Faute de désigner clairement un ennemi, le mandat de Barack Obama a été calamiteux. Il a, en fait, rapatrié l’ennemi, en donnant la priorité au combat de l’Amérique contre elle-même, en privilégiant le progressisme à l’intérieur et donc la lutte contre le conservatisme sociétal et social, tout en prétendant exporter les valeurs américaines de tolérance à l’extérieur. Le conservatisme, voilà l’ennemi, tel est le slogan qui peut résumer son action et qui a tellement plu à notre microcosme national dont Macron est le fleuron. Cela a conduit à encourager la renaissance de l’islam et à imaginer sa compatibilité avec la démocratie lors du discours du Caire et à s’opposer systématiquement à la Russie, qui par un incroyable retournement, est devenue la championne du conservatisme, le paradigme du patriotisme identitaire. La pression à l’intérieur comme à l’extérieur pour que des droits soient reconnus en fonction de la pratique sexuelle, par exemple, restera une marque de l’ère Obama, que l’on considère davantage comme un signe de décadence au pays de Poutine. Les « principes de progrès, de tolérance et de justice communs à l’islam et aux Etats-Unis » évoqués par le Président des Etats-Unis au Caire suffisent à souligner son degré d’ignorance ou de mauvaise foi. Rien dans l’histoire de l’islam ne vient étayer ce discours séducteur et mensonger. Depuis, les occidentaux savent à quoi s’en tenir, puisque les islamistes font régner partout où ils le peuvent, la régression, le fanatisme et la ségrégation entre hommes et femmes, croyants ou non-croyants. La haine et la violence barbare et sans-limite qu’elle engendre désignent clairement l’ennemi : notre civilisation, sous ses deux formes pourtant très distinctes, chrétienne, et hédoniste. Il faut être aveugle pour ne pas voir que nous sommes la cible. Malgré l’écrasement, bien tardif et poussif, de l’Etat islamique, le mal s’est répandu sous de multiples formes. Jamais l’image de l’hydre n’a été plus adaptée. Or, Washington s’est concentré avec mollesse sur une seule tête, pendant qu’il en nourrissait ou en caressait d’autres.
Etrangement, ce combat qui se trompe d’ennemi se poursuit de plus belle, aux Etats-Unis, avec le soutien de la majorité des médias du monde occidental. Il s’accentue même depuis l’élection de Donald Trump. Celui-ci doit avoir une idée plus lucide de l’ennemi, mais il est obligé en permanence, d’éviter les mines semées par son prédécesseur, et que renforcent parfois ses « amis » adeptes du politiquement correct. Obligé de communiquer prioritairement par les réseaux sociaux, il est constamment en butte à l’inquisition médiatique et à la mobilisation des organisations gauchistes, spécialistes des manifestations musclées. Harcelé continuellement par les soupçons sur les relations de son entourage avec la Russie dont on se demande bien comment elle aurait pu, si peu que ce soit, modifier le résultat des élections, il navigue à la godille, bombardant les Syriens un jour, suspendant l’aide aux rebelles le lendemain, et approuvant de mauvais gré de nouvelles sanctions contre la Russie le surlendemain. Le Congrès, pour une fois largement républicain avec un Président du même parti, est loin de le soutenir. On se demande parfois, si dans les rédactions occidentales, et pour le microcosme qui définit et impose l’idéologie du politiquement correct, Trump n’est pas l’ennemi absolu, en tant que symbole vivant du conservatisme populaire, « élu des ploucs », pensent-ils très fort, tandis que l’islamisme ne serait que la conséquence passagère et excusable de tout ce que l’Occident a fait subir au reste du monde. A domicile, ce combat aveugle et suicidaire se pare du voile moralisateur de l’antiracisme, ce concept fourre-tout qui mélange le nazisme avec le conservatisme patriote, de bon sens. Il y a un mois, le 20 Juillet, anniversaire de l’attentat qui a failli réussir contre Hitler, on pouvait se souvenir que ce sont des adversaires et non des amis.
A travers l’idéologie antiraciste, pourchassant les « phobies » en tout genre, l’intolérance a subrepticement changé de côté. La tolérance aujourd’hui ne se limite pas à l’acceptation de l’autre, elle exige de ceux qui sont plus réticents qu’ils renoncent à leur résistance et même à toute affirmation trop visible de leur identité. Le politiquement correct a métamorphosé la tolérance en intolérance notamment à l’encontre des nostalgiques de l’identité autochtone. Ainsi un événement malheureux mais très secondaire dans la situation mondiale actuelle a cependant bénéficié d’une audience planétaire. Une poignée d’extrémistes qui veulent protéger une statue du généralissime sudiste dans une petite ville de Virginie ne menace pas la démocratie américaine, ni n’attente aux droits des noirs qui ont, fort heureusement, progressé. Sans la contre-manifestation, cette réunion de nostalgiques serait passée inaperçue. Malheureusement, au milieu de la confrontation que la police n’a pas évitée, un extrémiste a tué. Le Président a alors été sommé de choisir son camp. Il ne l’a pas fait clairement contre la volonté de l’Establishment. Il a pensé en effet que l’Amérique était le pays du pluralisme et de la tolérance, avec le droit d’exprimer des idées minoritaires et révoltantes, mais sans user de violences. Il a aussi insisté sur l’importance d’affirmer l’unité du pays dans sa diversité. L’identité du « Sud profond » fait aussi partie des Etats-Unis. Lee, le « déboulonné » qui avait été l’un des héros de la guerre contre le Mexique, avait moins défendu l’esclavage que la liberté des Etats. La suprématie du Nord industriel sur le sud des grandes plantations ne signifiait pas seulement la libération des esclaves, mais aussi l’écrasement d’une économie moins avancée par une autre qui l’était davantage. La victoire de l’Union sur un Sud courageux et plein de panache, et la domination très dure des vainqueurs, avec l’arrivée des « carpetbaggers », ont laissé des traces. Le Cinéma américain a le mérite d’évoquer cette histoire sans se limiter à une lecture, même si, avec le temps, l’élégance sudiste s’est estompée, et si la question de la ségrégation est devenue plus lancinante. La Naissance d’une Nation, de Griffith, est à la fois l’un des grands films de l’histoire du cinéma et une apologie du Ku Klux Klan ! Faut-il le censurer ou au contraire faire le pari de la liberté et de l’éducation ? L’acharnement de la gauche à tuer deux fois les morts, les vendéens massacrés par la Terreur, les Pieds-Noirs chassés d’Algérie, les sudistes du Dixieland, n’est pas à l’honneur de la démocratie. Le Sud esclavagiste était démocrate. Le Sud conservateur vote républicain. Le gouverneur démocrate Wallace qui s’opposait à l’égalité raciale dans l’éducation y a été contraint par le Président républicain Eisenhower. La démocratie facilite ces évolutions « en douceur » quand elle tolère la pluralité des idées et des familles de pensée issues de l’Histoire. Le véritable ennemi est celui qui veut détruire en totalité cette histoire, et c’est lui qu’il faut combattre.