Chaque jour qui passe – et à plus forte raison lorsque c’est un jour de forte chaleur – est une ode, que dis-je, un poème raffiné à l’organisation minutée et cadencée de nos infrastructures de transport, notamment en Île-de-France et en particulier à Paris. Il ne se passe pas une journée sans qu’on doive louer avec force le travail minutieux des usagers pour parvenir à se rendre sans encombre du point A au point B de la première région de France.
Manque de bol, parfois, ça ne se passe pas comme prévu.
C’est ainsi que lundi dernier, le trafic des lignes B et D du RER a été fortement perturbé toute la journée après le signalement d’une intrusion de bipèdes facétieux sur les voies de la gare du Nord, qui a déclenché une pagaille mémorable, des perturbations en cascade suivies d’évacuations aussi spontanées que méticuleusement planifiées et suivies par le personnel de sécurité au taquet de la RATP.
Ce qui n’est au fond qu’une anecdote est pourtant intéressant à plus d’un titre et pour bien plus que la (très grosse) poignée de Parisiens directement concernés par l’événement.
D’une part, il semble à lire certains témoignages que les individus qui traînaient sur les voies n’étaient pas la cause des arrêts des RER dans les tunnels de la capitale, mais la conséquence d’arrêts impromptus de ces trains. L’absence de climatisation des rames, la chaleur étouffante à bord et l’absence de décisions claires et concises sur le devenir des trains en question, coincés dans les tunnels, a poussé les conducteurs à ouvrir les portes ce qui a naturellement entraîné l’égaillement joyeux de quelques passagers sur les voies.
On constatera donc un petit décalage avec la communication officielle (« c’est la faute à des individus sur les voies ») qui ne correspond qu’en partie à une réalité plus complexe.
Réalité plus complexe qui, d’autre part, tend à montrer un petit problème de maintenance et de résilience de l’actuel réseau de Transpire en Commun sous la ville de Paris : les problèmes de RER sont maintenant légendaires. Horaires farfelus, pannes à répétition, insécurité connue de certaines rames sur certaines destinations et à certains arrêts, interconnexions erratiques entre la RATP et la SNCF, tout est fait pour que la logistique du déplacement parisien transforme l’usager en épuisé.
Si l’on y ajoute les problèmes de gestion qui transforment ces Transports en communistes en gouffres économiques sans fond(s), on achève là un menu assez bourratif.
D’autant qu’en parallèle, la Mairie de Paris fait absolument tout en son pouvoir pour rendre la circulation en surface et en voiture aussi abominable que possible : travaux à n’en plus finir, mobilier urbain et marquages au sol délirants, fermetures de voies et pistes potentiellement cyclables mais réellement vides à gogo, la ville Lumière devient la ville Escargot pour qui doit s’y déplacer.
La vitrine de la France se dégrade à vue d’oeil, de jour en jour, et aux prix de souffrances accrues pour les habitants d’Île-de-France.
Ce n’est pas un hasard.
C’est en réalité une parfaite illustration, un baromètre fidèle de l’état général du pays tout entier. Et ce qu’il indique est particulièrement peu glorieux.
Ainsi, on sait déjà que l’ordre et la sécurité ne sont plus assurés.
Par exemple, dans un pays normal, l’assassinat en série de trois personnes par arme blanche devrait susciter une indignation au moins aussi grande que des températures élevées en été ou des petites phrases idiotes de présidente de groupe à l’Assemblée. En pratique, l’affaire déclenche quelques brèves tout au plus, et ce alors même qu’on note quotidiennement de nouvelles victimes de ces coups de couteaux déséquilibrés.
Ainsi, on sait que la santé n’est plus assurée.
Outre un système de couverture sociale en déréliction complète, l’hôpital public n’est plus que l’ombre de lui-même. Cornaqué par des dirigeants imperméables à toute forme d’organisation efficace et des bureaucrates perdus dans les injonctions paradoxales d’un pouvoir devenu fou, les performances du système hospitalier français sont maintenant catastrophiques. Pire encore : ces contre-performances sont à présent utilisées pour accroître encore les mesures liberticides, et pour épaissir encore le brouillard de débilités bureaucratiques qui les accompagne.
Ainsi, on sait que l’armée n’a plus le minimum de moyens requis pour prétendre pouvoir protéger le pays en cas de besoin, et la démonstration ces derniers jours de la gestion des Canadairs, qui en réalité calque assez bien la gestion jmenfoutiste de la flotte aérienne du pays, en est une parfaite illustration. Certes, on peut saluer l’héroïsme de ceux qui doivent faire face aux urgences en bricolant des solutions, débrouillards malins d’un pays qui sombre dans le tiers-monde, mais si cela permet de révéler le meilleur de certains, cela montre surtout l’incurie crasse de tous les autres…
On savait que la SNCF et notamment son réseau ferré secondaire ne tenait plus, comme les Canadairs, qu’à force de trombones et de chatterton habilement utilisés par autant de McGyver de la France d’en-bas. On se rend compte avec ces dernières affaires de RER en bouchons que le mal est encore plus profond et touche jusque dans les transports en commun ferrés de la capitale dont les pannes sont devenues si courantes et habituelles que seul le caractère spectaculaire du foirage récent permet d’en trouver mention dans la presse.
En fait, l’état général de la capitale laisse pantois.
Depuis sa Tour Eiffel qui rouille sur pieds jusqu’à ses transports en passant par toutes ses infrastructures, tout semble partir en quenouilles. Les rats les surmulots infestent les places et les parcs eux-mêmes souvent squattés par les drogués surfestifs. Les délires écoloboboïdes de la Mairie de Paris achèvent de consteller le tableau déjà atterrant de petites noisettes de merdes, depuis les palettes de manutention recyclées dans un mobilier urbain aussi hideux qu’inutile jusqu’aux expériences potagères ou paysagistes à la mode « friches sauvages » rapidement parsemées de détritus (quand ce n’est pas des seringues ou des préservatifs dans les quartiers les plus pétillants de la capitale), en passant par l’absence d’entretien minimum de tout le reste.
Ce qu’on observe peut consterner, mais il faut aussi comprendre que tout ceci s’inscrit dans une trajectoire future plus qu’inquiétante : selon toute vraisemblance et à moins d’un réveil brutal des populations concernées, c’est la même équipe qui sera en place dans les prochains mois et qui est donc d’ores et déjà en charge de s’assurer de la bonne marche des JO de 2024.
Faudra-t-il un délabrement à ce point complet qu’il provoque des blessés ou des morts pour qu’on se décide enfin à remettre un peu d’ordre dans cette République qui s’effondre de toutes parts ?
N’y comptez pas trop. Ce pays est foutu.
> H16 anime le blog Hashtable.