Avec l’attaque d’un centre commercial et la prise d’otages à Nairobi, nous voici revenus 15 ans en arrière, lorsque les ambassades américaines du Kenya et de Tanzanie avaient été touchées par des attentats, trois ans avant le World Trade Center. Cet événement suscite plusieurs réflexions. D’abord, il nous rappelle la situation tragique de la Somalie, après la chute de la dictature militaire de Siyyad Barre au début des années 90. Depuis, la communauté internationale, les puissances occidentales au premier chef, les États-Unis, particulièrement sous les administrations démocrates, ont fait preuve d’une impuissance et d’un manque de cohérence, en alternant assistance humanitaire et engagements militaires directs et indirects, qui ont laissé se briser la fragile unité du pays, quand sa population, en proie à la guerre civile, était condamnée à la famine, aux massacres et à l’exil. On se souvient de l’élan humanitaire de décembre 1992, lorsque les écoliers français se sont mobilisés pour que Bernard Kouchner aille porter son sac de riz sur la côte somalienne. On sait aujourd’hui qu’une grande partie des aides de cette époque était détournée et revendue par des groupes armés. Moins d’un an plus tard, le « droit d’ingérence » prôné par le docteur devenu ministre était plaqué au sol avec la « chute du faucon noir ». Après la mort de 19 militaires américains contre plus d’un millier de somaliens lors de la bataille de Mogadiscio, le Président Clinton retirait ses troupes et laissait pourrir la situation, comme il le faisait en Afghanistan ou au Yemen, offrant à Al-Qaïda les bases arrières de son essor. Durant l’administration républicaine, les offensives menées en Afghanistan et en Irak, la seconde sans rapport avec la lutte contre le terrorisme, ont laissé la Somalie au second plan. L’action, indirecte a consisté dans une intervention éthiopienne pour soutenir un gouvernement fédéral de transition contre les troupes des « tribunaux islamiques » tandis que le pays éclatait en plusieurs Etats de fait autoproclamés : le Somaliland, qui correspond à l’ancienne colonie britannique et fait preuve d’une relative stabilité malgré des conflits frontaliers ; le Puntland, dont le Président est à cette époque, le chef d’État fédéral reconnu par la communauté internationale, bien que la zone qu’il contrôle ne soit pas étrangère à la piraterie qui s’étend à partir des côtes somaliennes ; d’autres encore, plus ou moins « inspirés » par les États voisins. Plus récemment, ce fut au tour de l’armée kényane d’intervenir avec succès : Mogadiscio et le port de Kismayo ont été repris à la branche la plus dure des islamistes, les Shabbab de Moktar Ali Zubeyr, qui y faisaient régner la charia et sa terreur, avec par exemple la lapidation d’une fille de 13 ans… Son rival au sein des tribunaux islamiques, Sharif Ahmed est devenu… Président ! L’échec de l’intervention française pour libérer un otage avait montré que les Shabbab n’avaient pas dit leur dernier mot, ni fait leur dernier mort : on vient d’en avoir la preuve.
La seconde réflexion qu’entraîne l’attaque de Naïrobi porte sur la personnalité de l’icône Obama. Avant même d’avoir fait quoi que ce soit, il recevait le Prix Nobel de la Paix, grâce au soutien du socialiste norvégien T. Jagland. Or, si on excepte l’exécution de Ben Laden, à la suite d’une traque menée bien avant son arrivée à la Maison Blanche, le bilan est mince, voire désastreux : il l’est pour les « colombes », puisque Guantànamo et ses tribunaux militaires pour terroristes fonctionne toujours, que les drones continuent leurs attaques à la fois discrètes et efficaces. Mais il l’est aussi pour les faucons. Qu’en sera-t-il de l’Afghanistan, demain ? L’Irak que le « Surge » de Bush avait consolidé est livré à une guerre civile larvée qui provoque des dizaines de morts chaque jour. Le printemps arabe a conduit à une impasse où s’affrontent les islamistes, un temps encouragés, et les militaires. La valse-hésitation dans le dossier syrien a déstabilisé un État, certes peu sympathique, mais qui ne menaçait pas la paix et a généré une atroce guerre civile dans laquelle Al-Qaïda a pris pied en entraînant dans son sillage des « jeunes », convertis ou non, mais fanatiques en tout cas, qui poseront des problèmes considérables à leur retour dans « leurs » pays. Obama a beau souligner que les attentats ne viennent pas de l’extérieur sur le sol américain. C’est peut-être plus grave et il ne semble pas le voir.
Enfin, il faut sereinement poser le problème de l’islam. Qu’il y ait en France de nombreux musulmans qui n’aspirent qu’à vivre tranquillement en se conformant aux obligations rituelles de la religion est une évidence. Malheureusement, cet islam pacifique est démenti par plusieurs constats. Une véritable ceinture de violence s’étend à la frontière des pays majoritairement musulmans, du sud des Philippines catholiques jusqu’aux provinces chrétiennes du Nigéria, en passant par la Birmanie ou la Thaïlande bouddhistes ou encore l’Inde hindouïste et son frère ennemi musulman, le Pakistan. Il semble que les Musulmans aient du mal à être minoritaires, et lorsqu’ils sont majoritaires, de la difficulté à être tolérants. Le respect de la diversité religieuse, qui fait l’objet d’un consensus de la communauté internationale, implique une modération dans le prosélytisme qui doit exclure pression et violence. Il doit au contraire conduire à la réciprocité des comportements. Si l’on construit des mosquées en France, on doit pouvoir édifier des églises en Arabie Saoudite où travaillent des centaines de milliers de chrétiens. La possession licite du Coran, ici, doit entraîner celle de la Bible là-bas. Il est inacceptable qu’Asia Bibi soit en prison au Pakistan parce que, chrétienne, elle a bu dans le même puits que des musulmans ! Les pays de culture chrétienne, les puissances occidentales, les grandes démocraties qui prétendent défendre des valeurs plus que des intérêts doivent mettre la fermeté, la cohérence et la continuité de leurs actions à la hauteur de leur discours sous peine de perdre tout crédit.
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