Après avoir visionné la bande-annonce de “Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?”, je ne voulais absolument pas voir ce film qui me semblait être encore l’un de ces nombreux navets glorifiant la France métissée que le Blanc de souche, forcément raciste, méchant et colonialiste, doit absolument accepter pour se sauver de son fascisme inné et atavique.
Néanmoins le seul hebdomadaire de droite existant en France, Valeurs Actuelles, m’a fait changer d’avis grâce à sa critique toute en nuance expliquant que, malgré son message final prônant un multiculturalisme idéalisé, le film recelait quelques réflexions politiquement très incorrectes, sources de son immense succès (6,7 millions de spectateurs en un mois).
L’histoire raconte la difficulté de parents provinciaux, Monsieur et Madame Verneuil, admirablement joués par Christian Clavier et Chantal Lauby, gaullistes, patriotes, catholiques pratiquants et fiers de l’être, d’accepter que leurs quatre filles se marient successivement avec un Algérien, un Juif séfarade, un Chinois et un catholique… ivoirien !
Le film est scindé en deux parties inégales. La première est excellente, tant par son humour (la scène ou Monsieur et Madame Verneuil enterrent à contre-cœur le prépuce de leur premier petit-fils dans leur jardin comme le veut la coutume juive est hilarante) que par son message. Celui-ci décrit d’une part, sans porter de jugements, les naturelles incompréhensions de nos deux héros face à des pratiques exotiques comme la circoncision ou les interdits alimentaires. D’autre part, “Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?” montre que les difficultés d’intégration ne sont évidemment pas dues uniquement au caractère obtus du Français de souche chérissant ses racines, qu’elles peuvent être causées par des immigrés en réalité tout autant si ce n’est plus identitaires, voire racistes, que lui, n’hésitant pas à s’invectiver et à s’insulter systématiquement à chaque déjeuner familial, jusqu’à parfois utiliser les poings.
La conclusion de cette première partie est remarquable : seuls l’amour de la patrie française et l’acceptation de sa culture catholique peut créer le lien, la compréhension et l’harmonie. Les Verneuil ont l’excellente idée de se réconcilier avec leurs gendres en invitant toute la famille à passer Noël dans leur belle demeure provinciale. Bien que se sentant obligés d’exposer la croute ignoble – et dénoncée comme telle – de leur fille ainée « artiste et moderne » et d’acheter deux dindes halal et kacher (dont les beau-fils juif et le musulman s’échangeront néanmoins des morceaux devant tout le monde afin de montrer qu’ils peuvent aller au-delà de leurs prescriptions religieuses pour s’assimiler), Monsieur et Madame Verneuil n’hésitent pas à imposer leur culture, seul socle selon eux qui puisse souder les liens.
Ainsi, Madame Verneuil, sûre d’elle-même et de ses valeurs, devant ses petits-enfants médusés, portés dans les bras de leurs pères respectifs israélien et maghrébin, leur présente tendrement mais fermement la belle crèche qu’elle a faite pour Noël et en son centre « le petit Jésus, Fils de Dieu » ! Pour se faire accepter par leur beau-père, les gendres iront avec joie assister à la messe de minuit, chantant gaiement l’émouvant Il est né le divin enfant sous l’œil attentif et autoritaire du patriarche. Franchement, dans ce passage déjà vu par 6 million de Français, Christian Clavier fait bien plus pour le catholicisme que notre clergé vaticanesque actuel, mâtiné d’universalisme socialisant, d’ailleurs fort bien décrié dans le film à travers ce jeune curé, puceau trentenaire sur-éduqué qui substitue un pseudo moralisme moderne, niais, borné et puritain à une foi authentique et ancestrale en Dieu et en son Christ Sauveur !
Mais la scène qui a donné des frissons tant à Monsieur Verneuil qu’à votre serviteur est celle ou le premier se trouve seul dans le salon avec ses gendres qui, pour lui prouver leur amour de la France, entonnent en chœur, à l’inverse d’une Taubira, debout, la tête haute, la main sur le cœur, d’une voix forte et posée, La Marseillaise.
Néanmoins, cette première partie montre sans le dire que si l’intégration ne fonctionne que par l’assimilation à la culture française, l’immigration doit malgré tout ressembler davantage à celles choisies du Canada et de l’Australie, plutôt qu’à celle subie de la France, du fait des pompes aspirantes que sont les allocations et le regroupement familial. En effet, les trois premiers gendres sont cadres : l’un commercial, l’autre banquier et le troisième avocat débutant à Bobigny, mais déjà las de défendre des délinquants de banlieues aussi stupides que violents, qui ternissent de façon collatérale l’image de ceux qui, comme lui, font vraiment l’effort de s’intégrer.
“Le spectateur conservateur et attentif n’aura pas de mal à comprendre que ce message final peut en cacher un autre. Ainsi, en intégrant un immigré de trop pour elle, la famille, à l’image de la France, dissout son identité.”
La deuxième partie du film est par contre moins intéressante, semblant d’ailleurs détruire le message positif véhiculé dans la première partie. Les blagues baissent, le scénario, sombrant dans le convenu, laisse trop vite deviner une fin bâclée. Même Christian Clavier déteint, abandonnant le personnage admirable du début par ses manières, postures, animé d’un verbe acerbe à la langue fuselée, flanqué d’habits de grande classe masquant pudiquement un embonpoint : il se met à incarner peu à peu un bourgeois moderne et arriviste aux réflexes grossièrement « sarkozystes », ne se maîtrisant plus.
Cette dernière partie présente le mariage de la cadette jouée par l’émouvante Élodie Fontan, au visage rayonnant (et aux formes splendides), avec un Ivoirien qui, malgré sa coupe rasta, joue des classiques français au théâtre et est issu d’une famille elle aussi très conservatrice et pratiquante catholique, dont le père cache très difficilement sa haine des Blancs. La coupe est pleine, les Verneuils vacillent. Celui-ci menace de divorcer, de tout plaquer et de tout vendre afin de fuir à travers un tour du monde sans fin, elle se noyant toujours plus dans la dépression.
Finalement tous deux s’en sortiront et sauveront leurs couples et le mariage de leur fille en acceptant « de s’ouvrir au multiculturalisme », au risque de perdre leur âme. Ainsi, Madame délaisse le prêtre pour le psy, et les beaux habits pour des vêtements sports afin de prendre des cours particuliers de zumba, lui se sent obligé de porter l’habit traditionnel ivoirien pour attirer les faveurs du père de son nouveau gendre, et de mimer grossièrement des danses africaines au mariage pour se faire accepter de sa belle-famille. C’est probablement à cause de ce déroulement qu’Éric Zemmour s’indignera, pointant du doigt un film politiquement correct.
Pourtant, le spectateur conservateur et attentif n’aura pas de mal à comprendre que ce message final peut en cacher un autre. Ainsi, en intégrant un immigré de trop pour elle, la famille, à l’image de la France, dissout son identité. « C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne » rappelle De Gaulle.
Les trois premiers gendres l’ont très bien compris, eux qui savent qu’ «on peut intégrer des groupes mais pas des masses » (De Gaulle) et, sentant leur fragile assimilation aux yeux du père Verneuil menacée, décident eux-mêmes, à l’insu de tous, d’élaborer un stratagème afin de torpiller le mariage, préférant que la dernière épouse un Blanc pour l’équilibre de la famille !
Heureusement, Monsieur Verneuil ne perd pas toute son âme : lors d’un règlement de compte avec le père de son futur gendre (aussi hostile au mariage que lui), il lui crie qu’il n’est qu’un Blanc, membre d’une race colonialiste qui a pillé l’Afrique. Verneuil lui répond crânement qu’il n’en a strictement rien à faire de sa repentance car il est un gaulliste assumé et convaincu. L’Ivoirien est subjugué par tant d’assurance qui lui rappelle, avec mélancolie, cette Françafrique de son enfance, pacifiée, en ordre ou chacun mangeait à sa faim (fondée par De Gaulle afin de garder une coopération cordiale avec les pays anciennement décolonisés) où, à l’inverse des démocraties impuissantes actuelles tuant le continent noir, celui-ci était dirigé par des hommes à poigne (l’instar des Hassan II, Bourguiba, Felix Houphouët-Boigny) admiratifs du Père de Gaulle régnant sur une France des Trente Glorieuses, joyeuse, insouciante…et respectée.
Malgré ses lourdes faiblesses, ce film et plus encore son succès sont un miracle et l’une des nombreuses preuves de la prise de conscience par les Français des périls qui menacent d’effacer leur si grand et beau pays. Patience et courage : elle ne cesse de croître et finira bien, à terme, par se traduire politiquement…
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