(La paix et la justice, Corrado Giacinto, Musée du Prado, 1759)
Et voilà ! Aujourd’hui la Cour de Cassation a autorisé la compagne d’une femme lesbienne à adopter l’enfant de celle-ci né après une fécondation in-vitro à l’étranger.
Il fallait s’y attendre. Depuis des années, en France, une femme seule peut avoir recours à une fécondation in vitro, appelée désormais Procréation Médicalement Assistée pour englober les fécondations in vitro et in vivo. Si depuis des années une femme seule peut accéder à ce mode de procréation artificiel, et si depuis mai 2013 les couples homosexuels peuvent adopter des enfants, au nom de quoi cette femme n’aurait pas pu adopter l’enfant de sa compagne ?
On pourra toujours répondre que la loi Taubira ouvrant le mariage et le droit à l’adoption aux couples de sexe identique, excluait le recours à la PMA et à la GPA pour ces couples, se conformant ainsi à la décision du Conseil constitutionnel qui exclue tout principe d’un droit à l’enfant.
Mais la loi est bâtarde.
En permettant ce droit à l’adoption, il est possible pour une femme ayant eu seule un enfant, de contourner ainsi la loi en faisant adopter son enfant par sa compagne. C’est une PMA détournée pour les couples homosexuels que permet la faille de la loi française. Si ce n’était pas possible il y aurait rupture du principe d’égalité devant la loi, puisque dans les couples de sexe différent, le conjoint peut adopter de manière simple ou intégrale l’enfant né d’une précédente union. C’est parce que le législateur a voulu faire des couples homosexuels des couples comme les autres bénéficiant des droits matrimoniaux normaux que nous en sommes là. Refuser ce droit à la compagne de cette femme d’adopter l’enfant issu d’une PMA serait une atteinte à ces principes dont les conséquences pourraient ensuite se répercuter dans d’autres domaines du droit en créant des droits à la carte selon les situations de vie, les communautés, la nature des personnes, etc.
Voici comment nous avons été trompés, depuis le début. Un étudiant en première année de droit aurait pu voir ce qui relevait du simple bon sens ; si la loi est la même pour tous, si l’union de personnes de sexe identique est reconnue comme une union normale capable de fonder une famille et de bénéficier du droit matrimonial français, alors la PMA d’une part, et l’adoption par le conjoint d’autre part, devaient suivre sous peu.
Il se pose un autre problème pour l’avenir ; Le droit à la PMA par des couples lesbiens étant toujours interdit, ce verrou de l’adoption à l’issue d’une PMA pratiquée par l’un des conjoints comme femme seule, venant de tomber, il sera d’autant plus facile d’arguer, dans l’avenir, d’une rupture de l’égalité entre couples hétérosexuels et homosexuels sur le plan de l’accès du ménage à la PMA. Quand ce verrou de la PMA pour les couples aura cédé, c’est celui de la GPA pour les couples d’hommes qui sera attaqué, au nom du même principe.
Dans combien de temps ? C’est une question d’années. Si ce n’est pas pour la législature suivante ce sera pour celle d’après. En attendant, les affaires judiciaires vont se multiplier, augmentant le nombre d’exceptions à la loi afin de la vider peu à peu de son sens et d’en rendre la modification nécessaire.
On ne peut même pas dire que cela parte d’un plan préconçu, c’est simplement le cheminement logique suivi par des législateurs et des magistrats qui se laissent guider par le flot des événements et les conséquences logiques de leurs lois et de leurs décisions. Quelques lobbies font le reste en donnant le coup de pouce final au moment adéquat.
Que faire ? Il n’y a pas d’autre solution que de trancher dans le vif en abolissant non seulement la loi Taubira, mais aussi le PaCS, qui en ouvrant une première brèche dans le caractère institutionnel unique du mariage, a rendu possible la longue marche vers ces droits nouveaux qui détricotent le réel.
Hélas ! Il n’est pas possible d’abroger ces lois sans un véritable coup d’Etat constitutionnel où les principes de sécurité juridique pour les millions de contrats de PACS et de mariage signés seraient envoyés aux orties. Ce serait, à n’en point douter, une crise sociale majeure. La situation en est là aussi parce que les Français, par millions, ont voulu cela.
Aussi, avant la loi, c’est le cœur des hommes qu’il faut changer. Si l’action politique est une oeuvre de retardement, la reconquête ne peut venir que par les âmes, les cœurs et les intelligences, dans la ré-évangélisation de toute une civilisation à la dérive.
> Gabriel Privat anime un blog.
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