Au début, il y avait le Printemps arabe, le mirage de la naissance d’une démocratie dans ce monde arabo-musulman qui ne l’avait jamais connue, partagé qu’il était entre dictatures militaires, régimes autoritaires dirigés par un parti unique, et monarchies. Entre l’armée et l’islam, le nationalisme et la religion, avec une économie liée aux richesses du sous-sol et un peu au tourisme, avec des riches, mais sans classe moyenne importante, le contexte n’était guère propice à cette évolution. Elle a échoué partout. Les islamistes ont pris ou tenté de prendre le pouvoir, des pays ont été plongés dans la guerre civile, les fractures religieuses, ethniques, tribales ont multiplié les conflits à l’intérieur des conflits. Le jeu complexe des Etats non-arabes de la région, Iran, Israël, Turquie, les rivalités entre monarchies pétrolières, le nouveau bras-de-fer entre Russie et USA, les intérêts économiques ont encore rendu la situation plus inextricable. Aujourd’hui, il faut dire, il faut crier que cette opération imaginée sur le modèle de ce qui s’est passé dans l’Europe orientale dans les années 1990, est plus qu’un fiasco, une tragédie, dont les puissances occidentales doivent assumer la responsabilité.
La Syrie est le pays qui souffre le plus. L’Etat syrien ne s’est pas effondré parce qu’il a été soutenu par une partie importante de la population et que les alliés qu’il a appelés à l’aide, la Russie et l’Iran, sont intervenus. Le scénario habituel avait été mis en oeuvre : manifestations, répression, ingérence légitimée par les moyens employés contre la rébellion, avec pour conclusion la chute du régime. Trois éléments ont concouru à l’échec de l’opération. Les manifestants étaient dominés par les Frères Musulmans, et comme les Egyptiens, beaucoup de Syriens ne souhaitent pas un Etat islamique. Les opposants ont été armés de l’extérieur par des puissances intéressées par l’affaiblissement de la Syrie, la Turquie, notamment. Cela a produit une résistance nationale. Enfin, la Russie a pris l’affaire en mains et a rétabli la prépondérance de Damas sur la plus grande partie du territoire.
L’information donnée en Occident est toujours aussi partiale. Il est assez clair que le chemin le plus court vers la paix serait le rétablissement de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire. Les villes et les régions libérées regagnent une vie normale. Or, au mépris du droit international, des forces étrangères sont présentes sur le territoire d’un Etat souverain et contre sa volonté. Cette situation, dont l’OTAN est de fait complice, est masquée par des « informations » données par une source proche des rebelles et située à Londres, l’OSDH. Alors que les Turcs ont pénétré dans le secteur d’Afrine, tenu par l’YPG kurde, que les Américains ont bombardé des troupes pro-Assad pour les empêcher de progresser au nord-est de l’Euphrate, là où se trouvent les champs pétroliers, que les Etats-Unis maintiennent à Al-Tanf une base sur le territoire syrien avec une zone d’exclusion pour l’armée syrienne, le long des frontières jordanienne et irakienne, l’accent est mis sur les bombardements subis par une enclave rebelle voisine de Damas, une poche d’où l’on tire sur la capitale, sans doute avec des armes livrées par les Occidentaux, les Turcs ou les Etats du Golfe…. L’émotion suscitée par la mort de civils, par l’emploi éventuel de gaz, détourne l’attention de la situation juridiquement et humainement insoutenable que l’Occident impose à la Syrie et tend à justifier de nouvelles incursions, de nouvelles agressions contre elle sur son propre sol ! Il s’agissait de répandre la démocratie, et c’est cette dernière qui offre le visage du machiavélisme, et de l’indifférence aux malheurs d’un peuple.
La politique internationale n’est jamais morale. C’est lorsqu’elle se drape dans les plis de cette dernière qu’elle devient la plus cynique. Le gouvernement autoritaire de Bachar Al-Assad peut rétablir la paix. Ses adversaires ne peuvent et ne veulent que prolonger la guerre pour des raisons stratégiques et économiques. Entre deux maux, il faut choisir le moindre. Le noeud de vipères des ennemis de Damas ne présente pas la moindre solution. Que penser de l’attaque de l’armée turque aidée par la fantomatique « Armée Syrienne Libre » contre les YPG kurdes soutenus par les non-moins fantomatiques « Forces Démocratiques Syriennes » ? Cette dernière alliance a libéré Raqqa et la province de Deir-Ezzor au nord de l’Euphrate avec l’aide de la coalition. La Turquie, membre de l’OTAN, s’attaque à elle à Afrine ! Les loyalistes veulent la soutenir tandis qu’à l’autre bout du pays, sur l’Euphrate, les Etats-Unis entretiennent la guerre entre Kurdes et pro-Assad. Dans ces combats éclatés qui n’ont plus de sens, des hommes vont se perdre par idéal ou pour de l’argent. Un breton engagé auprès des Kurdes contre l’Etat islamique est tué par les Turcs. Des mercenaires russes servant la Syrie sont tués par l’aviation américaine.
Il faut trancher le noeud gordien, pour éviter que la guerre se prolonge voire s’amplifie, au détriment du peuple syrien. La seule solution est le rétablissement de l’autorité de Damas sur l’ensemble du territoire, avec pour corollaire des garanties sur la sécurité de ses voisins, Israël, Liban et Turquie.
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