par Mgr Olivier de Germay
La Corse s’enorgueillit volontiers de ne pas avoir renié ses racines chrétiennes. Pourtant, comme l’indique le nombre d’enfants catéchisés, la transmission de la foi a chuté. En échangeant avec de jeunes parents, je m’aperçois qu’ils sont parfois mal à l’aise avec cette notion de transmission. « Il choisira lui-même sa religion, me disent certains, pourquoi lui imposer la foi chrétienne ? » D’autres décident de faire baptiser leur enfant mais lui laissent ensuite le choix d’aller ou non au catéchisme : « S’il ne veut pas y aller, je ne le force pas. »
Derrière ces réactions, on peut voir en positif l’idée qu’il existe un lien étroit entre foi et liberté. Elles manifestent cependant une vision souvent faussée de la liberté. Dans notre société marquée par l’individualisme, on s’imagine parfois que, pour être libre, il faut choisir à partir de soi-même, sans aucune influence ou conditionnement. C’est la vision d’une liberté automatiquement acquise et qui s’exerce à partir de rien. Mais en réalité notre liberté ne s’acquiert que progressivement, non pas à partir de rien, mais à partir d’un « donné » que nous n’avons pas choisi. Nous n’avons pas choisi de naître, nous n’avons pas choisi nos parents, notre sexe, notre langue maternelle, etc. Tous ces « conditionnements » ne sont pas des obstacles à notre liberté, ils en constituent le socle. A partir de là, l’éducation doit permettre à l’enfant de grandir en liberté.
Tout cela, d’ailleurs, rejoint le bon sens. On sait bien qu’un enfant n’a pas la même capacité à faire des choix à 5 ans et à 15 ans. Il ne viendrait pas non plus à l’esprit de dire « je ne vais pas imposer à mon enfant d’aller à l’école » parce qu’on sait bien qu’il n’a pas la maturité suffisante pour faire ce choix. De même, qui pourrait dire : « Je ne vais pas transmettre mes valeurs à mon enfant, je préfère qu’il choisisse les siennes » ? Eduquer consiste à ouvrir un chemin, à orienter l’enfant vers ce que l’on pense être bon pour lui. Si au départ, sa « marge de manœuvre » est très étroite, elle grandit au fur et à mesure qu’il devient capable de discerner, de choisir et d’accomplir le bien. Et lorsque l’enfant s’approche de l’âge adulte, les parents s’effacent progressivement, acceptant parfois qu’il fasse des choix différents des leurs.
Il en va de même pour la transmission de la foi. Si nous croyons vraiment que Jésus est celui qui vient nous rendre libres et nous sauver, comment ne pas avoir le désir de le faire connaitre à nos enfants ? Le baptême d’un petit enfant rappelle que Dieu prend l’initiative de la rencontre. Mais ce don de Dieu appelle une réponse de notre part. C’est pourquoi le baptême non suivi d’une éducation chrétienne est un non-sens. Il faut permettre à l’enfant de découvrir ce Dieu d’amour afin qu’il puisse, en grandissant, accueillir dans la foi le don de Dieu et choisir de vivre en disciple du Christ. L’éducation chrétienne ne consiste donc pas à faire en sorte que l’enfant ait « fait ses communions » — comme s’il s’agissait de diplômes — mais à susciter, encourager et soutenir une relation personnelle avec le Christ qui va donner un sens à sa vie et lui permettre de s’épanouir.
Il reste évidemment un autre facteur à prendre en compte : la foi des parents. En lisant cet article, peut-être vous demandez-vous : est-ce que j’y crois vraiment ? Si tel est votre cas, lancez-vous dans l’aventure de la transmission de la foi ! Vous verrez que votre enfant n’en sera pas le seul bénéficiaire. Vous-même pourrez faire un bel itinéraire spirituel et vous émerveiller devant le Dieu de Jésus-Christ qui nous rend vraiment libres !
> Mgr Olivier de Germay est évêque d’Ajaccio