qu’il a eu l’astuce de se placer en détachement et non en disponibilité : un placement rentable sans lien avec le travail… La Corrèze est un beau département qui nous offre d’excellents écrivains comme Tillinac, mais qui semble attirer les politiciens médiocres et partisans de l’immobilisme. L’illustre Henri Queuille, élu de Corrèze, témoignait de cet attachement dont Hollande est le digne héritier. Il disait : « La politique ne consiste pas à faire taire les problèmes mais à faire taire ceux qui les posent ». Les Maires de Beaucaire et de Béziers face à des préfets en savent quelque chose. Il disait aussi : » Il n’est pas de problème dont l’absence de solution ne finira par venir à bout ». François Hollande en a fait sa devise.

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6 Comments

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  • Cap2006 , 23 septembre 2015 @ 10 h 59 min

    Je pense que E. Macron a largement maintenu sa position personnelle.

    Et contrairement à Mr Vaneste, ce n’est pas la réaction de F. Hollande, des cacites du PS et des syndicats qui me surprennent.

    Je suis vraiment choqué qu’aucun homme politique n’ai osé rebondir sur les propos de E. Macron.
    Ni le FN, ni l’ LR n’ont jugé bon de se positionner sur le fond de la question… sauf vous Mr Vanneste, dans ce confidentiel site web.

    RIEN ne justifie l’existence d’un statut de fonctionnaire dans notre pays, hormis les fonctions de controle . Même, de police et de justice peuvent etre largement defonctionarisée…

    Je consideère qu’un homme politique de ce digne de ce nom oserait lancer l’idée d’un statut unique de l’actif… même droits, mêmes devoirs

  • queniartpascal , 23 septembre 2015 @ 11 h 19 min

    macron parle surement des hauts fonctionnaires comme son ami hollande id est:ceux qui ne travaillent pas dés leurs entrées en fonction,et,c’est partout pareil dans les hôpitaux ils manquent de personnel s’occupant des patients et de leurs bien être,et bien qui c’est que l’on embauche des directeurs toujours en réunions,ou les seuls accidents du travail qu’ils peuvent se faire ce sont des escarres a force d’être assis,des déboitements d’épaules a force d’être appuyés contre 1 mur,ou se couper avec 1 feuille 21×27

  • Francois Desvignes , 23 septembre 2015 @ 12 h 03 min

    Si d’aucuns pensent que les 35 heures et le statut de la fonction publique seraient sauvés grâce aux timides protestations de valls et Hollande, soit c’est de leur part de l’angélisme soit c’est de la bêtise en béton.

    Les deux statuts sont morts : la Commission européenne (l’Allemagne) l’exige.

    La vérité : Macron a donné la Voix de son Maitre (l’UE) et Hollande et Valls ont demandé des délais (à cause des présidentielles)

    IL ne sert à rien de s’interroger sur la pertinence de régimes DEJA condamnés : la Commission a DEJA décidé leur suppression.

    Il ne sert à rien de s’interroger sur la souveraineté résiduelle de la France dans le gouvernement de ses affaires intérieures : elle n’a plus AUCUN pouvoir autres que ceux que Washington et Bruxelles lui tolèrent ou lui commandent.

    Il ne sert à rien enfin de spéculer à la manière d’Attali sur la question de savoir QUAND les deux régimes seront dissous : ils le seront pierre par pierre, le temps que les fonctionnaires et les salariés (et encore plus les fonctionnaires comme tels tous salariés) fassent le deuil de leur pain blanc, révolu à jamais.

    Voici pourquoi :

    1/ Pour payer des fonctionnaires, il faut lever des impôts
    2/ Tout impôt levé aujourd’hui est une augmentation de salaire réclamée demain
    3/ Tout augmentation de salaire est un tassement de la marge
    4/ La chute des marges c’est de l’investissement et du dividende en moins.
    5/ La chute des investissements compromet la viabilité de l’entreprise, la chute de ses profits la chute de ses cours.
    6/ Le salaire du fonctionnaire ruine donc le riche

    Fonctionnaires, les riches à Bruxelles vous ont condamnés à mort.

  • xrayzoulou , 23 septembre 2015 @ 12 h 59 min

    Il ne devrait y avoir que le militaires qui devraient être fonctionnaires : ils sont au service de la FRANCE. Mais eux ne sont qu’assimilés fonctionnaires !!!!

  • planck , 24 septembre 2015 @ 7 h 12 min

    les différents statuts : les fonctionnaires ; la SECU
    sont coulés dans le bronze et je m’amuse à écrire ” statues” en ce qui les concerne

  • Romeo , 24 septembre 2015 @ 14 h 28 min

    Un seul problème…aucun homme ou femme politique ne peut proposer cela…..les fonctionnaires c’est 10 millions de voix aux élections (fonctionnaires et leur famille )….vous comprenez pourquoi personne ne s’engage à faire ce que vous réclamez .

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